SOMMÉ Jean, Jules

Par Madeleine Singer

Né le 14 décembre 1931 à Paris (XIVe arr.), mort le 20 septembre 2018 à Lille (Nord) ; agrégé de géographie, professeur à l’université des sciences et technologies de Lille (Nord) ; membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1962 à 1964, secrétaire académique de Lille de 1961 à 1970.

Jean Sommé était le second des deux enfants de Jules Sommé, receveur des contributions indirectes, qui avait épousé Yvonne Desquilbet. Entré en Sixième au cours complémentaire de Montreuil-sous-Bois (Seine, aujourd’hui Seine-Saint-Denis) en 1943, Jean Sommé arriva en Quatrième au collège moderne et technique d’Hirson (Aisne), car son père avait pris sa retraite. Il passa le baccalauréat en 1950 et suivit pendant deux ans au lycée Faidherbe de Lille la classe préparatoire à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (Seine, aujourd’hui Hauts-de-Seine). Il prit alors un poste de maître d’internat à l’École nationale professionnelle d’Armentières (Nord), tout en fréquentant la faculté des lettres de Lille. Boursier à partir de 1953, il obtint la licence de géographie l’année suivante, puis le diplôme d’études supérieures en 1955. Admis en 1956 au Centre pédagogique régional (CPR), il fut à la sortie nommé au collège de Lens (Pas-de-Calais) en qualité de certifié bi-admissible à l’agrégation. Reçu agrégé en 1958, il fut affecté au lycée de garçons de Cambrai (Nord) et partit en novembre au service militaire qu’il effectua tant en Allemagne qu’en Algérie. A son retour, en février 1961, il fut nommé au lycée de garçons de Roubaix (Nord), puis à la rentrée de 1961, au lycée Faidherbe de Lille. En 1963, il devint assistant à la faculté des lettres de Lille qu’il quitta en 1969 avec le grade de maître- assistant car il fut alors chargé d’enseignement à l’université des sciences et technologies de Lille. Promu maître de conférences, puis professeur, il y prit sa retraite en 1997.

Il avait soutenu en 1975 une thèse de doctorat d’État, Les plaines du Nord de la France et leur bordure. Etude géomorphologique. Il avait épousé en 1959 Monique Leclercq qui était alors au CPR de Lille ; certifiée d’histoire, elle devint agrégée en 1960. Ils eurent quatre enfants : une magistrate, une kinésithérapeute, un rédacteur multimédia, un ingénieur.

Pendant ses années d’études, Jean Sommé avait eu des lectures variées : Le Monde, Le Canard enchaîné, France-Observateur, L’Express, Esprit, Témoignage chrétien. Jéciste au lycée, il fut en Faculté un des responsables de la JEC universitaire et milita en même temps à l’UNEF : président de la Corpo des lettres et membre du conseil d’administration de l’Association générale des étudiants de Lille (AGEL). Il fut en outre membre du bureau de l’Office national des étudiants en lettres : c’était une structure de l’UNEF qui regroupait les Corpos de lettres, tenait chaque année un congrès et élisait un bureau national. Jean Sommé avait adhéré au SGEN pendant qu’il était maître d’internat. En arrivant au lycée Faidherbe en 1961, il accepta la charge de secrétaire académique car depuis 1958, il n’y avait plus de secrétaire général, mais seulement un secrétaire pour chacune des trois sections (primaire, secondaire, technique). Il devint par là même membre du comité national lors du congrès d’avril 1962 ; Madeleine Singer, secrétaire Second degré, y représentait jusqu’alors l’académie de Lille, mais avait demandé à n’être plus que suppléante.

On était alors en pleine guerre d’Algérie. Un congrès académique SGEN se tint au début de décembre 1961, sans doute le jeudi 7 — alors jour de congé — vu les comptes rendus qui parurent dans la presse locale les 10-11 décembre. Sur proposition de Jean Sommé, il appela les sections « à constituer localement et régionalement des fronts syndicaux sans exclusive devant l’extension de la menace fasciste ». En effet l’OAS (organisation armée secrète), groupement constitué en février 1961 par les partisans irréductibles de l’Algérie française, multipliait les attentats tant en Algérie qu’en métropole. C’est donc J. Sommé qui lança dans l’académie l’appel à une « journée intersyndicale contre l’OAS et pour la négociation en Algérie ». Par des communiqués parallèles qui parurent le 11 décembre 1961 à 14 heures, la CFTC, la CGT, l’UNEF et la FEN avaient appelé à un arrêt de travail de quinze minutes à 11 heures, le mardi 19 décembre 1961. Outre la puissante manifestation qui se déroula à Paris « de la Bastille à l’Hôtel de ville », il y eut de nombreux rassemblements en province. A Lille un meeting se tint à 18 h 15 devant le siège de l’AGEL, rue de Valmy : il était « organisé par l’AGEL (UNEF), la CGT, le SNES, le SNET, le SNE Supérieur, le SGEN, l’Union générale des fédérations de fonctionnaires, l’Union départementale des syndicats autonomes, la Fédération postale internationale ». L’Union départementale (UD) CFTC avait fait porter son effort sur la diffusion des consignes relatives à l’arrêt de travail et ne fut présente à cette assemblée que par les militants SGEN dont J. Sommé, un des cinq orateurs, fut le porte-parole. Tous s’élevèrent avec énergie contre les méthodes de l’OAS et la dictature qu’elle tentait d’instaurer. Puis ils se rendirent en cortège à la mairie pour y déposer une motion. L’absence à ce meeting de l’UD-CFTC résultait sans doute des consignes confédérales qui préconisaient alors de ne pas participer à des manifestations avec la CGT, les dirigeants CFTC étant engagés depuis plusieurs mois dans la constitution d’un front commun des organisations non communistes.

Jean Sommé ne négligeait pas pour autant les problèmes corporatifs. Dans une lettre au Recteur, le 18 mai 1962, il s’élevait contre la circulaire rectorale du 5 mai, relative au mouvement rectoral du personnel de surveillance car elle permettait de désigner ce personnel « par nécessité de service pour occuper un poste d’enseignement ». Cette mesure, motivée par la crise de recrutement, allait, disait-il, pénaliser des jeunes qui ne pourraient terminer leur licence en devant déjà enseigner. Bien entendu nous ne nous étendrons pas sur les interventions de J. Sommé au comité national ; elles concernaient aussi bien la grève des agents de service que l’instauration d’inspecteurs d’académie à compétence pédagogique, les IPR (inspecteur pédagogique régional).

La nomination de Jean Sommé en faculté compliqua évidemment sa tâche. À partir de 1963, il chercha à se faire remplacer car il pensait qu’un secrétaire académique appartenant au Second degré serait mieux à même d’apporter au syndicat un concours efficace. Or Georges Poulet*, enseignant au collège Sévigné à Roubaix, avait rejoint en mai 1963 le bureau académique et pris en charge, à la rentrée de 1963, le Second degré de l’académie. Il aurait accepté le secrétariat académique, mais la section du Premier degré, en la personne de Charles Wiart*, s’y opposait car elle craignait une mainmise du Second degré sur le Syndicat. Un partage des tâches s’instaura alors entre J. Sommé et G. Poulet. Celui-ci lui succéda en 1964 au comité national ; il devint le porteur des mandats de l’académie et le porte-parole de la délégation lors des congrès nationaux auxquels J. Sommé ne pouvait plus participer. Ce dernier convoquait le bureau académique, présidait la séance plénière du congrès académique, adressait au Recteur les demandes d’audience et accompagnait la délégation reçue au Rectorat si son emploi du temps le lui permettait. Il rédigeait également à chaque rentrée l’éditorial du bulletin académique.

Bien entendu Jean Sommé suivait aussi les questions générales, comme on le voit par sa lettre à Paul Vignaux du 22 octobre 1966. Le comité national du 30 octobre devait définir l’attitude du Syndicat à l’égard des candidats aux élections législatives de mars 1967. Au nom du bureau académique, J. Sommé fit observer que la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) occupait une place prépondérante dans le bureau de la Fédération départementale du Nord de la FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) dont tous les membres sauf un étaient désignés au titre de la SFIO ou de ses organisations satellites (le Cercle Jean Jaurès, le CEDEP c’est-à-dire le Centre d’études et de promotion). Il ajoutait que le SNI (Syndicat national des instituteurs, affilié à la Fédération de l’éducation nationale) y tenait une « place primordiale » comme Paul Vignaux pouvait le voir par la coupure de presse relative à la FGDS, coupure de presse où J. Sommé avait souligné les noms des membres du SNI. Dans ces conditions, disait J. Sommé, le bureau académique estime ne pas pouvoir inciter ses adhérents à soutenir le programme de la FGDS. J. Sommé adressa le double de cette lettre à G. Poulet qui devait participer au comité national, en lui demandant d’y rappeler qu’il ne s’agissait plus seulement d’un homme comme Gaston Defferre (dont le SGEN avait appuyé la candidature dans les années 1964-1965), mais « d’une série de figures locales concrètes ». Il estimait donc, après avoir consulté la section Premier degré, qu’un vote « contre » à l’égard de la FGDS s’imposait. Cette opposition ne fut pas vaine. Certes le comité national d’octobre chargea un comité national restreint de mettre au point le projet de lettre aux candidats. Mais ce comité national restreint, le 5 février 1967, tout en préconisant d’adresser ladite lettre notamment à la FGDS et au PSU (Parti socialiste unifié) qui constituent « une opposition démocratique et sociale respectueuse du principe de laïcité », précisa que les sections académiques et départementales restaient libres de juger localement des candidats avec lesquels elles entraient en rapport.

En Mai 68, Jean Sommé participa évidemment à l’action de la section SGEN de la faculté des lettres ; celle-ci, forte de 25 adhérents, avait pour secrétaire François Suard dont les archives jointes aux nombreux textes parus dans la Voix du Nord, nous ont permis de reconstituer la suite des événements. Le 8 mai F. Suard donna avec le SNE Sup une conférence de presse sur « les conditions de fonctionnement de l’Enseignement supérieur ». Le 11 mai le SGEN Supérieur (lettres et sciences) réaffirma « sa solidarité avec l’UNEF » et « appela tous ses adhérents à la grève ». Il y eut ce jour-là un meeting devant le siège de l’AGEL, meeting suivi d’un défilé pour la remise de la motion au préfet. Nous ne pouvons nous étendre sur toutes les péripéties de l’action menée à Lille. Mais il faut rappeler que la section SGEN de la faculté des lettres rédigea seule des motions où elle affirmait son autonomie. Elle proclama le 21 mai « sa solidarité avec les confédérations ouvrières et avec les syndicats d’étudiants et de professeurs en lutte pour une transformation des rapports sociaux et des méthodes de gouvernement », elle réclama notamment « la ratification des transformations introduites dans l’Université, réalisant à tous les niveaux la cogestion étudiants-professeurs ». Puis les 26 et 31 mai elle condamna, en des termes plus durs que le texte national du SGEN, les propos du général de Gaulle qui mettait en cause l’Université et annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale.

En qualité de secrétaire académique, Jean Sommé présida la conférence de presse du SGEN qui, le soir du 5 juin, commenta à Lille les résultats obtenus au cours des négociations qui venaient d’avoir lieu entre les organisations syndicales et le nouveau ministre de l’Éducation nationale, François-Xavier Ortoli. Avant de donner la parole aux représentants SGEN des différents degrés (primaire, secondaire, technique et supérieur), J. Sommé déclara : « Des résultats intéressants ont été obtenus, mais ils restent très partiels et sans rapport avec l’ampleur des problèmes. Ainsi nous n’avons pas de réponse sur la démocratisation des entreprises que sont les établissements. Le ministre n’a pas donné d’engagement ferme quant aux principes, mais seulement la promesse de processus de discussions ». Une commission « Vie scolaire » se réunit effectivement et déposa ses conclusions le 30 juillet 1968, mais nous ne pouvons nous étendre sur ses travaux.

À partir de sa nomination en 1969 à l’Université des sciences et technologies, Jean Sommé eut encore moins de temps disponible. Cette année-là son éditorial dans le bulletin syndical de rentrée fut remplacé par un article d’Henri Singre*, secrétaire départemental général du Pas-de-Calais. Certes J. Sommé se préoccupa de la préparation du congrès national de 1970 : il réclama du bureau national des consignes relatives aux votes dans les congrès académiques, demanda qu’on mît en parallèle dans Syndicalisme universitaire les déclarations des deux candidats au poste de secrétaire général, Charles Piétri soutenu par Paul Vignaux et Jacques George* qui représentait les « minoritaires ». La réponse qu’il reçut de Claude Bouret, datée du 16 janvier 1970, soulignait la difficulté de réaliser le parallélisme souhaité, mais l’assurait que Jacques George disposerait d’une dizaine de pages dans le bulletin syndical. La séance plénière du congrès académique préparant le congrès national fut présidée par un ancien secrétaire académique, André Gounon, J. Sommé n’étant pas libre ce jour-là. Aussi lors du congrès académique du 22 novembre 1970 à Ruitz (Pas- de-Calais), Jean Sommé après avoir présenté le rapport d’activité du SGEN académique, rappela qu’il avait annoncé le 1er octobre qu’il n’était pas candidat au renouvellement de son mandat. En l’absence de candidature au poste de secrétaire académique, Henri Singre accepta d’assurer provisoirement le rôle de coordinateur au sein du bureau académique.

Jean Sommé cessa alors d’être un militant car il était très isolé dans l’Université des sciences et technologies où la géographie s’était insérée très difficilement. En outre la section SGEN, animée par Jean Schiltz, était peu nombreuse. Lorsque Paul Vignaux quitta le SGEN en 1973, « cela changea beaucoup de choses », déclara J. Sommé. Il continua cependant à cotiser pendant quelques années, puis cessa lorsqu’il n’en vit plus l’utilité. Une fois à la retraite, il poursuivit ses recherches comme professeur émérite. Il était commandeur des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87616, notice SOMMÉ Jean, Jules par Madeleine Singer, version mise en ligne le 21 avril 2010, dernière modification le 24 mars 2021.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : outre sa thèse publiée par la librairie Honoré Champion à Paris, en 1977, J. Sommé donna plus d’une centaine de communications à des colloques et à des congrès ainsi que d’articles dans des revues françaises et étrangères, sur la géomorphologie et la géologie du Quaternaire.

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol., avec l’annexe V sur « Mai 1968 dans les Universités de province » (Arch. Dép. Nord, J1471, notamment les cartons 4, 5 et 24 pour les lettres) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. — Syndicalisme universitaire (1962-1970). — Bulletin académique de Lille, Liaisons (1962-1970). — La Voix du Nord, du 9 mai au 6 juin 1968. — Notes de G. Poulet à M. Singer ; 8 décembre 1999. — Lettres de J. Sommé à M. Singer, 25 juillet 1995, 13 février 2000, 18 février 2000, 12 mars 2000, 10 mai 2000 (archives privées).

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