SOUDEY Robert, Désiré

Par Francis Colbac

Né en 1895 à Périgueux (Dordogne), mort le 18 mai 1963 à Périgueux ; ajusteur ; secrétaire du syndicat CGTU puis CGT des cheminots de Périgueux (1931-1939, 1944-1948) ; militant communiste.

Fils d’un chauffeur (ouvrier de scierie mécanique dans son autobiographie) et d’une lingère, Robert Soudey fréquenta l’école primaire jusqu’à treize ans et obtint le CEP. Il déclara que lors de son passage à Paris, il avait eu "quelque sympathie pour Le Meillour, anarchiste que j’ai perdu de vue depuis".

Il devint le 16 mars 1929 secrétaire de la cellule des cheminots de Périgueux. À la même époque, le congrès départemental de la Dordogne du Parti communiste l’élut à son comité départemental, responsabilité qu’il conserva jusqu’à la guerre. Il prit de tout temps une part effective à l’activité et à l’orientation de son parti même si, en 1928 par exemple, il émit des réserves sur certaines applications de la tactique « classe contre classe », et notamment sur le maintien systématique des candidats communistes au second tour de scrutin. Il figura sur les listes communistes aux élections municipales de Périgueux de 1930 à 1935. En 1929-1930, il mit sur pied des comités populaires de quartier, théoriquement destinés à se transformer en cellules. En mai 1929, le comité du Bloc ouvrier et paysan local avait pour secrétaires Soudey et Laroche.

En août 1932, il assista au congrès d’Amsterdam en tant que délégué des « coopératives révolutionnaires » de Périgueux et en fit le compte rendu dans un meeting tenu le 14 septembre avec la participation de Paul Vaillant-Couturier. Membre du conseil d’administration de la « coopérative nouvelle d’alimentation », il s’occupait en effet du secteur coopératif.

Mais ce fut dans le domaine syndical, chez les cheminots, que Robert Soudey déploya l’essentiel de son activité. En janvier 1930, il devint secrétaire adjoint du syndicat unitaire des cheminots et, à la fin de l’année, secrétaire adjoint du quatrième secteur de l’Union unitaire du Réseau Paris-Orléans. À la suite d’une réunion de la cellule communiste qui avait examiné les problèmes de direction et d’activité du syndicat, il fut proposé et élu, le 3 avril 1931, secrétaire du syndicat, fonction qu’il ne devait plus quitter, mise à part une brève interruption courant 1932. Il fut délégué aux VIe et VIIIe congrès de la CGTU (novembre 1931 et septembre 1935). En 1933, le syndicat ne comptait que 270 adhérents mais son influence était très largement majoritaire, ce dont attestent les élections professionnelles : en 1930, toutes les catégories de cheminots de Périgueux étaient représentées par des délégués unitaires. Soudey fut longtemps délégué à la sécurité aux ateliers. La place tenue par ce syndicat au sein de l’Union locale unitaire l’amena à participer activement à la vie de cette Union mais il se heurta fréquemment au secrétaire Lacombe qu’il accusa dès 1931 d’être « un agent de la bourgeoisie ». Il apporta sa contribution aux travaux des congrès de l’Union locale unitaire (ULU), notamment en 1933 où il présenta un rapport sur les revendications. Il en fut l’un des orateurs attitrés dans de nombreuses circonstances (grands meetings, premiers Mai, etc.).

Artisan de la réunification syndicale, c’est dès 1931 que Soudey avait fait des propositions au syndicat confédéré. Après la riposte antifasciste commune de février 1934, à laquelle les cheminots de Périgueux prirent une large part, la fusion des deux syndicats fut la première à s’opérer en Dordogne, le 22 novembre 1934. Soudey fut élu secrétaire du syndicat réunifié et le resta jusqu’à l’exclusion des syndicalistes communistes au début de la guerre. Ce syndicat joua un rôle précurseur et moteur dans le processus de réunification départementale. Soudey co-présida le congrès départemental de fusion du 22 décembre 1935 et y fut le porte-parole de l’ex-ULU. Par la suite, toujours présent dans la vie de l’Union départementale, il fut souvent le représentant des anciens unitaires dans les manifestations publiques. Au XIVe congrès de l’UD (juillet 1937), il lança un appel à l’unité et au maintien du Front populaire. Dans cette période, il se consacra quasi exclusivement à la construction d’un puissant syndicat des cheminots dont l’effectif atteignit 2 600 syndiqués (1937) ce qui en faisait le plus fort syndicat de l’UD. Il ouvrit et présida le IIIe congrès de l’Union PO unifiée (Périgueux 2-3 octobre 1936). Il représenta le syndicat et ceux des autres centres PO du département au XXVe congrès de la CGT (Nantes, novembre 1938). Surtout, il organisa la lutte des cheminots pour la défense de leurs revendications. Les années 1936 à 1939 furent marquées par d’importants meetings revendicatifs ; le dernier se tint le 11 juin 1939 où, devant près de mille cheminots, témoignage de la force du syndicat, Soudey condamna « les administrateurs des anciens réseaux qui emploient tout leur temps et tout leur argent au sabotage de la Société nationale » et il appela « à combattre les décrets-lois P. Reynaud ».

Arrêté au début de la guerre, interné administrativement à Fort Barrault en Isère, il resta fidèle à son parti.

Dès 1944, il reprit l’activité syndicale légale. Le surlendemain de la Libération de Périgueux, le 23 août, il fut désigné au bureau provisoire de l’Union départementale. Peu après, il devint membre du bureau comité départemental de Libération, au titre du syndicat des cheminots. En décembre 1944, le premier congrès d’après guerre de l’UD l’élut à la commission exécutive ; chaque congrès annuel l’y confirma jusqu’en 1948. Il y tint une place notable ; son expérience conférait à ses interventions une évidente autorité. Ce fut lui qui fit adopter par la commission exécutive l’appel à répondre « oui-non » au référendum constitutionnel.

Il avait également, après la Libération, fait partie de la commission d’épuration de la région sud-ouest de la SNCF qui comprenait : Monsieur Guerville, président, Messieurs Arnault, Maurice Sauvé, Bos, Beyrand, Soudy, Durant, Gouget et Rouquette.

Durant cette période de l’après-guerre, le syndicat des cheminots demeura en effet le centre de son activité. Il en était redevenu secrétaire à la Libération et contribua à en refaire une organisation active et massive, qui, en 1948, pouvait compter 2 000 syndiqués, voire plus. Il représenta l’UD dans de nombreuses commissions officielles (ravitaillement, logement, etc.) et réunions publiques. Il collabora régulièrement à l’hebdomadaire de l’UD, le Peuple de la Dordogne, écrivant des articles sur les questions politiques, économiques et sociales d’ordre général et sur les problèmes spécifiques des cheminots. Très occupé par ses différentes fonctions, il délégua beaucoup à Robert Degris, alors secrétaire général adjoint. Celui-ci, futur secrétaire général de la Fédération FO des cheminots, témoigna du rôle joué par Soudey lors de la grève de novembre-décembre 1947 :

« À Périgueux, alors que le mouvement avait déjà bien pris au plan national, le secrétaire du syndicat Soudey reçut bientôt la visite de Prunault, secrétaire de l’Union du Sud-Ouest, communiste naturellement. Il venait lui demander des comptes sur la situation anormale : "Tout le monde est en grève, sauf vous, ici !" — "Mais la fédération n’a donné aucun ordre !" — "Exact, mais c’est la base qui.." — "La base ne s’est pas prononcée ici...". On a donc décidé d’un référendum, organisé le 27 novembre sous l’autorité du syndicat (CGT bien sûr), les chefs des différents services (ateliers, Entretien, VB, Gare, Dépôt, SES) ayant fourni les listes du personnel. Le bureau de recensement des votes siégeant aux Ateliers était composé des principaux membres du bureau de la CGT (Soudey, Degris, Plantage, Lafeuillade...). Le dépouillement a donné une majorité contre la grève : sur 2 912 votants, 1 074 se sont prononcés pour la grève, 1 690 contre et 140 abstentions. Pour les cadres : 5 pour, 108 contre et 2 abstentions. Je revois la tête de Soudey : "Robert, il me reste le plus dur à faire, aller prévenir la fédération". Il pleurait.
S’il n’y eut donc pas d’ordre de grève donné à Périgueux, nombreux furent néanmoins les grévistes : les cellules communistes avaient mis le paquet. » (cf. Georges Ribeill, art. cité).

Devant la commission exécutive réunie le 22 décembre 1947 pour prendre acte de la scission syndicale, Soudey dénonça « cette blessure à l’unité des travailleurs, blessure qu’il nous appartient une fois de plus de guérir » (procès-verbaux des réunions du bureau et de la CE de l’UD, 1944-1948).
Le 7 juin 1948, Soudey démissionna de la CE de l’UD et abandonna le secrétariat du syndicat des cheminots, en invoquant « son état de santé et la montée d’éléments jeunes qui vont assurer la relève ». Selon Robert Degris, il aurait été forcé à la démission par les communistes, qui devaient également l’obliger à quitter le parti quelques mois plus tard.

Il s’était marié le 16 février 1931 à Périgueux avec Germaine Daniel

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article8748, notice SOUDEY Robert, Désiré par Francis Colbac, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 26 décembre 2019.

Par Francis Colbac

SOURCES : RGASPI, 495 270 4821, autobiographie, 1er octobre 1938, classé A. — Arch. Nat. F7/13115. — Arch. Dép. Dordogne, 4 M 194, 195, 4 M 207, 208, 209. — Arch. Fédération CGT des cheminots. — Le Travailleur du Centre-Ouest, 12 décembre 1931, 29 avril 1933. — Le Travailleur de la Dordogne. — Le Peuple de la Dordogne, 1934-1939 et 1945-1947. — Comptes rendus des VIe et VIIIe congrès de la CGTU et du XXVe de la CGT. — BT de Périgueux : dossier « syndicat des cheminots » (1929-1940) et cahiers des PV des réunions du bureau et CE de l’UD (1944-1948). — Georges Ribeill, « Autour des grèves de 1947, les scissions de l’après-guerre au sein de la Fédération CGT (CAS, FO, FAC, FgMC) », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 3, Mouvement social et syndicalisme cheminot, automne 1990, p. 95-113. — DBMOF, tome 41, p. 373-374. — Renseignements communiqués par Maurice Sauvé. —Notes de Jean-Pierre Bonnet.— Etat civil.

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