ROUGEMONT André

Par Madeleine Singer

Né le 6 mars 1922 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), mort le 13 novembre 2004 à Villeurbanne (Rhône) ; professeur d’enseignement général (PEG) sciences, puis proviseur de lycée d’enseignement professionnel (LEP) ; membre de 1956 à 1962 du comité national du Syndicat national des centres publics d’apprentissage (SNCPA) qui devint le SNCET quand en 1959 les centres d’apprentissage s’appelèrent collèges d’enseignement technique (CET), de 1962 à 1977 membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN), le SNCET s’étant en 1962 intégré dans le SGEN ; membre du bureau national des CET de 1959 à 1977.

André Rougemont était le quatrième des cinq enfants de Paul, Marius Rougemont qui avait épousé Hermentine Bernard. Celui-ci était artisan boulanger, sa femme l’aidait dans son commerce qui comportait une petite épicerie. André Rougemont fit ses études jusqu’en Première à l’Institution Saint Antoine de Padoue à Chalon-sur-Saône ; il passa ensuite au collège de Charlieu (Loire), aujourd’hui lycée, où il obtint en 1940 le baccalauréat de philosophie. D’octobre 1941 à juin 1943, il occupa divers postes d’instituteur intérimaire en Saône-et-Loire. Il fut alors réfractaire au STO (service du travail obligatoire en Allemagne) jusqu’à la Libération. Il redevint en octobre 1944 instituteur intérimaire dans son département et fit en qualité d’engagé volontaire son service militaire de juillet 1945 à mars 1946. A la rentrée suivante, il fut nommé PEG au centre d’apprentissage (CA) annexé au lycée de Chalon-sur-Saône et titularisé dans son poste après un séjour à l’ENNA (école nationale normale d’apprentissage) de Lyon (Rhône), du 8 avril 1948 au 10 juillet 1948.

Il fut muté en 1951 au CA appelé « Les carmélites » en raison de son implantation dans un ancien couvent, sis Montée des carmélites à Lyon ; ce CA est devenu aujourd’hui le lycée professionnel (LP) de Flesselles après effondrement des bâtiments en 1958 et reconstruction sur place. Nommé en 1958 au CA annexé à l’ENNA de la même ville, il y fit fonction de directeur de 1968 à 1969 car le poste ne fut créé qu’en 1969 : jusqu’alors un professeur déchargé de cours en jouait le rôle. A. Rougemont ne put conserver le poste en 1969, suite à la nomination d’un directeur titulaire. Il fut donc alors détaché à l’ENNA sur un poste où il s’occupait de la formation des stagiaires. En 1970 il fut nommé directeur du CET La sauvagère à Lyon ; en vertu du décret du 25 mai 1969 dont c’était la première année d’application, il ne fallait plus comme auparavant passer un concours, mais figurer sur une liste d’aptitude. André Rougemont prit sa retraite dans cet établissement en 1982, après être devenu proviseur quand les CET s’appelèrent LEP en 1977. Il avait épousé en 1942 Marinette, Claudie Navel dont les parents étaient fleuristes. Elle travailla avec eux pendant que son mari était réfractaire au STO et se consacra ensuite à son foyer. Après avoir perdu son premier enfant, elle en eut trois autres : une fille secrétaire de direction trilingue ; deux fils, l’un kinésithérapeute, l’autre technicien en contrôle et régulation. Ce dernier met en place des matériels qui contrôlent le fonctionnement de certaines installations telles que le chauffage afin d’en optimiser le rendement et d’en assurer la sécurité.

En arrivant en 1946 à Chalon-sur-Saône, André Rougemont se rendit au local de l’Union départementale (UD) CFTC afin de se renseigner sur les organisations syndicales. Il y rencontra le secrétaire général qui était un de ses camarades de lycée et qui lui fit connaître la branche syndicale à laquelle il était rattaché, à savoir le Syndicat national de l’apprentissage (CFTC). A. Rougemont en fut le premier adhérent dans le département ; il en devint donc le secrétaire départemental et par conséquent membre du bureau académique du Syndicat à Lyon, le département faisant alors partie de cette académie. Ce syndicat s’appela Syndicat national des centres publics d’apprentissage (SNCPA) lorsque par la loi du 21 février 1949, les centres publics d’apprentissage obtinrent le statut d’établissements publics. Par Le lien des centres, organe du Syndicat, nous savons qu’André Rougemont fut, le 6 juin 1952, élu à la commission administrative paritaire académique (CAPA) des PEG, réélu en 1956, puis en décembre 1959. Depuis 1953 il était responsable de l’ENNA de Lyon pour le SNCPA : les stagiaires constituaient leur section et il resta leur interlocuteur permanent jusqu’en 1970. Or depuis 1956 il siégeait au comité national du SNCPA en qualité de responsable pour les PEG, car en vertu des statuts adoptés cette année-là par le congrès national, le comité national devait désormais comprendre un représentant de chacune des dix catégories de personnel (maîtres auxiliaires, surveillants d’externat, etc.). A. Rougemont y demeura à ce titre jusqu’à ce qu’en 1959, il figura parmi les élus du congrès, car il devenait membre du bureau national des CET. Lorsque le SNCET s’intégra dans le SGEN en 1962, A. Rougemont passa au comité national du SGEN tout en demeurant au bureau national des CET. Il soulignait d’ailleurs que la section académique de Lyon avait milité parmi les premières pour cette entrée du SNCET dans le SGEN.

Toutes ces responsabilités impliquaient de nombreux voyages à Paris ou dans les villes sièges des congrès. Or à cette époque, les liaisons ferroviaires n’avaient pas la rapidité qu’elles acquirent avec la mise en service des TGV. Le comité national avait un rythme trimestriel, les congrès CET un rythme annuel qui devint bisannuel avec l’entrée dans le SGEN, le bureau national CET se réunissait le dimanche une fois par mois. En même temps membre du bureau académique des CET à Lyon, A. Rougemont était toujours disponible pour les tâches qui se présentaient : ainsi en 1962, il fut secrétaire académique des CET, faute de trouver un autre candidat. Lors des événements de Mai 1968, il fut à la tête du mouvement dans son établissement. Il alla présenter au directeur de l’ENNA les revendications de ses collègues, lesquelles concernaient la formation donnée dans l’ENNA aux futurs professeurs ainsi que la vie interne du CET où celui qui faisait fonction de directeur avait supprimé le règlement intérieur comportant notamment un système d’autodiscipline mis en oeuvre auparavant. A. Rougemont voulait à ce sujet venir voir le directeur avec des collègues et des élèves, mais le directeur le prit fort mal car il refusait de recevoir des élèves. Pourtant à la rentrée, celui-ci demanda à André Rougemont de prendre la direction du CET : ce dernier n’accepta qu’après avoir consulté ses collègues à qui il avait déclaré qu’on continuerait dans l’esprit de Mai 68.

Devenu directeur, André Rougemont demeura tant au comité national qu’au bureau national des CET. En février 1974, il signa avec Jules Béneton*, secrétaire national des CET, un article dans Syndicalisme universitaire, relatif aux mesures prises par le ministre pour assurer une formation de longue durée à l’intention des candidats inscrits sur la liste d’aptitude aux fonctions de chef d’établissement. La circulaire du 3 janvier 1974 affirmait le rôle du chef d’établissement, lui donnait des pouvoirs et des responsabilités, y compris dans le domaine pédagogique. Or les dirigeants du SGEN refusaient qu’il y eût une structuration en équipe de « direction » dont les membres joueraient le rôle de « cadres » car cela renforcerait le clivage entre les catégories de personnel, chargées les unes de l’animation, les autres de l’enseignement ; il fallait au contraire créer une véritable communauté éducative. Candidat lors des élections aux commissions consultatives spéciales du 3 mai 1976 sur la liste SGEN des directeurs de CET, André Rougemont le demeura pour le scrutin du 22 janvier 1982 relatif aux proviseurs de LEP car les CET étaient devenus LEP en 1977.

Dans l’intervalle, au congrès national de mars 1977, l’équipe dirigée par Jules Béneton avait perdu le pouvoir. Depuis le changement de majorité intervenu au sein du SGEN en 1972, la section nationale des CET était la seule à avoir conservé les anciens dirigeants qui avaient soutenu Paul Vignaux et Charles Piétri. Or en 1977 surgit dans quelques académies une opposition qui reprocha notamment à l’équipe Béneton son accord avec le SNETP-CGT (syndicat national de l’enseignement technique public) sur les revendications et les formes d’action. Cet accord qui faisait suite à l’accord CFDT-CGT de juin 1974, s’expliquait parce que Jules Béneton n’obtenait d’action commune ni avec le SNETAA (syndicat national de l’enseignement technique et de l’administration académique), ni avec FO (force ouvrière), vu que ces organisations faisaient confiance aux promesses du ministre. Au congrès SGEN de 1977, le rapport d’orientation de l’équipe Béneton fut rejeté : avec 72 voix de majorité, Christine Berthonnet devint secrétaire nationale des CET.

André Rougemont quitta alors le comité national et le bureau national des CET, mais il garda des contacts avec le plan national comme on l’a vu par sa candidature aux élections de 1982. En janvier 1987, on le retrouva à Paris lorsque le SGEN réunit bon nombre d’« anciens » pour préparer le Cinquantenaire du Syndicat, fondé le 9 novembre 1937. A cette occasion, A. Rougemont évoqua la personnalité tranchée du « boss », Paul Vignaux, secrétaire général de 1948 à 1970, ainsi que ses premiers contacts en 1960 avec des camarades du Second degré qui acceptaient difficilement que les professeurs du technique aient le même horaire, voire le même traitement qu’eux…

Passant les dernières années de sa carrière sans charges nationales, André Rougemont poursuivit l’activité régionale qu’il menait depuis longtemps au sein de la CFTC-CFDT. Au congrès SGEN d’avril 1962, il avait au cours du débat sur la défense des libertés souligné la nécessité de renforcer les effectifs de militants dans les UD et les UL (unions locales). En rentrant de ce congrès, il apprit qu’il avait été désigné par le bureau pour prendre la parole au cours du meeting du 1er mai que la CFTC allait à Lyon célébrer avec la CGT. Comme l’orateur de celle-ci était Marcel Paul, ce ne fut pas une mince affaire. Le tract que nous possédons appelait à un défilé suivi d’un rassemblement à 15 h 30 « pour l’application loyale des accords d’Evian (Haute-Savoie) et la mise hors de nuire de l’OAS (organisation armée secrète), pour l’aboutissement des revendications économiques et sociales, la défense de l’école publique et de l’Université, le désarmement et la paix mondiale ». Ce sont tous ces points qu’André Rougemont développa dans un discours dont il nous communiqua les notes ; il y soulignait notamment les efforts de la CFTC pour obtenir une solution négociée du problème algérien ainsi que l’apport du SGEN à une réforme de l’enseignement qui contribuât à rénover la démocratie.

Il devint en 1964 président de l’UD du Rhône. Le bureau national CET salua cette élection en rappelant qu’André Rougemont « consacrait à cet organisme depuis longtemps une grande part de son activité, notamment dans le cadre des problèmes de formation professionnelle et d’éducation nationale ». Il se trouva bien entendu à la tête de la délégation de son UD lors du congrès confédéral extraordinaire des 6 et 7 novembre 1964 ; à son retour il participa à la conférence de presse donnée par le comité régional des huit UD Rhône-Alpes, conférence à laquelle Le progrès fit écho le 13 novembre 1964. Resté président jusqu’en novembre 1968, A. Rougemont n’eut pas une tâche facile. L’accord CFDT-CGT du 10 janvier 1966 permit une relance de l’action revendicative : un historien notait que le premier semestre 1966 connut à lui seul deux fois plus de journées de grève que toute l’année 1965. Il y eut notamment la grève du 17 mai 1966, décidée par les Comités CFDT-CGT du secteur public, semi-public et nationalisé, puis celle du 1er février 1967, grève d’ampleur nationale, déclenchée par les deux confédérations qui jugeaient que le plein emploi était de plus en plus compromis, que les atteintes aux libertés syndicales se multipliaient et que les chambres patronales se refusaient à engager de véritables négociations. Aussi au comité national SGEN du 1er mai 1967, A. Rougemont put exposer les leçons tirées par son UD des actions de grève des dernières semaines. Puis il se retrouva au congrès confédéral des 9-12 novembre 1967 avec la délégation de son UD.

Par ailleurs d’après le Syndicalisme du 16 mai 1968, l’UD du Rhône prit part le 1er octobre 1966 ainsi que le 24 avril 1968 à des manifestations communes de toute la gauche en faveur de la paix au Vietnam, bien que ce ne fut pas la position de la Confédération. Celle- ci, vu l’accord interconfédéral de janvier 1966, ne voulait pas se laisser entraîner sur le plan politique et recommandait de ne participer qu’à des manifestations regroupant des organisations non-communistes. Mais à Lyon, il y avait, dit A. Rougemont, une tradition « unitaire ». Le congrès départemental CFDT devant avoir lieu en mai 1968, A. Rougemont avait à l’avance prévenu qu’il ne serait plus candidat. Son mandat fut prorogé car les événements ne permirent pas la tenue du congrès qui n’eut lieu qu’en novembre. Il dut donc être présent aux diverses manifestations syndicales de cette période tout en menant la bagarre au sein de son CET comme nous l’avons dit. Une fois remplacé comme président, sa collaboration avec l’UD se relâcha ; il était très pris par ses fonctions dans l’Éducation nationale et allait encore garder pendant près de dix ans ses responsabilités nationales dans la section CET.

C’est la retraite qui l’amena à resserrer ses liens avec l’UD. En 1985-1986 il devint responsable de l’Union régionale des retraités, puis entra en 1988 au bureau national de l’Union confédérale des retraités (UCR). L’année suivante il fit partie de la délégation CFDT au Conseil économique et social. Elu président de l’UCR au congrès de mai 1994, il accepta parce que son mandat au Conseil économique et social allait prendre fin le 30 septembre suivant ; il ne jugeait en effet pas souhaitable de cumuler les deux fonctions. Il perdit brutalement sa femme en 1995 et voulut alors démissionner. Ses amis l’en dissuadèrent, disant qu’en agissant ainsi, il ne serait pas fidèle au souvenir de celle qui avait toujours été très ouverte aux autres. De 1954 à 1959 elle avait effectivement secondé son mari dans ses diverses activités sociales [création et direction de Maisons familiales de vacances CFTC en Haute-Savoie, installation du premier Village-vacances- familles (VVF) de France à Obernai (Bas-Rhin), direction d’un camp d’adolescents de l’OCCAJ (organisation centrale des camps et des activités de jeunesse) dans le Var]. Après la retraite de son mari, elle s’occupa de soutien scolaire dans son quartier et participa à divers groupes de réflexion paroissiaux.

André Rougemont assuma donc son mandat jusqu’au congrès de l’UCR en avril 1997. Pendant huit ans, il avait dû séjourner à Paris deux jours par semaine pour remplir toutes les obligations afférentes à ses charges. Lors de son départ, le congrès lui rendit hommage, soulignant qu’il avait assuré en 1996 la réussite du 50ème anniversaire de l’UCR ainsi que toutes les sessions de formation syndicale avec les instituts de Strasbourg et de Sceaux. Peu auparavant, en mars 1997, celui-ci se trouvait encore au Forum des comités d’entreprise à Paris où il avait pu présenter à Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, et à Jacques Barrot, ministre du Travail, Le Guide des pensions de retraite du secteur privé que l’UCR venait de faire paraître.

Vu ses responsabilités syndicales, André Rougemont n’adhéra jamais à un parti politique car il ne voulait pas qu’on put suspecter l’indépendance de la Confédération. Mais il ne se désintéressait pas pour autant de la politique. D’après une lettre envoyée fin mars 1966 par Paul Vignaux à un autre Lyonnais, Pierre Chopelin*, Raymond Marion, ancien secrétaire de la Fédération CFDT des produits chimiques, qui faisait le rapport social lors de la Convention des institutions républicaines à Lyon les 19 et 20 mars précédents, avait rencontré André Rougemont à cette réunion. Ce dernier était officier des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87605, notice ROUGEMONT André par Madeleine Singer, version mise en ligne le 21 avril 2010, dernière modification le 28 mars 2021.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. ; Le SGEN. Des origines à nos jours, Paris, Le Cerf, 1993, collection Histoire. (Arch. Dép. Nord, J1578). — Le lien des centres (1953-1962). — Syndicalisme universitaire (1962-1977). — Bulletin du retraité CFDT, février-mars 1996, juillet- août-septembre 1997. — Lettres de A. Rougemont à M. Singer, 6 novembre 1999, 25 novembre 1999 (avec photocopies de documents relatifs à sa carrière), 25 février 2000 (avec divers documents) ainsi que plusieurs entretiens téléphoniques (archives privées).

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