Par Alain Dalançon
Né le 23 janvier 1896 à Orange (Vaucluse), mort le 29 juillet 1980 à Moulins (Allier) ; professeur agrégé de grammaire ; militant socialiste SFIO, syndicaliste, secrétaire général du Syndicat des professeurs de lycée de la FGE-CGT (1931-1937), du SPES (1937-1940), du SNES (1944-1946).
Fils de Marie Alfred Abel, contrôleur des contributions directes, et de Marie Ludine Daclin, sans profession, Maurice Janets avait trois frères et soeurs. Il effectua sa scolarité primaire à Orange puis à Grenoble (Isère) où son père avait été muté. Il fit ses études secondaires au lycée Henri IV à Paris où il obtint le baccalauréat en 1913 puis commença une licence de lettres à la Sorbonne et y obtint plusieurs certificats en 1915.
Mobilisé dans l’infanterie en 1916, Maurice Janets servit dans des unités combattantes, d’octobre 1917 jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918, et ne fut démobilisé qu’en septembre 1919. Il reprit alors ses études à la Faculté des Lettres de Lille (Nord) de 1919 à 1922 en tant que boursier, à la suite de la réussite à un concours. En 1922-1923, il effectua une suppléance au lycée de Cambrai (Nord) et y devint professeur délégué ; l’année suivante, il interrompit cette délégation pour se consacrer à la préparation de l’agrégation de grammaire à laquelle il réussit à la session de 1924 (classement spécial).
Nommé professeur de lettres au lycée de Nevers (Nièvre) en 1924-1925, il obtint sa mutation au lycée Marceau de Chartres (Eure-et-Loir), appuyé par un sénateur, puis entra dans le cadre parisien des professeurs agrégés au lycée Pasteur de Neuilly (Seine) à la rentrée 1930, et fut enfin muté à celle de 1931 sur une chaire de 5e-4e au lycée Montaigne de Paris, où il termina sa carrière en janvier 1961.
Militant socialiste de la SFIO, Maurice Janets fut certainement celui de la 5e section de Paris, qui signa la motion « Pour l’unité internationale », dite motion Blum, Paoli, Bracke, Mayéras, présentée au congrès national de Tours (25-30 décembre 1920). A Chartres, membre de la section SFIO, il fut élu conseiller municipal en mai 1929. Aussi le proviseur du lycée Marceau, dans son avis sur sa demande de mutation, écrivit-il au ministère en décembre 1929 : « j’appuie sa demande de nomination à Paris, d’autant que cette nomination mettrait fin à un rôle politique dont la tendance avancée n’est pas sans inquiéter certaines des familles qui nous confient leurs enfants ».
En même temps, il militait à la fois dans le Syndicat national autonome des professeurs de lycée et de l’enseignement secondaire féminin, connu sous le nom de S3, et surtout dans le Syndicat des professeurs de lycée affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT. Il était d’ailleurs secrétaire départemental de l’Eure-et-Loir de cette fédération en 1929-1930 puis, arrivé à Paris, devint de 1931 à 1935, secrétaire général du Syndicat des professeurs de lycée de la FGE-CGT et de 1933 à 1935, secrétaire de la section de la Région parisienne de la FGE, membre du bureau national de la fédération, notamment aux côtés de [Lucien Mérat-50848], co-secrétaire général, dont il resta très proche avant et après la guerre.
Au cours de cette période, Maurice Janets impulsa les luttes revendicatives avec la Fédération unitaire pour combattre la politique d’austérité budgétaire visant à ponctionner les traitements des fonctionnaires et à réduire leur nombre. Il organisa à cet effet, pour la première fois en février 1933, une grève des enseignants (alors strictement interdite) et une manifestation de rue à Paris. La délégation qu’il conduisit le 20 février pour se rendre au ministère des Finances, fut dispersée par les forces de l’ordre, rue de Rivoli, et la grève, réduite à une heure ou un retardement de l’entrée en cours, fut peu suivie ; cependant les « confédérés » (Janets et Mérat) et « unitaires » du second degré (Jean Bruhat) se félicitèrent de cette première grève en estimant que « l’unité d’action » était en marche. Celle-ci se poursuivit en effet pendant la période de montée du Rassemblement populaire après la manifestation du 12 février 1934, à laquelle Janets appela, ainsi qu’à la grève. Des mobilisations communes avec la FU eurent également lieu en faveur des professeurs militants, victimes de répression administrative pour leurs opinions (notamment Maurice Deixonne et son épouse, Robert Verdier, Pierre George…).
Quand la FGE et la FU fusionnèrent en décembre 1935, Maurice Janets devint secrétaire général du nouveau Syndicat national des professeurs de lycée de la CGT réunifiée. Il remit à l’ordre du jour le projet de faire adhérer en bloc le S3 à la FGE-CGT, qui avait échoué au début des années 1930. L’objectif ne fut pas atteint au congrès du S3 de Pâques 1937, entraînant une scission du syndicat, les majoritaires, partisans du maintien de l’autonomie, créant le Syndicat national autonome des lycées, collèges et cours secondaires d’enseignement féminin, tandis que les partisans de l’affiliation confédérale créèrent au début de l’année scolaire 1937-1938 le Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire. Ce syndicat provenait de la fusion de quatre syndicats de la FGE, ceux des professeurs de lycée, des professeurs de collège, des maîtres et maîtresses d’internat et des répétiteurs et professeurs adjoints, et réunit bientôt dans un même syndicat tous les personnels des lycées et collèges, d’enseignement, de surveillance, de secrétariat et d’intendance. Maurice Janets fut élu à l’unanimité secrétaire général du SPES et le resta jusqu’à la dissolution du syndicat en 1940. Il fut désigné le 16 mai 1938, membre du Comité supérieur consultatif de l’Instruction publique aux colonies, mais aux élections au Conseil supérieur de juin 1938, si les 12 candidats du SPES firent globalement jeu égal avec ceux du SNALCC, aucun ne réussit à les devancer dans les lycées.
Bien que pacifiste, Maurice Janets fut partisan de la grève du 30 novembre 1938 contre les décrets-lois Daladier-Reynaud mais, dans un souci du maintien de l’unité du syndicat, il demanda aux membres démissionnaires du bureau du SPES qui avaient décidé de ne pas faire cette grève, de reprendre leur démission. Au congrès de Pâques 1939, il fit affirmer l’unité de la CGT en respectant intégralement les principes des Chartes d’Amiens et de Toulouse, la ferme résolution de poursuivre le combat contre le fascisme et l’appel à une conférence internationale pour « déterminer les moyens économiques de s’opposer aux tentatives des pays totalitaires ». Après la signature du pacte germano-soviétique, il refusa d’engager le SPES dans l’exclusion des militants communistes de la direction syndicale, comme cela s’était passé au SNI dirigé par André Delmas. Mobilisé en septembre 1939, il laissa provisoirement sa responsabilité de secrétaire général à son aîné Lucien Mérat, jusqu’à son retour en février 1940.
Dès octobre 1940, Maurice Janets rétablit les contacts avec des collègues de lycée de la région parisienne ainsi qu’avec les dirigeants de la Fédération générale des fonctionnaires : Charles Laurent et Pierre Neumeyer. Il participa à la reconstitution d’un bureau clandestin de la FGE en 1941 avec René Bonissel, puis Jean-Auguste Senèze pour le Syndicat national des instituteurs, Juliette Harzelec, Adrien Lavergne pour le Syndicat national des écoles primaires supérieures et des réunions se tinrent dans différentes écoles de Paris. Il établit par ailleurs des relations avec des militants du mouvement « Libération-Nord » pour des actions variées (tracts, faux papiers, hébergement de résistants clandestins). À partir de janvier 1942, il participa au Comité de résistance universitaire réunissant des « confédérés » et des « unitaires » (Maurice Lacroix, Mérat, René Maublanc, Jacques Pastor et Maurice Husson), ce qui permit de reconstituer un bureau clandestin du SPES et d’envisager dès 1943 avec Eugène Cossard puis Raoul Binon, les derniers dirigeants du SNALCC, la création d’un syndicat unique du secondaire. Ainsi fut créé à la fin de l’année 1944, le Syndicat national de l’enseignement secondaire, affilié à la FGE-CGT, dont les statuts reprenaient ceux du SPES. Il en devint co-secrétaire général avec Raoul Binon. Ce dernier ayant rapidement choisi de devenir inspecteur d’académie à Paris, il demeura le seul secrétaire général.
À ce titre, Maurice Janets siégea au Conseil supérieur d’enquête, d’épuration et de révision, dans la 3e commission, chargée de la coordination de la jurisprudence des conseils académiques d’enquête (arr. du 15/1/1945) : il fut remplacé dans cette fonction par Augustin Balliccioni en février 1946. Il participa aux travaux de la commission de réforme de l’enseignement présidée par Paul Langevin puis Henri Wallon (arr. du 8/11/1944), où il défendit les positions de l’enseignement secondaire. Enfin il siégea dans la commission d’étude sur le statut de l’enseignement privé, présidée par André Philip de la fin 1944 au début 1945, ce qui le conduisit à présenter devant le 1er congrès du SNES de mars 1945 un rapport, dans lequel il défendait le principe d’une « atmosphère de tolérance et de respect des diverses croyances philosophiques et religieuses qui permette l’apaisement des esprits et préserve l’unité morale de la nation », entraînant l’établissement d’une seule école publique dans les campagnes, l’aide de l’État à toutes les œuvres péri-scolaires, l’attribution de subventions aux établissements dont l’État ne pourrait assurer le remplacement, la formation en commun des maîtres des enseignements privé et public, l’enseignement d’un fonds commun d’instruction civique et le contrôle par l’État de la qualité de l’enseignement privé.
Membre du bureau de la FGE, Maurice Janets en fut aussi le secrétaire corporatif en 1945-1946, à l’heure où étaient posées les questions cruciales de la revalorisation des traitements et du reclassement des fonctionnaires, mettant aux prises le syndicalisme enseignant et le gouvernement mais aussi les différents corps de fonctionnaires et, à l’intérieur de la FGE, les instituteurs et les professeurs. Dans le SNES, il défendit la mise en place du cadre supérieur se substituant au cadre parisien dans le but d’atteindre le cadre unique, politique qui souleva de nombreuses critiques dans le syndicat. Au congrès du SNES de Pâques 1946, il céda sa responsabilité de secrétaire général à Robert Guitton, spécialiste de toutes ces questions corporatives et vigoureux défenseur des intérêts des professeurs ; il ne fut plus responsable que de la commission de l’enseignement à l’étranger dans le nouveau bureau, ce qui le fit désigné par la FEN pour un voyage d’études en Allemagne en juin-juillet 1947. Il reprit provisoirement la fonction de secrétaire général de septembre à novembre 1946, Guitton ayant démissionné durant cette période, pour manifester son opposition à la « politique du compromis » de l’UGFF et de la FEN au sujet de la revalorisation et du reclassement.
Maurice Janets participa par ailleurs à la mise sur pied de l’Union du second degré entre le SNES, le Syndicat national de l’enseignement technique et le Syndicat national des collèges modernes, dans le but de créer un seul syndicat du second degré dans la FGE devenue Fédération de l’Éducation nationale lors de son congrès de mars 1946. Il tenta vainement d’apaiser les conflits entre le SNET et le SNCM qui firent échouer la fusion projetée, celle-ci ne se réalisant qu’entre le SNES et le SNCM en 1949. Au congrès fédéral de 1946, partisan du maintien de la Fédération générale des fonctionnaires, il participa peu aux débats conclus par l’approbation de la création de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires mais salua de manière appuyée dans un éditorial de l’Université syndicaliste Laurent et Neumeyer, écartés de la direction de l’UGFF.
À partir de 1947, Maurice Janets fut beaucoup moins impliqué dans la vie du SNES et de la FEN dont il demeurait membre de la commission administrative. Il n’apparaissait cependant plus dans l’organigramme de la CE ni du bureau du SNES à la rentrée d’octobre 1947. Pourtant il fut présent aux réunions du BN du 27 novembre et du 4 décembre 1947 en pleine grève des instituteurs de la Seine. Lors de ces réunions, il prit une part déterminante aux débats, en faisant voter deux motions, l’une soutenant la conduite de Guitton mais sans condamner celle de Louis Guilbert, secrétaire de la section académique de Paris qui avait appelé à la grève, alors que les syndiqués s’étaient prononcés contre, l’autre demandant à la FEN de décider un mouvement de grève immédiate et limitée.
Maurice Janets devint membre du conseil d’administration de la Mutuelle générale de l’Education nationale à sa création, le 8 décembre 1946. Il fut confirmé comme membre du CA lors de la première assemblée générale en juillet 1947.
Toujours membre de la section du Ve arrondissement de Paris de la SFIO, militant actif des groupes socialistes de l’enseignement et du cercle Jean Jaurès, il fut un partisan déclaré du passage du SNES et de la FEN à la GCT-FO au début de l’année 1948 mais n’occupa pas les premiers rôles dans le débat sur l’affiliation consécutif à la scission de la confédération. Il ne fut que suppléant sur la liste FO dans la commission exécutive élue par le congrès du SNES de mars 1948 et ne se présenta pas aux premières élections sur listes de tendance aux élections de 1949. Il avait été élu membre suppléant de la commission administrative nationale des agrégés lors des premières élections professionnelles de février 1948.
Fait chevalier de la Légion d’honneur en novembre 1948, double affilié à la fédération FEN-FO, Maurice Janets disparut des tablettes syndicales, se consacrant à son militantisme politique, continuant d’écrire des articles dans La Revue socialiste. Il habitait rue des Ursulines à Paris. Il demeura cependant fidèle au SNES et, la retraite venue, au Groupement des retraités de l’enseignement secondaire. Resté célibataire, il s’était retiré à Yzeure (46, rue Emile Zola) près de Moulins dans l’Allier.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat., F1a 3252, 3207, F17/ 17820, 27599 (dossier Binon), 27852, 28077 (dossier Ballicioni). — Notice DBMOF par Jean Maitron. — Arch. IRHSES (SPES, SNES, congrès, CA, L’Université syndicaliste, L’Enseignement public — Renseignements fournis par l’intéressé à J. Maitron. — Notes de Jacques Girault, d’André Lainé et de Robert Verdier.