MARTINET Paul

Par Madeleine Singer

Né le 27 février 1923 à Cormicy (Marne) ; professeur PEG lettres ; secrétaire général du Syndicat national des centres publics d’apprentissage (SNCPA) de 1948 à 1955, il prépara l’intégration de celui- ci dans le Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) en 1962 et fut membre du bureau national de 1962 à 1972.

Paul Martinet était le fils aîné de Maurice Martinet, artisan forgeron qui avait deux enfants. Son père, marqué par la guerre de 1914-1918, faisait à ses enfants le récit des événements qu’il avait vécus. P. Martinet obtint le certificat d’études avec mention très bien en 1935. Ses parents, bien que non- pratiquants, le mirent alors en pension chez les Salésiens au prieuré de Binson dans la Marne. Comme en 1939 ils vinrent habiter près de Reims, P. Martinet poursuivit ses études dans cette ville, au lycée, puis au collège des Jésuites. Il passa le baccalauréat en 1942 et entra alors à la Société générale, tout en s’inscrivant à la faculté de droit de Paris. Mais au bout de quelques mois, après une altercation avec le sous-directeur de la banque, il démissionna et devint instituteur suppléant, puis intérimaire.

En octobre 1944, il obtint un emploi de « moniteur d’enseignement général » dans un Centre de jeunesse à Reims : il y enseigna le français, l’histoire, la géographie, la morale et l’instruction civique. A cette époque il devint lecteur d’Esprit, de Témoignage chrétien, de France-Observateur qui fut d’abord ronéotypé. Les syndicats se constituant à la Libération dans les Centres de jeunesse, il adhéra à la CFTC, participa à de nombreuses réunions dans son établissement ainsi qu’ à celles rassemblant le personnel des différents centres de la ville. Il devint secrétaire de son établissement, puis de la localité ainsi que du département, assista fréquemment au conseil SGEN de l’académie de Paris dont la Marne faisait partie. Dès lors sa vie professionnelle fut étroitement liée à son activité syndicale. Les Centres de jeunesse, devenus Centres publics d’apprentissage, étaient désormais rattachés à l’Éducation nationale et leurs maîtres s’appelaient professeurs d’enseignement général (PEG). Le Syndicat CFTC des centres pour l’académie de Paris demanda à P. Martinet de le représenter dans les commissions chargées au début de 1946 du reclassement du personnel. Comme P. Martinet devint à Paris secrétaire académique du syndicat, il obtint en octobre 1946 sa nomination dans un établissement de la capitale. Elu secrétaire général du SNCPA en 1948, il occupa pendant sept ans ce poste avec une décharge complète de service.

En 1955 il ne demanda pas sa réélection et revint dans l’Éducation nationale : cela lui permettait de souffler un peu tout en favorisant le renouvellement des militants. Lui-même redevint secrétaire pour l’académie de Paris, avec une demi-décharge. Il souhaitait d’ailleurs pouvoir consacrer plus de temps à sa famille car il s’était marié en 1953 avec Paulette Ader. Celle-ci, d’abord institutrice dans le Gers, y milita dans les Equipes enseignantes. Elle passa le concours de PETT d’enseignement ménager, puis celui de PEG sciences, avant d’être affectée dans un établissement de la région parisienne. Ils eurent trois enfants. Elle avait auparavant fait partie du groupe qui fonda au sein de la Paroisse universitaire les Equipes techniques. Après son mariage, elle continua à fréquenter ces Equipes qu’elle fit connaître à son mari.

En 1961 P. Martinet fut amené à reprendre le poste de secrétaire général du SNCPA, devenu SNCET car depuis 1959 les centres d’apprentissage s’appelaient collèges d’enseignement technique. Lors de l’intégration du SNCET dans le SGEN en 1962, il fut donc secrétaire national de la catégorie et à ce titre membre du comité national et du bureau national. Présent à bien des congrès SGEN depuis 1948, il y avait découvert les Cahiers Reconstruction et s’y était abonné car il en partageait les orientations : ainsi il fit partie de ceux qui, au congrès confédéral de 1957, quittèrent la séance pour entonner dans le hall le chant des Canuts. Il avait été invité dès 1949 au bureau du SGEN-Enseignement technique et était dès cette époque membre de la commission des statuts et traitements du SGEN. Il y devint en 1962 le collaborateur de Jean Brocard qui présidait cette commission en qualité de secrétaire national à l’action revendicative.

Après la mort brutale de ce dernier en septembre 1963, P. Martinet lui succéda et le remplaça également à la commission exécutive de la Fédération des fonctionnaires CFTC où il fut élu lors du congrès de cette Fédération. Bien que réélu secrétaire national des CET au congrès de mars 1964, il passa peu après sa charge à Jules Béneton*, car il était en outre devenu à ce congrès un des deux adjoints du secrétaire général du SGEN : Paul Vignaux avait voulu montrer par là l’intérêt attaché à l’intégration des CET dans le syndicat ainsi que l’importance de l’action revendicative. Remplacé au congrès de 1968 par Charles Piétri qui devint secrétaire général adjoint « avec vocation à la succession de Paul Vignaux », P. Martinet dut assurer peu après la direction de Syndicalisme universitaire car Charles Culot* qui effectuait ce travail depuis de longues années, prit sa retraite en 1969 ; il fut toutefois aidé par une secrétaire pour la mise en page et la confection technique du journal.

En 1972 le SGEN se donna une direction qui préconisait « une stratégie de rupture » et non plus une « politique contractuelle ». P. Martinet renonça alors à animer l’action revendicative, bien que la nouvelle équipe l’ait prié de rester à son poste. Il abandonna également la direction de Syndicalisme universitaire qui fut confiée à Claude Bouret. Il quitta le comité national et le bureau national, mais resta toutefois encore un an permanent afin d’assurer la transition. Il rejoignit en 1973 l’Éducation nationale où il exerça jusqu’à la retraite en 1984 la fonction de conseiller en formation continue, d’abord auprès de la délégation de l’académie de Créteil, puis auprès de celle de Paris ; il donna parallèlement des cours dans un IUT sur le droit du travail et l’histoire du mouvement ouvrier.

Pour avoir une idée de son rôle, il nous faut évoquer maintenant les faits marquants de ces vingt- cinq années d’action syndicale au plus haut niveau. En qualité de secrétaire général du SNCPA, P. Martinet participa à l’intégration des centres d’apprentissage dans l’Éducation nationale, puis à l’élaboration des statuts des différentes catégories de personnel de ces établissements. Or, à la Libération, la situation était difficile car il lui fallut conquérir de haute lutte la place de la CFTC, face à une CGT omniprésente, soutenue par le parti communiste ainsi que par une administration qui, dans les premières années, était également très influencée par le PC. Mais il appréciait les qualités humaines de tel ou tel partenaire avec lesquels il put nouer d’amicales relations. Il fit partie d’une délégation intersyndicale (CGT-CFTC-FO) qui en 1962 se rendit en URSS, invitée par le conseil des enseignants de ce pays.

Devenu au SGEN secrétaire national à l’action revendicative, P. Martinet eut à tenir la chronique des traitements, fit d’importants rapports pour les congrès. Or le plan de stabilisation, lancé en septembre 1963 par le gouvernement inquiet de la hausse des prix, conduisait à un blocage des salaires. Nous n’évoquerons ni les grèves qui ont émaillé cette période, ni les efforts de P. Martinet pour susciter une unité d’action entre les fonctionnaires. Comme il le dira au congrès de 1966, les organisations syndicales firent porter l’essentiel de leur action contre cette politique de blocage des salaires, mais la satisfaction de leurs revendications impliquait une transformation des rapports entre l’État et ses fonctionnaires. C’est pourquoi, parallèlement à cette lutte, P. Martinet avait contribué à la mise sur pied au sein du SGEN d’un bureau d’études faisant appel à des spécialistes tels qu’Hubert Brochier*, professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, dont Syndicalisme universitaire publia en février 1966 les « réflexions sur les rémunérations dans la fonction publique » ; leur auteur les avaient présentées peu auparavant au cours d’une session SGEN à Bierville.

Si P. Martinet évoquait dans son rapport de janvier 1968 « deux ans de luttes pour obtenir le droit de discuter nos conditions de travail », c’est que la situation n’avait guère évolué : il faudra l’explosion de Mai 1968 pour la débloquer. Présent dans la délégation SGEN lors des négociations relatives à l’Éducation nationale, P. Martinet l’était aussi dans celle de la Fédération des fonctionnaires CFDT pour les négociations au niveau de la Fonction publique. Bien entendu nous ne détaillerons pas les résultats substantiels alors obtenus. Lorsque P. Martinet dressa, dans le Cahier Reconstruction de mars 1973, le bilan de cinq années d’action contractuelle dans la Fonction publique, il mit en lumière, outre la réduction notable des abattements de zone, l’importance du contrat du 10 octobre 1969 qui concernait le reclassement en quatre étapes des catégories C et D, c’est-à-dire des fonctionnaires qui avaient les indices les plus faibles. Cela ne l’empêchait pas de batailler en même temps pour obtenir que l’Éducation nationale ait un budget correct. « Non, M. le Président !, titrait l’éditorial du 10 septembre 1970, la rentrée prochaine ne se fera pas convenablement, contrairement à l’assertion de G. Pompidou qui avait reçu le 11 août les journalistes dans sa résidence d’été. L’année suivante il soulignait « le retard pris par la rémunération des fonctionnaires sur celle des autres secteurs de la vie économique », en invoquant une étude de l’INSEE de février 1971. Mais il regrettait en même temps que les améliorations insuffisantes proposées par le gouvernement aient été rejetées par toutes les organisations syndicales alors « qu’aucune action d’envergure susceptible de faire céder le gouvernement n’avait été possible ».

A cette époque la situation était d’autant plus difficile que la Fédération des fonctionnaires CFDT était en crise : les PTT, hostiles à toute négociation qui était à leurs yeux « une collaboration de classe », l’avaient quittée après la signature du contrat du 10 octobre 1969. Le président et le secrétaire général de la Fédération démissionnèrent en 1971 afin de provoquer une clarification de la situation. Un nouvel organisme, l’UFFA (union des fédérations de fonctionnaires et assimilés), ne sera mis sur pied qu’en 1973, c’est-à-dire à un moment où P. Martinet n’avait plus la responsabilité de l’action revendicative. Il n’approuvait d’ailleurs pas les statuts de l’UFFA car les décisions étaient prises au sein d’une commission exécutive où les organisations n’étaient pas représentées proportionnellement à leur nombre d’adhérents sans que fut prévu un contrôle des décisions de cette commission par un congrès.

Quand il fut à la retraite, P. Martinet donna à ses activités un caractère plus local, participant, entre autres, au conseil d’administration de l’IUT de Saint- Denis, à celui du Centre communal d’action sociale d’Epinay-sur-Seine, sa commune de résidence, aux activités de l’association des retraités de cette même commune dont il anima la partie culturelle et notamment l’Université inter-âges. Il essayait ainsi de mettre à profit l’expérience acquise au service du Syndicat et de la Formation continue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87543, notice MARTINET Paul par Madeleine Singer, version mise en ligne le 16 avril 2010, dernière modification le 16 avril 2010.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, PUL ; Le SGEN. Des origines à nos jours, 1993, Le Cerf (Arch. dép. Nord, J 1578). — École et Éducation (1948-1955). — Syndicalisme universitaire (1955-1973). — Cahiers Reconstruction, mars 1973. — Notes de P. Martinet, 22 novembre 1995, 25 février 1997, 6 mai 1997 (archives privées).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable