GONZÁLEZ MARCOS Alberto, alias GARCIA Manolo

Par Jacques Debesse

Né le 12 janvier 1938 à Mieres (Espagne, province des Asturies) ; mouleur noyauteur ; militant de l’USO clandestine, secrétaire régional permanent à l’UPSM-CFDT (1971-1974) ; maire d’El Hornillo (Espagne, province d’Avila) en 2007.

Aîné de six frères et sœurs, Alberto González Marcos était fils d’un ouvrier des mines de charbon, athée, militant à l’UGT, tabassé et détenu par la police franquiste à la suite d’une manifestation du 1er Mai à Mieres, et d’une mère issue d’une famille républicaine, elle-même catholique mais peu pratiquante. Après l’école primaire, il fit son apprentissage dans une entreprise de construction à Mieres (1953-1954) puis travailla dans de petites entreprises métallurgiques. En 1955, il fut embauché dans une fonderie de sa ville natale en qualité de mouleur noyauteur.

Entre-temps, Alberto González Marcos avait adhéré à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). À cette époque, en Espagne, si les mouvements catholiques dont les évêques et les archevêques avaient la responsabilité étaient autorisés, ils étaient néanmoins surveillés par la police. Les aumôniers rappelaient que l’objectif principal était la rechristianisation et non les revendications syndicales, mais certains d’entre eux, las du franquisme, comme dans le bassin minier des Asturies, laissaient les jocistes poursuivre leurs analyses selon la méthode « voir, juger et agir » qui les conduisaient à remettre en cause le régime. Là où la JOC était puissante, les militants étaient constamment menacés d’arrestation et devaient s’opposer aux phalangistes qui faisaient irruption dans leurs assemblées.

Ce fut son activité, à partir de 1955, à la Jeunesse ouvrière chrétienne espagnole qui incita Alberto González Marcos à entrer au séminaire afin de devenir prêtre pour le monde ouvrier. Il le fréquenta de 1958 jusqu’à son renvoi en 1963 pour une raison administrative. Son passage au séminaire allait lui permettre toutefois de suivre des études secondaires et d’obtenir le baccalauréat (1965). Admis en 1963 comme pensionnaire chez les Fils de la Charité à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) grâce à un professeur du séminaire d’Oviedo, il entama une réflexion d’une année qui le conduisit à abandonner l’orientation sacerdotale en tant que prêtre-ouvrier.

En France, Alberto González Marcos prit contact avec la JOC française qui avait alors des relations étroites avec la JOC espagnole puisqu’elle avait pris en charge un permanent, Luís Castelló, natif de Valence. Alberto González Marcos devint un collaborateur de Luís Castelló et fut responsable de la publication en espagnol du matériel de propagande jociste pour les militants de la Région parisienne. Il poursuivait également son engagement au syndicat clandestin Union sindical obrera (USO) dont il faisait partie depuis 1960. Il se fit embaucher à la Maison de la Bonne Presse à Paris (VIIIe arr.) par l’intermédiaire d’un ouvrier chrétien et adhéra au syndicat CGT du livre, seul présent dans l’entreprise. De 1965 à 1966, il fut bibliothécaire au CNRS à Paris, chargé de procurer documents et livres aux chercheurs. C’est ainsi qu’il put poursuivre des études, fréquentant l’Alliance française à Paris (1965-1966) et la Sorbonne (1966) pour suivre des cours de français destinés aux étrangers. Appelé sous les drapeaux en Espagne pour effectuer son service militaire (mars 1966-mai 1967), il prolongea son séjour par un passage à la faculté de sciences économiques de Madrid en 1967 avant de revenir en France et de s’inscrire à Paris III (1967-1976). Il obtint une licence ès lettres en 1972 puis une maîtrise de linguistique en 1976.

La CFDT, par l’intermédiaire de son secteur international dirigé par René Salanne*, développait des relations soutenues avec l’USO depuis la fin des années 1950. Sa solidarité à l’égard de l’organisation clandestine se concrétisait par la prise en charge et la formation d’un permanent de l’USO à Paris dans un double but : prévoir une efficacité syndicale après la chute de la dictature franquiste et faire connaître l’USO en Europe par l’intermédiaire de la CFDT. Lorsque Ramos Agapito, alias Paco, permanent de l’USO à Paris, revint en Espagne, Alberto González Marcos, appelé en clandestinité Manolo Garcia, fut pressenti pour le remplacer avec le souci qu’il soit intégré dans une structure syndicale française représentative d’une forte densité de travailleurs immigrés. Le secteur de l’automobile, en pleine croissance industrielle et en quête de main-d’œuvre immigrée, fut alors choisi.

En décembre 1971, en accord avec la confédération CFDT et l’USO, la FGM (Fédération générale de la métallurgie) embaucha Alberto González Marcos qui devint, jusqu’en septembre 1974, permanent détaché à l’UPSM (Union parisienne des syndicats de la métallurgie), chargé de conduire une politique en direction des travailleurs immigrés dans la métallurgie en région parisienne. Il intégra le SGTA (Syndicat général des travailleurs de l’automobile), un des syndicats composant l’Union, en coopération avec Fernand Penin*, son secrétaire général, tout en conservant son rôle de représentation de l’USO lors de séminaires et de rencontres européennes.

Au sein de l’UPSM, Alberto González Marcos créa un groupe de traducteurs pour permettre l’information des travailleurs immigrés en langue arabe, espagnole, portugaise, turc et yougoslave, et la publication de tracts bilingues voire trilingues dans les entreprises. Il anima des sessions de formation pour sensibiliser les militants français à l’action pour l’égalité des droits de tous les travailleurs et pour impulser la création d’un secrétariat national des travailleurs immigrés au sein du secteur international confédéral dont Pierre Évain fut responsable. Il combattit les interventions irresponsables de certains groupes d’extrême gauche qui n’hésitaient pas, en manipulant des immigrés sans papier, à les pousser dans des grèves de la faim illimitées, présentées comme seules actions efficaces, quelles qu’en fussent les conséquences dramatiques. Par sa présence sur le terrain et sa force de persuasion médiatique appuyant l’action syndicale, il réussit à trouver les moyens d’une négociation efficace avec les pouvoirs publics et désamorça la pratique de ces actions douteuses, redonnant ainsi l’espoir aux immigrés qui s’adressèrent alors aux syndicats, particulièrement à la CFDT. Son action pour la promotion des droits syndicaux, sociaux et politiques des immigrés trouva son point d’orgue lors du congrès confédéral de 1973 à Nantes où il présenta à la tribune, sous de chaleureux applaudissements, une résolution très largement votée. Une dynamique vigoureuse était approuvée par la CFDT au plan national pour revendiquer l’égalité des droits entre Français et immigrés et agir contre le racisme.

De retour en Espagne, à Madrid, en 1978, Alberto González Marcos continua de militer à l’USO avec des responsabilités dans le syndicat des arts graphiques. Il abandonna le militantisme syndical en 1981 à la suite d’une seconde scission – traumatisante – de l’USO. Son expérience lui permit d’exercer diverses activités, notamment dans le domaine de l’éducation populaire, jusqu’à la retraite en 2002. Celle-ci lui donna la possibilité de quitter Madrid pour résider à El Hornillo, petit village de la province d’Avila, où il devint rapidement membre de l’équipe dirigeante d’une association qui gérait la radio municipale et devint responsable d’une revue trimestrielle. Avec son épouse et quelques résidents, il créa une association de retraités et pensionnés, « Les aînés d’El Hornillo », dont il fut le secrétaire. En 2007, il se présenta aux élections municipales sur une liste indépendante et fut élu maire avec l’appui d’une partie du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

Alberto González Marcos s’était marié en 1965 avec Inmaculada Familiar, rencontrée en 1963 lors d’une réunion syndicale de la CFDT à Paris. Membre du mouvement Vanguardia obrera christiana (Avant-garde ouvrière chrétienne), dirigé par des jésuites, implanté en Espagne avec une antenne en France, elle organisait des cours de français pour les enfants d’immigrés espagnols. De retour en Espagne, elle fut active dans des associations sociales de quartier, notamment à Madrid pour construire un hôpital sur le terrain de la prison désaffectée de Carabanchel. Constamment compagne et soutien actif des luttes de son mari, elle fut d’un apport décisif pour le succès des « Aînés d’El Hornillo ». Le couple eut deux enfants, Beatriz (1967) et Miguel (1970), nés à Suresnes (Hauts-de-Seine) où il résidait.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87558, notice GONZÁLEZ MARCOS Alberto, alias GARCIA Manolo par Jacques Debesse, version mise en ligne le 17 avril 2010, dernière modification le 23 août 2010.

Par Jacques Debesse

SOURCES : Arch. CFDT (UPSM et FGMM). — Entretien téléphonique et lettres d’Alberto González Marcos, 2010.

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