L’HUILLIER Waldeck, Gabriel

Par Claude Pennetier

Né le 27 mai 1905 à Chauvigny (Vienne), mort le 4 février 1986 à Paris (VIIe arr.) ; dessinateur puis ingénieur ; maire communiste de Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine), conseiller général, député et sénateur de la Seine.

Étonnant prénom que celui de Waldeck L’Huillier. Lui-même affirmait le tenir de l’admiration que son père avait pour Waldeck-Rousseau, président du Conseil décédé quelques mois avant sa naissance. Blanquiste, anticlérical, l’ouvrier charron Albert L’Huillier avait cependant des idées plus avancées que cet homme de la gauche modérée. N’était-il pas secrétaire de la section socialiste de Chauvigny ? Ancien compagnon du tour de France, il mourut dès avril 1907. Pol Jouteau* prononça l’oraison funèbre aux obsèques civiles. Lorsque trois ans plus tard, sa mère, brodeuse, mourut, Waldeck fut élevé par sa grand-mère maternelle qui, scandalisée par les idées de son gendre, l’inscrivit à l’école des Frères de la doctrine chrétienne, à Châtellerault (Vienne), sous le prénom plus acceptable de Gabriel. Il se sentit plus à l’aise à l’école primaire supérieure qu’il fréquenta pendant trois ans.

Une de ses tantes, Gabrielle, le fit venir à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis) où il découvrit une véritable famille. Celui qu’il allait considérer comme son père, François Prince, tôlier formeur, était un militant communiste. C’est sous son influence qu’à la fin 1921, Waldeck L’Huillier adhéra aux Jeunesses communistes avec pour parrains Jacques Doriot et Henri Barbé. Dès 1923, il était secrétaire des Jeunesses communistes locales.

D’abord apprenti dessinateur, il devint dessinateur projeteur et milita à l’USTICA. Les cours par correspondance de l’École des travaux publics puis la scolarité du conservatoire des Arts et Métiers lui permirent de s’inscrire en 1927 à l’Association des ingénieurs en chauffage.

Mobilisé à Mayence (Allemagne), Waldeck L’Huillier fut l’un des responsables de l’organisation des Jeunesses communistes dans les troupes d’occupation. La police l’arrêta en mars 1927. Son procès, le troisième grand procès de l’armée du Rhin après ceux de Mayence (1924) et de Trèves (1926), aboutit à sa condamnation à deux ans de prison et à celle de ses deux coïnculpés à dix-huit mois et un an. Aucune remise de peine ne lui fut accordée et ce n’est qu’en mars 1929 que s’ouvrirent les portes de la prison de Clairvaux. Une semaine plus tard, il dut rejoindre l’armée pour faire huit mois de service militaire.

De retour à la vie civile, Waldeck L’Huillier reprit ses activités militantes mais en déclinant les offres qui l’auraient éloigné de son travail, de sa famille et de celle qu’il allait épouser en septembre 1930, la couturière Violette Weiller. Ainsi il refusa de faire un stage de trois ans à l’école centrale de Moscou et d’occuper la fonction de secrétaire national du Secours rouge international (SRI).

C’est à Gennevilliers que le jeune couple s’installa. Waldeck L’Huillier prit aussitôt contact avec le seul conseiller municipal communiste, Julien Mocquard, et devint dès 1931 secrétaire du sous-rayon de Gennevilliers. La mort prématurée de sa femme en décembre 1933 l’affecta. Il s’engagea intensément dans la vie politique et fut plus à l’aise dans le parti des années de Front populaire qu’il ne l’avait été entre sa libération et 1934. Les élections municipales partielles du 14 octobre 1934 furent marquées par la victoire de la liste communiste conduite par Jean Grandel. Il entra donc au conseil, fut réélu le 5 mai 1935 et devint deuxième adjoint. Il était le technicien de l’équipe municipale aux côtés du politique Grandel et du vétéran Julien Mocquard affaibli par la maladie. Son style étonnait comme en témoigne le compte rendu d’une intervention dans une réunion d’Ernest Billiet qui avait été en 1919 l’organisateur de la campagne présentant le bolcheviste comme l’homme au couteau entre les dents : « D’une manière courtoise et avec une correction assez rare chez les orateurs de son parti, le camarade L’Huillier fit un discours long de trente minutes et au cours duquel il prononça toutes les formules démagogiques habituellement employées par les bolchevistes. » (Journal de Saint-Denis, 25 avril 1936). Pour les élections législatives d’avril 1936, les communistes de la 5e circonscription (Asnières, Bois-Colombes, Villeneuve-la-Garenne, Gennevilliers) le choisirent comme candidat mais le Comité central lui préféra Émile Dutilleul, trésorier du parti.

Remarié depuis 1937 avec Louise, Marie Bouvier, une ancienne militante d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), ouvrière à l’Alsthom de Clichy (Seine, Hauts-de-Seine), il eut une fille en 1939.

Après le Pacte germano-soviétique, il eut « le sentiment que cet acte provoquait, dans nos rangs, la stupeur, l’amertume et l’incompréhension » (Combats pour la ville, op. cit., p. 90). Il fut déchu de son mandat municipal le 9 février 1940. Waldeck L’Huillier joua un rôle considérable dans l’appareil clandestin du Parti communiste. Fin octobre 1940, Arthur Dallidet l’informa qu’il était chargé de seconder Émile Dutilleul à la trésorerie du Parti. Lorsque Dutilleul fut arrêté en octobre 1941, il devint trésorier et administrateur du Parti. Il fut également chargé, fin 1941, des mêmes fonctions auprès des FTPF.

À la Libération, Waldeck L’Huillier fut chargé de reprendre Gennevilliers dont le maire, Jean Grandel, avait été fusillé. Il fut maire provisoire avant d’être élu en mai 1945 et constamment réélu jusqu’à sa retraite volontaire en 1973. L’ancien ingénieur tirait une légitime fierté de son œuvre d’urbanisme qu’il avait conduite avec imagination, habileté et volonté. S’il n’accéda pas aux fonctions dirigeantes que semblaient annoncer ses responsabilités sous l’Occupation, il bénéficia d’une importante notoriété comme élu d’une grande ville de banlieue et comme secrétaire général de l’Association des maires de la Seine. Le PCF en fit un de ses spécialistes des problèmes municipaux, « travail trop souvent considéré comme secondaire par beaucoup de mes camarades » (op. cit., p. 166). C’est lui qui proposa la création d’une Fédération nationale des élus républicains municipaux et cantonaux qui vit le jour en 1963 et dont il fut le secrétaire général.

Conseiller général d’Asnières (Seine, Hauts-de-Seine) de 1945 à 1948, Waldeck L’Huillier fut également député (1946-1951, 1962-1978) et sénateur (1952-1962).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87887, notice L'HUILLIER Waldeck, Gabriel par Claude Pennetier, version mise en ligne le 3 mai 2010, dernière modification le 24 février 2022.

Par Claude Pennetier

Waldeck L’Huillier sous le portrait de Jean Grandel avec ses deux successeurs Lucien Lanternier et Jacques Brunhes. Article de Lucien Niel, Jean Grandel et Waldeck L’Huillier, Mémoire vives, IHS CGT d’Ille-de-France.
Paris-Presse, 13 novembre 1948.

ŒUVRE : Combats pour la ville, Éd. Sociales, 1982.

SOURCES : Fonds Louise et Waldeck L’Huillier, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (538 J), inventaire en ligne. — Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10441/64/2 n° 65. — Bertrand Sylvain, L’implantation du Parti communiste français à Gennevilliers 1920-1934, mémoire de maîtrise, Paris X, 1976. — Jean Laffitte, Gennevilliers évocation historique, de la fin du 19e siècle à 1970, Ville de Gennevilliers, 1970. — Entretien avec Waldeck L’Huillier, 1984. — Lucien Niel, "Jean Grandel et Waldeck L’Huillier. Le défrichage et l’aménagement du communisme municipal à Gennevilliers", Mémoire vives, IHS CGT d’Ille-de-France, n° 52, mai-juin 2020. — État civil.

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