WAINGART Annick [née TABURET Annick, Marie, Thérèse]

Par Madeleine Singer

Née le 23 février 1922 à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine), morte le 2 avril 2006 à Nevers (Nièvre) ; agrégée de philosophie ; militante de la JECF ; membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1953 à 1956, ainsi que du bureau national de 1955 à 1956 ; militante du PSA puis du PSU.

Annick Taburet était l’aînée des deux enfants d’Alphonse Taburet, employé SNCF, qui avait épousé Renée Lignelet. Celle-ci, alors institutrice, devint ensuite directrice d’école ; elle avait adhéré au SGEN dès sa fondation en 1937-1938. Annick Taburet fit ses études au lycée de Saint-Cloud où elle passa en 1938 la première partie du baccalauréat, puis elle alla au lycée Jean de la Fontaine à Paris pour la deuxième partie du baccalauréat. Elle entra en 1939 à la Sorbonne, obtint la licence de philosophie en 1942, le diplôme d’études supérieures en 1943 et le CAEC (certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges) en 1945. Depuis le mois de février, elle enseignait déjà au collège de garçons de Morlaix et fut nommée à la rentrée au lycée de jeunes filles de Quimper. Elle fut mutée en 1947 au collège moderne de Rennes, puis en 1951 au lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc. Détachée au SGEN pendant l’année 1955-1956, elle fut réintégrée au lycée de jeunes filles de Douai car elle souhaitait se rapprocher de la région parisienne où habitaient ses parents. Après avoir été reçue à l’agrégation de philosophie en 1959, elle fut nommée en 1961 au lycée Molière à Paris où elle prit sa retraite en 1982. Elle avait épousé en 1965 Léon Wajngart qui était contractuel au ministère de l’agriculture et militait au Parti socialiste unifié (PSU). Celui-ci était né à Paris d’une famille juive polonaise et fut déclaré français à sa naissance. Mais le couple prit l’habitude de remplacer le J par un I afin d’éviter les problèmes de prononciation.

Annick Taburet avait été jéciste (JEC) au cours de ses études secondaires ainsi qu’en faculté. Elle devint en 1941 secrétaire de la branche lycée de la JECF pour la zone occupée et garda cette fonction jusqu’en 1944. Depuis l’âge de 14 ans, elle avait lu Sept, puis Temps présent qui prit en 1937 la relève de Sept dont les Dominicains avaient dû sur ordre suspendre la parution. Elle lut ensuite en 1943-1944 le Témoignage chrétien clandestin et demeura fidèle à cet hebdomadaire pendant quelque vingt ans. Elle adhéra au SGEN dès son arrivée au lycée de Quimper, fut secrétaire d’établissement à Rennes et à Saint-Brieuc où elle devint en outre secrétaire départementale SGEN des Côtes-du-Nord.

Elle participa au congrès national de 1953 où elle intervint notamment dans la commission de politique scolaire qui se préoccupait de l’amendement déposé par le député Maurice Simonnet qui voulait imposer aux communes l’obligation d’affecter à la construction et à la réparation des bâtiments scolaires publics les fonds Barangé, alors que ceux-ci devaient permettre « l’amélioration du service scolaire public ». Comme on proposait d’agir sur les conseillers généraux pour neutraliser au maximum les effets de cet amendement, Annick Taburet appuya les propos de Paul Vignaux qui déclarait qu’il ne fallait pas accorder trop de crédit aux promesses des députés, voire des conseillers généraux : elle cita des cas précis d’engagements non tenus au moment des votes. Pendant le congrès elle fut élue par le Second degré membre du comité national.

A cette époque elle n’apportait au bureau académique de Rennes qu’une aide épisodique, se chargeant par exemple en mars 1954 de retenir les chambres pour les collègues qui venaient assister au congrès académique. Elle était en effet très engagée à la CFTC ; après avoir été membre du conseil de l’Union départementale (UD) d’Ille-et-Vilaine, elle appartenait depuis son arrivée à Saint-Brieuc à celui de l’UD des Côtes-du-Nord et au bureau de l’UD : elle fut à ce titre déléguée au comité national confédéral des 16- 17 octobre 1954. Elle était en même temps membre de la commission régionale CFTC de formation pour la Bretagne et faisait partie de l’équipe des responsables des Écoles normales ouvrières (ENO).

Au congrès SGEN d’avril 1955, elle fut réélue au comité national, mais cette fois sur la liste du secrétaire général Paul Vignaux, en qualité de membre du bureau de l’UD des Côtes-du-Nord : elle était chargée des problèmes relatifs aux UD. Vignaux avait en effet été intéressé par la présence d’Annick Taburet en Bretagne : à cette époque, le SGEN existait à peine dans la région et ses quelques adhérents étaient souvent, comme Marie-Madeleine Dienesch à Saint- Brieuc, très liés au Mouvement républicain populaire (MRP). Or A. Taburet avait participé à des réunions Reconstruction à Paris, ayant fait la connaissance de ce groupe au cours des ENO de Bretagne où Charles Savouillan, un des fondateurs de Reconstruction, avait été invité. Elle fit partie de la délégation SGEN au congrès confédéral des 28-30 mai 1955. Au comité national SGEN de juin, elle évoqua avec Denise Tintant l’action des « minoritaires » au cours de ce congrès et l’approuva chaleureusement.

A la rentrée de 1955, elle fut détachée au SGEN pour le Second degré : le syndicat avait obtenu ce détachement à ses frais car le secrétaire de la catégorie, Jean Mousel*, n’avait que six heures de décharge et ne pouvait faire face à toutes ses responsabilités. Membre par conséquent du bureau Second degré, Annick Taburet devint en outre le 28 septembre 1955 membre du bureau national, sur proposition de Paul Vignaux, en remplacement de Bernard Georges*, lequel, vu son emploi du temps, n’était plus en mesure d’assister aux réunions. A. Taburet qui avait fait la connaissance de celui-ci lors des réunions de Reconstruction, assurait la liaison avec lui. Elle fut l’un des quatre membres délégués par le bureau national au congrès de la Fédération CFTC des fonctionnaires (20-22 octobre 1955). Elle travaillait en même temps au sein du groupe Reconstruction. Elle avait rédigé pour les Cahiers de septembre 1953, alors ronéotypés, une étude sur l’ouvrage de Georges Friedmann, Où va le travail humain ; puis elle publia dans les Cahiers de décembre 1955 trois pages sur « le mouvement social » : elle y analysait notamment « l’expérience Pinay » de 1952 et le réveil ouvrier, des grèves d’août 1953 à celles de l’été 1955.

Sur le plan du Second degré, A. Taburet faisait les démarches pour les agents. On devait aussi s’adresser à elle pour les cas graves relatifs aux maîtres d’internat et surveillants d’externat lorsque cela nécessitait une intervention urgente auprès du ministère. Elle faisait des voyages en province qui sont évoqués dans les colonnes du bulletin syndical (Nancy, Montpellier, Lyon, Lille, Toulouse) ; elle se souvient en outre d’une assez longue tournée dans l’académie de Clermont- Ferrand. Jean Mousel déclara, au congrès de 1956 à Poitiers, que ces voyages avaient été très profitables tant aux académies qu’au bureau qui avait ainsi reçu informations et éclaircissements.

Or à ce congrès, un différend avait surgi entre Paul Vignaux et B. Georges. Dans la commission chargée de rédiger la motion relative à la guerre d’Algérie, ce dernier avait défendu, avec les académies de Caen et de Poitiers, un texte qui s’élevait contre la répression et le colonialisme, alors que la motion finalement adoptée se contenta de proposer des mesures propres à assurer « la coexistence pacifique des deux communautés ». En outre, à la veille de ce congrès, une lettre d’un style un peu vif fut adressée par B. Georges à certains militants et parvint à la connaissance de Paul Vignaux. B. Georges avait alors beaucoup d’influence sur le bureau des maîtres d’internat, car il s’était lié avec ceux-ci lors des sessions de formation à Bierville, dont il était l’un des animateurs. Ces maîtres d’internat avaient, au cours du congrès, pas mal chahuté les interventions des « cléricaux » et des partisans de l’ordre. Paul Vignaux parut croire à une menace « fractionniste », sinon à une tentative de « relève » de la direction nationale. Il fit partager ses craintes au bureau national qui, le 19 avril 1956, retira à B. Georges les responsabilités dont il l’avait chargé ; celui-ci fut également « mis en congé » du bureau national puisqu’il était empêché d’y participer.

Bernard Georges ne fit pas appel de cette décision devant le comité national comme il en avait le droit. Avec la plupart de ses amis, il se retira de l’action syndicale ainsi que du groupe Reconstruction. Annick Taburet connaissait bien, elle aussi, les jeunes MI-SE du SGEN ; elle comprenait leur inquiétude politique, mais aussi personnelle car ils allaient devoir partir en Algérie avec le contingent. Elle les avait donc soutenus, en accord avec B. Georges. Encore présente au bureau national le 19 avril ainsi que le 3 mai lorsque le bureau eut à répondre à une lettre de B. Georges, elle fut ensuite mise à l’écart du bureau ; elle quitta le comité national où elle avait été réélue en 1955 pour deux ans. Elle demeura toutefois, comme B. Georges, adhérente au SGEN et reprit un poste à la rentrée ainsi que nous l’avons dit.

Annick Taburet se tourna alors vers l’action politique. Adhérente à la Ligue des droits de l’homme, elle entra par l’intermédiaire d’Antoine Mazier, député des Côtes-du-Nord, au Parti socialiste autonome (PSA) qui se constitua en 1958. Elle passa au Parti socialiste unifié (PSU) lorsqu’en 1960 ce parti naquit de la fusion du PSA avec notamment l’Union de la gauche socialiste (UGS). Elle fut candidate, comme suppléante de David Weill (PSU) dans les troisième et quatrième arrondissements de Paris, lors des élections législatives de 1964. Elle quitta le PSU en 1967 et suivit les réflexions et réunions d’un petit groupe qui se rassemblait autour de Gilles Martinet. Après le congrès d’Epinay (juin 1971), elle adhéra au nouveau Parti socialiste (PS) auquel elle appartenait toujours en 1998.

A. Waingard-Taburet reprit son activité militante au SGEN après le changement de direction nationale en 1972. Elle devint peu après secrétaire du lycée Molière, vu le départ en retraite de la collègue qui assumait depuis longtemps cette responsabilité. Elle entra également au bureau académique de Paris quand Françoise Michaud devint en avril 1974 secrétaire académique à la place de Maurice Eymard : elle y prit en charge la formation jusqu’en 1980. Une fois à la retraite, elle rejoignit la section des retraités. Membre à partir de 1984 du conseil de cette branche, elle en devint en 1989 secrétaire adjointe, puis en 1992 secrétaire fédérale et exerça cette fonction jusqu’au congrès SGEN de Brest en mai 1998. En même temps elle siégea à partir de 1983 au conseil de l’Union régionale interprofessionnelle des retraités CFDT pour l’Ile-de-France, puis fut élue en 1986 au bureau de cette Union régionale où elle demeura jusqu’en 1989. Elue en 1994 au conseil de l’Union confédérale des retraités CFDT, elle terminera son mandat au congrès de l’Union confédérale des retraités en l’an 2000. Elle avait ainsi renoué avec le militantisme de sa jeunesse tant au SGEN qu’à la CFDT, passant peu à peu ses responsabilités à des retraités plus jeunes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87625, notice WAINGART Annick [née TABURET Annick, Marie, Thérèse] par Madeleine Singer, version mise en ligne le 21 avril 2010, dernière modification le 7 mars 2021.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : Jean Jaurès, Oeuvres complètes, tome 3, « Philosopher à trente ans », édition préparée par Annick Taburet-Wajngart, Fayard, 450 p., janvier 2000.

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. — École et Éducation (1953-1955). — Syndicalisme universitaire (1955-1956). — Cahiers Reconstruction, septembre 1953, décembre 1955. — Lettres de A. Waingart-Taburet à M. Singer, 26 avril 1995, 16 juin 1998, 8 juillet 1998 (archives privées).

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