ROUSSELOT Jean-Pierre, Henri

Par Madeleine Singer

Né le 29 juin 1929 à Cambrai (Nord) ; maître d’internat, puis maître auxiliaire, fait ensuite toute sa carrière dans le domaine de l’information aux Charbonnages de France ; membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1951 à 1954.

Jean-Pierre Rousselot était l’unique enfant de Pierre Rousselot qui avait épousé Claire Royer ; tous deux étaient employés de commerce. J.-P. Rousselot fit ses études au lycée de Cambrai où il passa le baccalauréat en 1946. Il entra alors à la faculté de droit de Lille tout en étant surveillant au pair au lycée de Cambrai. Il y devint maître d’internat en janvier 1948 et y demeura jusqu’à sa nomination en 1953 au collège technique de filles de Lille, en qualité de maître auxiliaire de commerce, car il avait obtenu en 1951 les deux diplômes d’études supérieures de sciences économiques qui permettaient de préparer le doctorat. Nommé à la rentrée de 1954 au collège technique de filles de Roubaix, il démissionna de son poste le 12 décembre pour entrer aux Houillères du Nord-Pas- de-Calais, dans le service « Information-Relations publiques » où il fut chargé notamment de l’information du personnel (journaux d’entreprise entre autres). Après avoir soutenu en 1960 une thèse de doctorat en droit (option sciences économiques), il devint en 1965 adjoint au chef du service, puis en 1968 chef du service. En 1972 il fut promu chef du service Informations-Relations publiques des Charbonnages de France : ses responsabilités s’étendirent alors à toutes les Houillères de France et à leurs filiales. En 1984, un an avant de prendre une retraite anticipée, il devint inspecteur général chargé de missions à la Direction internationale. Il avait épousé en 1954 Anaïs Rasurel qui était alors adjointe d’enseignement au lycée Edgar Quinet de Bourg-en-Bresse et fut mutée à la rentrée au lycée de filles de Douai où elle fit toute sa carrière après avoir été reçue au CAPES d’histoire en 1959. Elle dut se mettre en congé quand son mari partit à Paris en 1972. Ils eurent deux enfants : une fille avocate, un fils gérant d’un restaurant.

Jean-Pierre Rousselot avait été jéciste au cours de ses études secondaires. Il adhéra au SGEN dès sa nomination de maître au pair en 1946. De formation laïque, mais ayant choisi d’appartenir à un mouvement d’action catholique, il se trouva tout-de-suite à l’aise au SGEN, compte tenu, dit-il, des options laïques et progressistes du Syndicat. Il milita très vite : responsable académique de la catégorie depuis 1949, il ne se contenta pas de participer au bureau académique et de faire des exposés dans les congrès académiques. Il devint en 1951 responsable national des maîtres d’internat et surveillants d’externat (MI-SE) et entra alors au comité national où il siégea pendant trois ans. Il organisa aussitôt un bureau de surveillants qui se réunit régulièrement et qui assura désormais une chronique dans École et Éducation, grâce à la compréhension du rédacteur en chef Fernand Labigne* qui leur accordait la place nécessaire. Aussi lors du congrès de 1952 que le bureau MI-SE avait préparé par la publication d’un long questionnaire, 28 MI-SE se réunirent. La session de formation, proposée par J.-P. Rousselot au cours de ce congrès, fut acceptée par le comité national du 7 avril. Elle se tint en juillet, à Bierville, dans l’Institut confédéral d’éducation ouvrière et rassembla 39 surveillants enthousiastes qui écoutèrent les exposés des leaders syndicaux, Fernand Labigne*, Jean Mousel*, Guy Giry, André Gounon, etc. ; au cours de cercles d’études, les sessionnaires acquirent en outre une formation technique (rédaction de tracts, de circulaires, etc.).

Toutes les académies eurent dès lors des militants compétents qui se retrouvaient au congrès annuel pendant lequel ils faisaient le point sur leurs revendications essentielles que nous ne pouvons détailler, mais qui concernaient notamment les débouchés, vu que la fonction de surveillant est transitoire ; ces revendications étaient approuvées par le congrès réuni en séance plénière. Les militants rentraient chez eux, mieux préparés à la défense de leurs camarades car les congrès étaient « d’irremplaçables moments de formation théorique, pratique, tactique : pédagogie, formation des maîtres, liaison au mouvement ouvrier, laïcité, décolonisation », comme le dira 25 ans plus tard l’un deux, Gaston Bordet*. Aussi les 28 pionniers de 1952 étaient- ils 40 au congrès suivant ; à celui de 1954, toutes les académies sauf une étaient représentées. Cela ne faisait que refléter la croissance de la section, vu le rapport d’activité de J.-P. Rousselot pour le congrès de 1953 : « Partis de 324 en 1951, nous étions 415 en 1952 et nous sommes maintenant à plus de 700 ». C’est qu’en effet les militants étaient tenus en haleine par les déplacements des membres du bureau qui se réunissaient dans des villes différentes (Paris, Dijon, etc.) et qui rédigeaient un Bulletin de liaison des responsables académiques MI-SE.

Cette catégorie jeune progressa ainsi pour des raisons qui me furent données 25 ans plus tard par les militants qui je contactai pour rédiger ma thèse. D’abord ils étaient attirés par les positions du SGEN, moins conservatrices que celles du SNES : ainsi le congrès de 1952 approuva l’octroi d’une bonification de points pour les candidats au CAPES qui avaient quatre ans de services. Ensuite la section Second degré sut comprendre très vite les besoins des auxiliaires car elle n’était pas, comme le dit l’un d’eux, « très certifié du 9ème échelon » : on leur donnait donc « une marge de responsabilité et de confiance ». Enfin les rencontres avec les leaders ouvriers de Reconstruction, tous dirigeants CFTC, suscitaient leur enthousiasme. « Sans doute ai-je découvert dans le syndicalisme tel qu’on le pratiquait au SGEN une possibilité de formation, d’initiation aux problèmes sociaux, économiques et politiques que je n’avais pas trouvée ailleurs ainsi que le moyen de participer à une action de transformation sociale », déclara Guy Duquesne*, alors MI dans le Nord.

Or les sessions de Bierville qui avaient lieu tous les ans, ne faisaient que conforter l’élan acquis au cours des congrès, comme on le voit par les comptes rendus qui en étaient donnés dans École et Éducation. « La journée ouvrière a été pour moi le summum de la session », affirma une MI qui ajoutait « la session précise le but que je dois donner à ma vie ». Tous prenaient conscience qu’il leur fallait, selon l’expression de Jean-Marie Kieken*, alors secrétaire adjoint de la Fédération des produits chimiques CFTC, militer dans une Centrale qu’ils voulaient « chaque jour plus laïque, plus démocratique, plus authentiquement ouvrière », car ils étaient « les seuls à pouvoir assumer les traditionnelles responsabilités des enseignants à l’égard du mouvement ouvrier ».

Si l’on veut mesurer l’impact sur le SGEN de l’action de Jean-Pierre Rousselot, il faut noter qu’il n’a pas seulement fondé la section nationale des maîtres d’internat et surveillants qui a connu très vite une expansion considérable, il a en outre par les sessions de Bierville communiqué au Syndicat tout entier un dynamisme contagieux car le nombre des sessionnaires s’accrut d’une année à l’autre et engloba, outre les surveillants, toutes les catégories jeunes de l’Éducation nationale. Or ces sessionnaires, nous les retrouverons quelques années plus tard dans des postes de responsables, secrétaires académiques, voire membres du bureau national. Les sessions étaient préparées par la commission nationale d’organisation et de propagande que J.-P. Rousselot avait fondée et qu’il animait. Le bureau académique de Lille ayant approuvé, le 18 juin 1953, le schéma de l’intervention que J.-P. Rousselot comptait faire au comité national des 20-21 juin, nous savons que celui-ci demanda que les méthodes de propagande fussent renouvelées à partir de ce qui avait été réalisé chez les MI-SE, et que la trésorerie sût prévoir des priorités ; il proposait en outre des solutions pour l’information des catégories avec un effort au sujet des agents de lycée. On comprend que le comité national de décembre 1954 lui ait adressé « l’expression de ses regrets et ses souhaits de brillante carrière » dans le secteur nationalisé où il entrait.

L’influence exercée par Jean-Pierre Rousselot fut durable. Si son départ entraîna en 1955 la suppression de la session de Bierville, les sessions nationales de formation reprirent dès 1956 de façon continue et se doublèrent de sessions régionales. Quant à la section des MI-SE, l’implantation d’un syndicat dans cette catégorie où l’on ne fait pas carrière, n’est jamais définitive puisqu’elle dépend des nouveaux arrivants et de leur aptitude au militantisme. Mais cette section se développa au point qu’en 1965 il y eut des listes SGEN dans toutes les académies (sauf Aix) lors des élections aux commissions administratives paritaires académiques (CAPA) de surveillants : avec 33 % des suffrages, elles obtinrent partout au moins un siège sur quatre, sauf à Rennes où la création de la section était récente.

Si Jean-Pierre Rousselot quitta l’enseignement en 1954, ce ne fut pas seulement à cause de la difficulté pour un maître auxiliaire de passer avec succès les concours de recrutement, ce fut aussi parce qu’il craignait de ne pouvoir dans ce métier se renouveler comme il le souhaitait. Dans sa lettre d’adieu du 7 décembre, il disait à ses camarades vouloir « rester fidèle dans un autre secteur de la vie publique à l’esprit qui nous anime au SGEN et à Reconstruction ». Il ne put toutefois jouer un rôle comparable dans le syndicat CFTC des Mines auquel il adhéra dès son arrivée, car il dut en démissionner vers 1960 par un souci de déontologie, jugeant que toute appartenance syndicale était incompatible avec ses responsabilités qui comportaient entre autres des contacts avec tous les syndicats.

Il ne s’impliqua pas pour autant dans la vie politique. Membre du conseil national de la Jeune république de 1954 à 1956, il avait suivi la majorité qui fusionna en 1958 avec le Parti socialiste autonome (PSA), puis passa au Parti socialiste unifié (PSU) en 1960. Mais il n’y resta que quelques mois car ce petit parti se divisait en sept ou huit tendances.

Aussi consacra-t-il ses loisirs à la vie associative. Parmi les associations professionnelles qu’il anima, rappelons qu’il fut notamment président de l’Association française des relations publiques qu’il transforma en 1979 en Union des associations françaises de relations publiques dont il fut le président-fondateur. Il fut aussi vice-président du Centre européen des relations publiques. Dans le domaine culturel, il a été président-fondateur de la Maison de la culture de Douai, devenue depuis lors Scène nationale. Mais c’est surtout dans l’action humanitaire qu’il milita : administrateur des villages d’enfants SOS de France depuis 1963, il en fut élu vice- président en 1979 et contribua activement à y développer une action vers le tiers-monde. Il était chevalier de l’ordre du Mérite ainsi que chevalier des Palmes académiques car dans le cadre de ses fonctions aux Houillères, il avait contribué au rapprochement entre celles-ci et l’Université.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87608, notice ROUSSELOT Jean-Pierre, Henri par Madeleine Singer, version mise en ligne le 21 avril 2010, dernière modification le 21 avril 2010.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. dép. nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. — École et Éducation (1951-1955). — Bulletin SGEN pour l’académie de Lille (1947- 1954). — Lettres de J.-P. Rousselot à M. Singer, 11 février 1979, 5 septembre 1995, 10 mai 1998, 23 mai 1998, 1er juin 1998 (archives privées).

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