Par José Gotovitch
Né le 13 février 1910 à La Hestre (Hainaut), mort le 14 août 1980 à Charleroi ; ouvrier mineur ; élève de l’École léniniste internationale (ELI) ; volontaire des Brigades Internationales ; dirigeant fédéral des JC et du PCB ; résistant ; conseiller communal.
Fils d’un mineur et d’une ménagère, Louis Drugmand entra au service des Wagons Lits en France à onze ans et demi comme manœuvre après une école primaire écourtée suite au départ en France de ses parents à la recherche d’un travail. Rentré en Belgique après un an, domicilié avec ses parents à Marchienne au Pont (près de Charleroi, Hainaut), il fut engagé comme manœuvre aux Verreries Binet et Bivort à Jumet, mais fut réduit au chômage par l’installation des verreries mécaniques. Fin 1927, il descendit à la mine. Il demeura mineur jusqu’en 1948.
C’est au fond de la fosse (Charbonnage de Sacré Madame à Dampremy) que débuta sa formation politique, lui qui dans sa bio de 1934 déclarait « n’ayant rien lu de Marx et d’Engels ni de Lénine ». Des camarades de travail lui firent lire la presse communiste, lui parlèrent de la révolution russe, le poussèrent à l’engagement. Ici apparaissent des contradictions entre les bios rédigées à Moscou en 1934 et celle établie en 1944. En 1934 à Moscou, il date de 1930 son engagement initial dans les Chevaliers du Travail, section de la Centrale Révolutionnaire des Mineurs, et son adhésion au PCB dans la foulée des grandes grèves de juillet 1932. Après la seconde guerre, il situe son adhésion « officielle » au PC en 1929. Rien ne permet de comprendre cette divergence. Quoi qu’il en soit, après un service militaire effectué en 1930-1931, il s’engagea publiquement et en juillet 1932 organisa le piquet de grève et le comité de puits. Il dirigea la fraction PC au syndicat et fut désigné par le rayon de Jumet-Marchienne comme responsable pour la Jeunesse et membre du comité de rayon. En 1933, un rappel à l’armée lui donna l’occasion de développer le travail clandestin dans son bataillon, constituant un comité de soldats, activité qui lui valut la prison militaire. Aussi fut-il ensuite désigné comme responsable du travail antimilitariste et occupa également le poste de trésorier de rayon. En février 1932, il avait épousé Marie Léonie Papleut (1913), sans profession, dont il se sépara peu de temps après. En août 1933, il devint chômeur et dirigea alors la fraction PC du comité constitué parmi eux. En avril 1934, il s’affilia également à la section de Jumet des JC en raison de ses responsabilités antimilitaristes. C’est peu après que le PC désigna pour suivre les cours de l’Ecole léniniste ce jeune militant prometteur, sans travail et sans formation. Il débarqua à Moscou le 9 juin 1934 sous le pseudonyme d’Albert Bataille et y demeura jusqu’en mai 1935. Condamné à trois mois de prison par le Conseil de guerre à son retour pour absence injustifiée du territoire, il fut ensuite versé à la Jeunesse communiste où il prépara l’unification avec les Jeunes Gardes socialistes et assuma des responsabilités régionales
Louis Drugmand se porta volontaire dès la constitution des Brigades Internationales et partit avec le premier contingent carolorégien. Il combattit sur les fronts de Madrid, du Jarama, du Guadalajara et subit quelques blessures. Rentré en octobre 1937, il subit une nouvelle condamnation de huit jours de prison militaire pour désertion. Ayant repris ses responsabilités au sein de ce qui était désormais la Jeune Garde socialiste unifiée, il se heurta aux assauts contre l’organisation unitaire menée avec l’appui du Parti socialiste et en fut finalement exclu par diverses manœuvres. Appliquant la ligne adoptée par les « unitaires » exclus des JGS, il créa dans sa localité un Club de la Jeunesse. A la suite de la défection du secrétaire du Parti et des Chevaliers du Travail à la suite du Pacte germano-soviétique, il devint secrétaire de la section du parti. Pendant la drôle de guerre, il prit part à l’action contre la prolongation de la journée de huit heures dans les mines, ce qui lui valut son licenciement et son rappel immédiat au régiment. Son refus de rejoindre fut sanctionné par un nouveau procès devant la justice militaire et une condamnation à trois ans de prison. L’invasion de la Belgique le libéra pour rejoindre son régiment, ce que la débâcle et la capitulation rendirent impossible. Il assura la remise en route du Parti comme secrétaire d’organisation régional, puis reprit ses fonctions de secrétaire de section, en assurant le démarrage des activités syndicales clandestines. Peu après, ayant appris à la demande du parti la typographie, il devint en 1942, responsable de presse régional. C’est alors qu’une imprudence jugée grave amena son exclusion et il se réfugia dans le Centre. Rappelé en mars 1943 pour travailler à l’imprimerie centrale du PC à Bruxelles, il fut arrêté en mars 1944 comme réfractaire sous sa fausse identité de Jean Dupuis et expédié au travail obligatoire à Berlin. Il réussit à s’enfuir et à regagner Charleroi au début de septembre. Il fut très rapidement désigné comme responsable régional des Comités de Lutte syndicale, structure créée par le PCB sous l’occupation, devenue la troisième force syndicale du pays. En octobre il était secrétaire de l’Intersyndicale C.L.S. de Charleroi et de la Basse Sambre et membre du Comité national. Il participa comme tel à la manifestation de protestation de la résistance, appelée par le PC et le Front de l’Indépendance le 26 novembre 1944 à Bruxelles qui se termina par des échauffourées sanglantes avec la gendarmerie. Parmi les mineurs de Charleroi, Drugmand mena la lutte contre les trotskystes qui avaient conquis une influence réelle dans la région. Mais il ne semblait plus remplir ces fonctions quand les CLS se transformèrent en Syndicat Unique des mineurs, en décembre 1944.
En novembre 1946, Louis Drugmand qui s’était installé à Souvret, autre localité proche de Charleroi, fut élu conseiller communal, le PCB y ayant conquis deux sièges. Il travaillait alors comme mineur de fond au Charbonnage du Nord de Charleroi. Il était devenu secrétaire de la section locale du parti et en demeura la cheville ouvrière. Il fut présent, mais non élu, sur les listes communistes locales en 1952,1964 et 1970, ainsi que cinq fois successivement sur les listes provinciales entre 1961 et 1971, recueillant toujours quelques dizaines de voix de préférence. Ayant pris sa retraite en 1948, il anima pendant de longues années la section régionale de la Confédération générale indépendante des pensionnés de Belgique où le PCB jouait un rôle certain. Sans doute depuis la guerre, il vivait avec Elisa Maria De Decker (1925-) qu’il épousa en 1973.
Par José Gotovitch
SOURCES : RGASPI, 495 193 515. – CARCOB, dossier CCP. — Fabrice Maerten, Du murmure au grondement : la résistance politique et idéologique dans la province de Hainaut pendant la Seconde Guerre mondiale (mai 1940-septembre 1944), Mons, 1999 (Hannonia Analectes d’histoire du Hainaut, 7). — Papiers personnels de Francis Drugman.