POISSENOT Aimé, Louis

Par Madeleine Singer

Né le 1er mai 1915 à Montécheroux (Doubs), mort le 25 novembre 2007 à Novillars (Doubs) ; instituteur, puis directeur d’école ; fondateur dans le Doubs de la section primaire du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN).

Unique enfant d’Aimé Poissenot, mort pour la France en septembre 1915, A. Poissenot fut élevé par sa mère qui lui donna le prénom de son père. Ses parents étaient des ouvriers limeurs à domicile, fabriquant des pinces et outils d’horlogerie ; ils travaillaient dès l’aube et jusque tard le soir, à la lueur des lampes à pétrole, pour des salaires misérables, sans sécurité sociale, ni congés payés. Elève au cours complémentaire de Montécheroux, Aimé Poissenot entra en 1932 à l’École normale de Besançon. A cette époque sa mère pour gagner un peu plus accepta d’aller travailler à l’usine du village où l’on polissait les pinces sur des meules douces, au milieu de la poussière. Elle complétait son salaire, le soir ou le samedi, en allant faire des ménages ou cueillir des fraises sauvages, des champignons qu’elle vendait. Elle n’était pas syndiquée car il n’y avait pas de section dans le village : tous avaient trop peur de déplaire au patron et d’être sans travail. C’est un brave marchand juif, dit A. Poissenot, qui lui fournit son trousseau pour l’École normale, trousseau qu’il lui remboursa une fois instituteur.

Sorti de l’École normale en 1935, A. Poissenot enseigna dans divers villages du Doubs jusqu’en 1939. Réformé pour blessure pendant son service militaire en 1936, il fut en 1939 incorporé à l’école d’aspirant de DCA A son retour il fut détaché à la direction régionale des sports et obtint en septembre 1944 sa réintégration dans le primaire, puis un poste double d’instituteur à Vercel. Il s’était en effet marié en 1937 avec Marguerite Fallard, également normalienne ; ils eurent cinq enfants. Nommé en 1952 à Besançon, il y devint directeur d’école en 1968 et y exerça jusqu’à la retraite en 1971.

En 1935 il avait adhéré à l’Union nationale des membres de l’enseignement public (UNMEP), association fondée en 1925 dans le cadre de la loi de 1901. Elle comprenait des membres tant du primaire que du secondaire et du supérieur, chacun des trois ordres d’enseignement assurant à tour de rôle la présidence. Cette association veillait à la défense des intérêts professionnels de ses membres et notamment à ceux des instituteurs molestés pour des raisons de laïcité.

« Entrant dans la carrière militante après son mariage », A. Poissenot devint en 1937 lecteur de l’Aube, de Temps présent, fréquenta avec sa femme les réunions de la Paroisse universitaire où celle-ci était très active. C’est alors que sous l’impulsion d’A. Poissenot, aidé par un autre instituteur, René Winkler, la section primaire de l’UNMEP prit un essor remarquable dans le Doubs : ils organisaient des réunions, intervenaient à l’Inspection académique, publiaient un bulletin local. Ils créèrent une section nationale primaire qui suscita dans dix-sept académies des bulletins régionaux comportant une partie pédagogique.

Ils n’avaient pas ignoré la fondation du SGEN en 1937. Mais ils pensaient que pour défendre les droits des catholiques de l’enseignement public, pour promouvoir une vraie laïcité de l’école, il ne fallait pas se mettre dans l’illégalité puisque la loi n’autorisait pas les syndicats de fonctionnaires. A la Libération la situation était tout autre ; ces syndicats n’étaient plus interdits et par ailleurs l’UNMEP ne se reconstitua pas, sans doute parce que ses principaux dirigeants s’étaient compromis avec Vichy : Jacques Chevalier qui en était président d’honneur en 1939, devint ministre de l’Éducation nationale le 13 décembre 1940. Avec trois collègues représentant le Supérieur, le Second degré et le Technique, A. Poissenot créa donc le 15 novembre 1944 la section départementale du SGEN

Lui-même prit la tête de la section primaire, faisant le tour du département en stop et en vélo pour recruter des adhérents, discutant de son projet avec tous les jeunes de la Paroisse universitaire. Mais à partir de 1945, il ne fut plus que secrétaire adjoint de la section, vu que l’inspecteur d’académie refusait de le recevoir car il avait été traduit devant la commission d’épuration : sous l’occupation, il avait avec R. Winkler constitué une Association professionnelle habilitée à défendre les enseignants, mais ne se compromit jamais avec Vichy. Le ministre, mieux informé, annula donc en 1946 le blâme qu’il lui avait décerné l’année précédente. Toutefois, afin de ne pas revoir l’inspecteur d’académie, A. Poissenot ne figura plus qu’à un poste mineur au Bureau du Premier degré quoiqu’il fut jusqu’à sa retraite un des trois ou quatre leaders d’une section qui, dès les élections de 1948, eut un des cinq sièges de la commission administrative paritaire départementale et le garda aux élections suivantes avec un pourcentage croissant. A. Poissenot préparait les tracts, relançait les camarades ; ainsi pour les élections de 1954, il mit sur pied tout un réseau de collègues qui devaient visiter les sympathisants, s’assurer que les adhérents et les sympathisants n’avaient pas oublié de voter.

En même temps A. Poissenot se préoccupa très vite de faire du SGEN un syndicat « général » vu qu’il était de par ses amitiés une charnière entre le primaire et le secondaire : en 1949 un Bureau académique général fut créé et fonctionna grâce à lui car il avait décidé que ce Bureau se réunirait tous les mardis soir ; peu à peu les secondaires prirent l’habitude d’y venir. A. Poissenot fut secrétaire académique en 1954-1955, puis de 1957 à 1959 : les candidats étant à cette époque peu nombreux, François Girod*, Roger Martelet* et lui-même reprenaient la fonction à tour de rôle. Participant en outre au bureau national (Premier degré), il siégea également au comité national en 1945- 1946, puis de 1951 à 1960.

En octobre 1950, on lui avait demandé de se charger de la partie pédagogique d’École et Éducation à la place de R. Perrin* trop pris par sa fonction de Secrétaire national chargé de la propagande. Trois ans plus tard, ne trouvant plus les concours nécessaires, il céda sa place à H. Tournissou*. Toutefois quand celui-ci lança en 1957 pour les instituteurs débutants une publication spéciale, Chantiers-Jeunes, A. Poissenot en devint un des collaborateurs.

De 1967 à 1986 il représenta le SGEN au sein de la commission administrative départementale de la MGEN et fut vice-président de cette commission (1977- 1986). Il fut également membre du Comité académique des oeuvres sociales (CAOS) de 1975 à 1981. C’est donc bien au-delà de la retraite qu’il continua à servir les intérêts des enseignants. Sa famille appartenant à une petite minorité catholique dans un village en majorité protestant, il avait été séduit à la Libération par le MRP, mais il l’abandonna en 1950 à cause des positions de ce parti au sujet de l’école. Il se tourna alors progressivement vers le parti socialiste et y adhéra ultérieurement. Il n’avait pas de décoration, ayant refusé certaines qu’il jugeait inutiles ou trop tardives.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87598, notice POISSENOT Aimé, Louis par Madeleine Singer, version mise en ligne le 21 avril 2010, dernière modification le 8 avril 2021.

Par Madeleine Singer

SOURCES : Madeleine Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, PUL École et Éducation (1945-1955). Syndicalisme universitaire, 1955-1960. Lettres de A. Poissenot à M. Singer, 20 février 1995, 19 septembre 1995, 13 mars 1996 (archives privées).

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