JAMAIN Raymond [JAMAIN Paul, Raymond]

Par Alain Dalançon, Alain Léger

Né le 6 mai 1918 à Saint-Agnant-les-Marais (Charente-Inférieure), mort le 6 janvier 2014 à Châtellerault (Vienne) ; artisan plâtrier ; militant communiste ; résistant des Francs Tireurs et Partisans ; déporté ; secrétaire départemental de la Vienne de la FNDIRP ; militant syndicaliste de la CAFEB.

Raymond Jamain à la sortie des camps
Raymond Jamain à la sortie des camps

Paul Jamain, dont le premier prénom devait être Raymond selon le vœu de sa mère Jeanne Magnaux, était le troisième fils d’une famille de dix enfants, dont le père, Amédée, ouvrier forgeron-maréchal-ferrant, occupa divers emplois par la suite (docker à La Pallice, ostréiculteur, ouvrier à la base aéronautique de Rochefort). Ce dernier avait fait durant sa jeunesse un tour de France professionnel, était syndicaliste à la CGTU, militait à la Ligue des droits de l’Homme et au Comité Amsterdam-Pleyel ; son oncle Alphonse Magnaux* était cheminot, militant communiste à Saintes.

Paul-Raymond commença à travailler à Rochefort comme plâtrier en 1932 et, suivant l’exemple de ses deux frères aînés, André et René, il adhéra aux Jeunesses communistes en 1935 et devint responsable du cercle rochefortais en 1937. Avec André, René, sa sœur Yvette et son plus jeune frère Maurice, il appartenait au groupe de jeunes militants communistes actifs à Rochefort durant les années du Front populaire, vendant L’Avant-Garde et l’Humanité. Il se maria en 1938 et de ce premier mariage eut deux fils, Pierre né en 1938 et Daniel né en 1941.

Mobilisé en octobre 1938, Raymond fut maintenu sous les drapeaux après l’armistice de juin 1940 jusqu’en février 1941. À la fin de l’année 1940-début de l’année 1941, il était affecté à la garde d’un parc de matériel à Céret (Pyrénées-Orientales), où il subtilisa quelques revolvers qu’il rapporta à Rochefort lorsqu’il fut démobilisé ; il en garda un et confia les autres à son oncle Alphonse Magnaux. Il reprit contact avec les réseaux clandestins du Parti communiste et fut chargé auprès de son frère René, responsable du triangle de direction de la région de Rochefort du Front national et des FTP, et de son frère André, d’organiser un groupe de résistants FTP à Rochefort (confection et distribution de tracts, protection lors de l’organisation des déraillements sur la ligne Nantes-Bordeaux notamment à Saint Savinien et entre Chatelaillon et Angoulins près de La Rochelle). En 1942, il travaillait à La Rochelle pour un patron de Saint-Jean d’Angély, ce qui lui permettait de fournir des renseignements sur les mouvements des bâtiments de guerre dans le port de La Pallice.

Le 14-15 septembre 1942, le Front national rochefortais placarda des tracts appelant la population à manifester devant la mairie le 20 septembre pour commémorer le 150e anniversaire de la victoire de Valmy et la proclamation de la République. Fiché comme ancien responsable des JC, Paul-Raymond fut arrêté le 20 septembre à la gare de Rochefort par les inspecteurs de la Sûreté de la ville, porteur de brochures communistes et de blocs de papier identiques à ceux ayant servi à la confection des tracts ; il reconnut en être l’auteur et les avoir apposés. Il fut immédiatement conduit par la Police spéciale de La Rochelle à la prison militaire allemande de Lafond à La Rochelle ainsi que son frère aîné André, également arrêté. Ils y retrouvèrent leur frère René, arrêté deux mois plus tôt. Les trois frères furent transférés à Compiègne avant d’être déportés, le 23 janvier 1943, au camp de concentration d’Oranienburg-Saschenhausen.

Dans ce camp réservé aux déportés politiques, affecté au Kommando Heinkel, matricule 58113, Paul-Raymond Jamain participa à la résistance dans le camp comme ses deux frères ; René, soupçonné d’avoir participé à un sabotage sur une chaîne de montage des avions Heinkel disparut à la fin de l’année 1944, probablement fusillé à l’extérieur du camp. Paul-Raymond fut blessé lors d’un bombardement allié et soigné par un chirurgien français déporté. Devant l’avance de l’Armée Rouge, les SS évacuèrent le camp d’Oranienburg le 4 avril 1945 ; durant cette « marche de la mort », 10 000 détenus périrent sur 32 000. Paul-Raymond et son frère André réussirent à survivre dans un groupe de 480 déportés et furent libérés par les Soviétiques le 9 mai à Languenn dans les Sudètes. Ne pesant plus que 37,750 kg, hospitalisé deux mois à Prague, il rentra en France en juillet et apprit en rentrant à Rochefort l’exécution de son jeune frère Gilles et de son beau-frère Maurice Chupin, fusillés à Biard en 1943, celle de son oncle Magnaud fusillé à Rochefort en 1943 et la mort par tuberculose de son autre frère Maurice. Son frère André, rentré comme lui à Rochefort, ne survécut pas et décéda le 25 juillet ; lui, trop affaibli, ne put reprendre une activité professionnelle et fut envoyé dans un sanatorium à Bagnères-de-Luchon. Là, il rencontra Léone Baugé, résistante déportée à Ravensbrück, qu’il épousa un peu plus tard en mai 1947 à Châtellerault (Vienne) et avec laquelle il eut un fils, Daniel, né en 1951.

En 1949, Paul-Raymond s’installa à son compte comme artisan plâtrier à Châtellerault, où son épouse réintégra la Manufacture d’armes, et reprit son militantisme politique au Parti communiste. Secrétaire de la section de Châtellerault, membre du comité et du bureau fédéral dans les années 1950-1960, il fut élu conseiller municipal de 1953 à 1959 et candidat du PCF aux élections législatives en 1958 (14,1 et 13,6 % des exprimés aux deux tours) et en 1962 (15,7 et 21,2 % des exprimés). Entre temps, il fut candidat aux élections cantonales de juin 1961 dans le canton de Saint-Gervais-les-trois-clochers (8,8 % des exprimés) et tint deux réunions à Châtellerault en novembre pour justifier l’érection du mur de Berlin par la République démocratique allemande. Il était par ailleurs membre du bureau national de la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment, responsable de la branche « plâtriers » dans la Vienne jusqu’en 1960.

En 1954, Paul-Raymond Jamain devint président de la section de Châtellerault, secrétaire départemental et membre du comité national de la Fédération nationale des déportés internés, résistants et patriotes, et le resta jusqu’en 1990. Il était aussi membre du comité national et du conseil d’administration de l’Amicale du camp d’Orianenburg-Sachsenhausen et président interdépartemental de cette amicale sur 7 départements (Loire, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Vienne, Deux-Sèvres, Loire-Atlantique, Sarthe).

Une portion de la rue du 14 juillet à Rochefort, où habitait son frère aîné André, porte depuis 1946 le nom « des Frères Jamain » ; le lycée professionnel proche a été baptisé en 1981, « Gilles Jamain », du nom de son jeune frère fusillé en 1943. Titulaire de la médaille militaire, de la croix de guerre, de la médaille de la Résistance, de la croix du combattant volontaire, de la médaille de l’internement et de la médaille de la déportation, Paul-Raymond fut promu officier de la Légion d’honneur en 2007.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87920, notice JAMAIN Raymond [JAMAIN Paul, Raymond] par Alain Dalançon, Alain Léger, version mise en ligne le 5 mai 2010, dernière modification le 17 septembre 2015.

Par Alain Dalançon, Alain Léger

Raymond Jamain à la sortie des camps
Raymond Jamain à la sortie des camps
70e anniversaire des fusillés de Châteaubriant
Raymond et son fils Pierre
Raymond et son fils Pierre

SOURCES : Arch. Dép. Charente-Maritime. — Arch. comité national du PCF. — La Semaine dans la Vienne. — Jacques Jamain, Les Jamain, Mémoire d’une famille dans la Résistance et la Déportation, livre de renseignements, documents et souvenirs, dernière éd. de 2009 à compte d’auteur, 216 p. (voir Mémoire et Espoirs de la résistance, Association des amis de la Fondation de la Résistance). — Henri Gayot, Charente Maritime 1940-1945, occupation, résistance, libération, 1973. — Léone Jamain, Mémoires (Châtellerault, FNDIRP, 1993). — Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso, Minuit/Plon, 1982. — Renseignements fournis par d’autres membres de la famille Jamain. — État civil.

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