HUSSEL Lucien, Joseph.

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Né le 27 décembre 1889 à Voiron (Isère), mort le 27 mars 1967 à Vienne (Isère) ; employé puis publiciste ; socialiste ; secrétaire de la fédération SFIO et membre de la CAP (1926-1929) ; résistant ; maire de Vienne (1930-1959) ; conseiller général de Vienne (1929-1967) ; président du conseil général (1945-1965) ; député de l’Isère (1932-1940 ; 1945-1951).

Lucien Hussel dans les années 1930.
Lucien Hussel dans les années 1930.
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936.

Lucien Hussel était fils d’un ouvrier mouleur, Jean Hussel, et d’une ménagère, Louise Caboulet. Après l’école primaire de Voiron, il suivit les cours de l’école pratique de Vienne jusqu’à l’âge de dix-sept ans. Il entra alors comme employé à la mairie de 1918 à 1932, à Chasse où il résidait, et, l’année suivante, en 1907, adhéra au Parti socialiste qui venait de s’unifier sous le sigle SFIO. À ce choix, des raisons sociales et familiales confondues : origine modeste, père syndicaliste très actif, coopérateur, libre-penseur, militant socialiste, qui fut conseiller municipal de Voiron et qui professait pour Jaurès une admiration sans bornes.

Combattant de la guerre de 1914-1918, Hussel fut décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire. Au sortir de la Première Guerre mondiale, en 1919, il devint chef de service des retraites à la mairie de Vienne.

Lucien Hussel fut remarqué par Joseph Brenier, maire de Vienne, qui avant lui, fut successivement conseiller général, député puis sénateur, dont il fut considéré comme le disciple. Lucien Hussel devint vite secrétaire de la section socialiste de Chasse puis de celle de Vienne, entra à la commission exécutive de la fédération socialiste en 1919 et collabora au Socialiste savoyard dès son entrée en politique. Puis, il devint secrétaire de la Fédération de l’Isère dans les premières années vingt, mais Arnol lui succéda en 1932. Animateur de la campagne électorale législative de 1919, il signa la motion du Comité pour la reprise des relations internationales et demeura dans la SFIO après la scission de Tours (décembre 1920) en s’y classant à gauche, sans compromission avec les radicaux. Homme de caractère, timide et bourru à la fois, à la chevelure abondante et qui resta toujours rebelle, Lucien Hussel, socialiste ardent, était cependant plus préoccupé d’action que de palabres, plus réalisateur qu’idéologue. Proche de la Vie socialiste, il ne refusait pas pour autant les responsabilités politiques et, de 1926 à 1929, appartint à la CAP du Parti.

Coup sur coup, Hussel allait moissonner des mandats d’électeurs qui lui demeureront toujours fidèles. Conseiller municipal de Vienne, élu le 3 mai 1925 (puis le 26 juillet 1925) il fut élu conseiller général du canton de Vienne-Nord qui le réélira régulièrement jusqu’à sa mort. Le 3 mai 1931, en remplacement de Datry, démissionnaire, Hussel fut élu maire de Vienne : sauf la parenthèse du gouvernement de Vichy qui le chassa de la mairie comme du conseil général pour un temps, il demeura à l’Hôtel de ville jusqu’à son retrait volontaire en 1959. À la tête de Vienne, Hussel mena à bien une œuvre d’urbanisme exemplaire : trottoirs dans toute la ville, construction d’un réseau d’égouts et de quais sur 2 km le long du Rhône ; édification d’un hôpital unique alors pour son aménagement intérieur et magnifiquement situé, dominant la ville ; pose d’un nouveau pont sur le Rhône détruit lors des combats de la Seconde Guerre mondiale ; ouverture d’un collège technique recevant 1 200 élèves ; réalisation d’un ambitieux programme d’HLM. Lucien Hussel accomplit dans sa vieille ville romaine une œuvre de résurrection des trésors d’archéologie enfouis tout au long des siècles : un travail opiniâtre de trois années fit surgir un théâtre antique ; un cloître, joyau de l’art chrétien, enfoui sous des immeubles de trois étages, revit le jour ; d’autres fouilles mirent à jour un temple de Cybèle et un petit Odéon. Ce faisant, le maire socialiste de Vienne dota sa ville d’un capital touristique.

Hussel, s’impliqua fortement dans le réseau associatif laïc et dans des activités sociales. Proche du président Brenier, il fut administrateur de la fédération de l’Isère de la Ligue de l’Enseignement en 1934 et l’un de ses principaux animateurs fédéraux. De 1930 à 1946, il présida le conseil d’administration de la Caisse départementale d’Assurance sociale.

Pendant la crise économique des années trente, le maire de Vienne apporta son soutien à ses victimes, avec une telle ardeur qu’après une grève en 1932, il fut dessaisi de ses pouvoirs de police. Mais cette année-là, les électeurs de la 1re circonscription de Vienne en firent leur député. En 1928, en tête au 1er tour des élections législatives, il avait échoué au ballottage devant une candidature de division. Dans sa profession de foi de 1932, il dénonça la " faillite " de la " majorité de droite " de Tardieu et de Laval. S’adressant aux paysans, il déclara : " le monde rural sait que nous distinguons entre la propriété capitaliste et la propriété privée et que, si nous combattons la première nous protégeons toujours la seconde ". Au 1er tour, Hussel recueillit 5 601 voix sur 22 320 inscrits, derrière son vainqueur de 1928, le républicain indépendant Payen (7 862), mais devant Bloch, radical-socialiste, 4 203, et Richetta, communiste, 794. Bénéficiant du désistement de Bloch, Hussel battit Payen au 2e tour par 9 584 voix contre 8 984. Aux élections législatives de 1936, il vint en tête de tous les candidats avec 8 975 voix sur 22 423 inscrits, devant deux candidats " agraires ", Gaivallet (7 135) et Pavy (702), devant Turrel, communiste (1 244) et un indépendant (390). Au ballottage, Hussel battit Gaivallet par 10 114 suffrages contre 8 508. Hussel se retrouva à la commission de l’Armée mais entra aussi à la commission spéciale chargée d’examiner les projets sociaux du gouvernement de Front populaire. En 1936, il fut secrétaire général adjoint du groupe socialiste et il se rendit en URSS pour un voyage d’études. Au congrès de la fédération SFIO le 30 octobre 1938, il avait tenu un discours pacifiste. Un rapport de police résumait ainsi son intervention : « M. Hussel fait le procès du Traité de Versailles et fait remarquer que le parti SFIO avait voté contre ce traité et que, dans ce cas, aucune faute ne pouvait lui être attribué. Il a traité également du problème de la paix et s’est attaché surtout à démontrer les horreurs de la guerre ». Il se situait alors clairement parmi les partisans de Paul Faure.

Pourtant, le 10 juillet 1940, devant l’Assemblée nationale de Vichy, Berthet fut l’un des " quatre-vingts " qui votèrent contre la délégation des pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Destitué par " l’État français " le 20 septembre 1940, date de suspension de la municipalité “pour la durée des hostilités”, Hussel se lança dans la Résistance avec détermination. En mars 1941, il demanda et obtint l’autorisation de Vichy de rendre visite à Vincent Auriol, Marx Dormoy, Salomon Grumbach et Eugène Montel, enfermés à Vals-les-Bains. Il fut, avec Daniel Mayer*, Froment, André Blumel et Gouin, un des reconstructeurs du Parti socialiste clandestin et il était, pour la zone-sud, membre de son comité directeur. Son domicile fut pillé en 1941, par une “perquisition” faite par la Gestapo et il entra dans une semi clandestinité après le 11 novembre 1942 puis dans la clandestinité totale après l’assassinat de Serlin en janvier 1944, se réfugiant un temps dans les Hautes-Alpes ou menant la vie des maquisards. La décision de transformer le CAS en parti socialiste clandestin aurait été prise à son domicile selon Augustin Laurent. Des notes des renseignements généraux durant l’occupation le présentaient comme un “opposant déclaré” au maréchal Pétain. Une autre, datée du 19 février 1944 assurait qu’il avait conservé une grande influence sur la masse ouvrière, bien que “depuis sa démission d’office, son attitude ait été empreinte de la réserve la plus totale. On peut être assuré, poursuivait-elle, que l’intéressé est un opposant irréductible de la politique extérieure et intérieure du chef de l’État”. Elle précisait que Hussel adhérait également à la loge maçonnique “Concorde et Persévérance”.

À la Libération de sa ville, le 1er septembre 1944, Vienne lui fit un accueil enthousiaste ; il retrouva l’écharpe de maire le 20 du même mois et devait la conserver quinze ans. Il reçut la Médaille de la Résistance et une nouvelle citation. Le Parti socialiste SFIO reconstitué se livrait alors à une épuration drastique de ses cadres mais, saluant son action résistante, le maintint officiellement dans ses rangs au congrès de novembre 1944. Réélu au conseil général, seul mandat qu’il voulut conserver jusqu’à sa mort, il devint (par 39 voix contre 5), le 30 octobre 1945, président de l’Assemblée départementale qui le réélut constamment. Il présidait l’Assemblée départementale avec l’appui des modérés qui ne voulaient pas une présidence radicale.

Élu aux deux Assemblées constituantes (octobre 1945-novembre 1946), Hussel fut réélu, le 10 novembre 1946, député de l’Isère à l’Assemblée nationale. Il exerça pendant six ans les fonctions de questeur et il fut membre de la Commission de la défense nationale à la première ANC, de la Commission des finances et du contrôle budgétaire et de la Commission des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la répression à la 2e ANC.

Lucien Hussel renonça volontairement à se représenter à la députation en juin 1951, à l’âge de 62 ans. Il allait encore se consacrer pendant huit ans à la ville de Vienne (à la tête de laquelle il avait été réélu en 1947 par une entente SFIO-RGR-MRP) et, jusqu’à sa mort, à l’ensemble du département. Outre l’Assemblée départementale, il présidait la société d’aménagement de l’Isère et il siégeait au conseil de l’Université de Grenoble.

Il ne se désintéressait pas pour autant à la politique nationale. Son rôle au Comité d’action socialiste clandestin avait renforcé sa popularité et lui avait permis d’étendre son rayonnement hors du département. Dans la SFIO d’après guerre, il passait pour un modéré, sensible aux thèses des travaillistes britanniques, plutôt sectaire en matière religieuse. Il vota pour l’investiture de Maurice Thorez en décembre 1946, mais vota blanc pour celle de Bidault le lendemain. Le PCF mena de vives campagnes contre lui, l’accusant d’être favorable au réarmement allemand et d’avoir voté la loi prolongeant le service militaire à dix-huit mois. Puis, il fut accusé d’avoir participé à un banquet offert par le représentant de Bao-Daï à Paris. en 1950 Des procès l’opposèrent alors au journal Les Allobroges, auquel il fit imposer par la justice des rectifications. Il fut délégué départemental au congrès régional pour le conseil des communes d’Europe en juin 1957, à Villeurbanne. Durant la Guerre d’Algérie, il se montra hostile à la politique suivie par Guy Mollet. Il écrivit à plusieurs reprises dans des “libres opinions” du Dauphiné libéré pour préconiser des négociations et demandait au gouvernement Guy Mollet de reconnaître “la vocation du peuple algérien à l’indépendance dans un cadre fédéral” (12 mars et 2 décembre 1957). Il cotisait régulièrement au Comité socialiste d’études et d’action pour la paix en Algérie qui regroupait les minoritaires socialistes favorables à une solution pacifique et négociée au conflit. Sa rupture morale était complète. Le 2 janvier 1958, il écrivait à André Philip pour proclamer son « entière solidarité » avec ses positions, lui demandant de poursuivre « sans peur des foudres du Rosbespierrot d’Arras », ajoutant : « Nous lui offrirons une succession ininterrompue d’exclusions de ce parti soi disant socialiste, sous-produit du parti radical, parti de décorés ».

Le Président du Conseil général de l’Isère ne suivit pas les minoritaires lorsque ces derniers firent scission de la SFIO pour fonder le Parti socialiste autonome (PSA) et le Parti socialiste unifié et il maintint la “vieille maison” après le départ de Berthet et d’une partie de la direction fédérale au PSA. En novembre 1958, il fut, pour la dernière fois, candidat aux élections législatives. À l’automne 1959, en dépit de nouvelles sollicitations de ses anciens camarades, il ne figura pas parmi la dizaine d’anciens parlementaires qui rejoignirent le PSA en même temps que Pierre Mendès France. En 1964, il se consacrait à tenter de reconquérir la mairie de Vienne ; le préfet notait qu’il ne préparait pas sa succession.

Il décéda des suites d’une longue maladie le 26 mars 1967 à Grenoble. Le 30 mars 1967, la ville de Vienne, le département de l’Isère, une foule anonyme et toutes les autorités firent à Hussel de grandioses funérailles.

Il était marié à Claudine Coste, née le 22 février 1879 à Chasse-sur-Rhône, de dix ans son ainée, militante syndicaliste du textile et de la métallurgie. Elle milita au côté de Benoît Frachon, puis à ses côtés pour la conquête de la mairie et de la circonscription et prit des responsabilités dans la Ligue de l’enseignement au plan fédéral. Elle décéda peu avant lui en 1966. Ils ont élevé une fille adoptive, Andrée. Une de ses sœurs, Mariette, dite Marinette fut sa secrétaire privée, assumant des fonctions de liaison politique essentielles entre le sénateur-maire. ses camarades et ses administrés.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87499, notice HUSSEL Lucien, Joseph. par Gilles Morin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 15 avril 2010, dernière modification le 22 juillet 2018.

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Lucien Hussel dans les années 1930.
Lucien Hussel dans les années 1930.
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936.
Lucien Hussel dans les années 1940.
Lucien Hussel dans les années 1940.
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946.

SOURCES : Arch. Nat., F/7/15493, n° 2816, F/1b1/998, F/1cII/147, F/1cII/284, F/1cII/292, F/1cII/305, F/1cII/318, F/1cII/320. 625 AP 4. —20010216/94/2723/8. — Archives André Seurat. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires, T. VI, p. 1983. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1928, de 1932 et de 1936, op. cit. — Pierre Barral, Le département de l’Isère sous la IIIe République, 1870-1940, thèse, 1962, Paris, A. Colin, 597 p., passim. — Le Socialiste savoyard, 8 mai 1931. — Le Dauphiné libéré, 31 mars 1967. — Le Monde, 29 mars 1967. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Le Barodet, 1919. --- PS-SFIO, Rapports du congrès de Paris, 1932. — Conseils généraux, élections, résultats officiels, juillet 1925-octobre 1928 et octobre 1931, Paris, J.L.L. D’Artrey directeur. — L’Espoir socialiste, 5 novembre 1966. — Natalie Sévilla, La Ligue de l’enseignement, confédération générale des œuvres laïques, 1919-1939, thèse de doctorat d’histoire, Paris, IEP, 2004. — Gilles Morin, L’Opposition socialiste à la guerre d’Algérie et le Parti socialiste autonome, un courant politique de la SFIO au PSU (1954-1960), thèse d’histoire, université de Paris 1, 1992. — André Combes, La Franc-Maçonnerie sous l’Occupation, éditions du Rocher, 2001, p. 52. — Enquête auprès de Lucien Hussel, en mai 1957.— Etat civil.

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