INNOCENT Georges, Julien, Jean

Par Alain Dalançon

Né le 10 septembre 1926 à Lambezellec (Brest, Finistère), mort le 10 décembre 2012 à Brest ; professeur ; militant syndicaliste du SNET, puis secrétaire général (1969-1970) du SNESup, secrétaire général adjoint (1970-1972), membre du bureau national (1972-1974).

Portrait dans <em>l’Humanité</em>, printemps 1969.
Portrait dans l’Humanité, printemps 1969.
Coll. IRHSES.

Georges Innocent était le fils d’un cuisinier dans les wagons-lits de la compagnie de chemins de fer de l’État devenue SNCF en 1937, militant syndicaliste à la CGT, sympathisant puis membre du Parti communiste français à partir de 1946. Sa mère, future couturière, était fille d’un charpentier à l’arsenal de Brest, militant anarcho-syndicaliste.

Uniquement baptisé, il fut élevé avec sa sœur suivant une éducation laïque. Après l’école primaire, il entra au cours complémentaire de Vitry-sur-Seine en 1938 et poursuivit ses études à l’école primaire supérieure de Brest de 1939 à 1941 puis, après sa destruction par un bombardement, à celle de Guingamp (Côtes-du-Nord) en 1941-1942.

Il fut élève-maître instituteur à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) de 1942 à 1945 dans la promotion « Espoir » qui effectua sa scolarité au lycée Anatole Le Braz à la suite de la dissolution des écoles normales primaires. Le 12 novembre 1943, un des groupes de résistance (FUJP) des lycéens et élèves-maîtres de Saint-Brieuc abattit un soldat allemand dans la ville voisine de Plérin. Le 12 décembre, une rafle eut lieu dans le lycée déjà partiellement occupé par les Allemands : une vingtaine d’élèves-maîtres et de lycéens furent arrêtés, trois furent fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien, huit autres furent envoyés en déportation en Allemagne, dont cinq ne revinrent pas. À la rentrée de janvier, Georges Innocent se retrouva avec ses camarades élèves-maîtres comme Emile Thomas, futur secrétaire de la section départementale du SNI, à Beaufort-en-Vallée (Maine-et-Loire) où l’ensemble des promotions avait été envoyé. Après le débarquement du 6 juin, la plupart d’entre eux revinrent à pied en Bretagne pour continuer le combat. Au cours de cette période, Innocent fut aussi marqué par l’enseignement de son professeur d’histoire, Antoine Mazier, futur député des Côtes-du-Nord puis maire socialiste de Saint-Brieuc. Son goût pour l’anglais le conduisit à faire office d’interprète auprès de l’armée américaine dans les mois qui suivirent le débarquement allié.

Après avoir obtenu la première partie du baccalauréat en 1944 et la seconde (série sciences expérimentales) en 1945, Georges Innocent entra en octobre suivant en classe préparatoire au lycée Chaptal à Paris et intégra l’École nationale supérieure de l’enseignement technique en 1946 dans la section EF. Adhérent du Syndicat national de l’enseignement technique, il rencontra dans cette école de nombreux futurs camarades de combat syndicalistes ; il épousa par ailleurs le 19 juillet 1947 à Taissy (Marne) une élève de sa promotion, Simone Bruyant, avec laquelle il eut deux fils, et dont il divorça en 1974.

À sa sortie de l’ENSET en 1948, Georges Innocent fut nommé professeur certifié d’anglais au lycée hôtelier de Strasbourg (Bas-Rhin), puis fut muté l’année suivante au lycée technique de Cherbourg (Manche) en 1949. À la rentrée scolaire 1952, il rejoignit avec son épouse l’École nationale professionnelle de Creil (Oise). Au cours de cette période, il fut secrétaire de la section de l’établissement du SNET, militant dans le courant « Union pour une action syndicale efficace » avec Hubert Coudane et Étienne Camy-Peyret. Militant de la FEN-CGT, il persista dans son adhésion individuelle à la confédération jusqu’au début des années 1960 et était membre de la commission administrative de l’Union départementale de l’Oise. Proche du PCF mais sans en être adhérent, il milita aussi à France-URSS de 1953 à 1963, et était élu des locataires dans l’office d’HLM. En 1966-1967, il fut élu membre suppléant de la CA nationale du nouveau Syndicat national des enseignements de second degré au titre de l’ex-SNET.

Georges Innocent passa dans l’enseignement supérieur à la fin des années 1960, en devenant en 1965 directeur d’études à l’Institut universitaire de technologie de chimie d’Orsay-nord dont il fut avec Hubert Coudane, un des principaux organisateurs. Après un bref passage à Alger en 1970, il devint maître de conférences à Paris VI et y créa le département de langues pratiques dont il resta directeur pendant 21 ans, jusqu’à sa retraite en 1992.

Il fut un des principaux militants du courant « Action syndicale » du Syndicat national de l’enseignement supérieur à partir de 1968. Au congrès de juillet, la motion qu’il présenta visant à constituer un bureau à l’image de la composition de la commission administrative nationale fut rejetée car, selon les majoritaires, contraire au principe de l’homogénéité de l’exécutif contenu dans les statuts.

Au printemps 1969, le rapport d’activité de la majorité conduite par Bernard Herszberg fut repoussé (2489 voix contre, 2140 pour, 902 abstentions). Au congrès de mars 1969, la motion 1, « Action syndicale », conduite par Innocent, recueillit 2697 mandats contre 2265 à la motion 2, née de l’agglutination de 6 motions différentes et 249 mandats à la motion 3 de Strasbourg ; la liste 1 obtint donc 27 sièges à la CA nationale contre 23 à la liste 2 et 2 à la liste 3. Les minoritaires ayant refusé la proposition des nouveaux majoritaires de constituer un bureau hétérogène, Georges Innocent fut élu secrétaire général du SNESup dans un bureau homogène et alla siéger à la CA de la FEN au titre du syndicat. Dans une conférence de presse, entouré des membres du nouveau bureau (Guy Odent*, Guy Bois, Garcin, Lapérrousaz, Daniel Monteux), il réfuta l’assertion qu’« Action syndicale » ne fût qu’une émanation du PCF et présenta la nouvelle orientation rassemblant sur des bases syndicales des militants venant des diverses composantes de la gauche désireuses d’une union sur la base d’un programme commun.

L’activité fut donc recentrée sur les revendications (carrières, moyens budgétaires…), « pour la démocratisation du fonctionnement de l’Université, contre la répression et les atteintes aux libertés ». Cette nouvelle orientation proche d’Unité et Action au plan fédéral permit au syndicat de resserrer ses liens avec le SNES et le Syndicat national de l’Éducation physique et sportive puis le Syndicat national des professeurs d’École normale qui avaient également changé d’orientation, ce qui donna la possibilité de dégager des positions communes notamment sur l’enseignement des langues vivantes (1969) et la formation des maîtres (colloque de 1971). Dans les instances fédérales, Innocent eut l’occasion de présenter plusieurs textes au nom du courant Unité et Action, dont celui condamnant les atteintes aux libertés en Tchécoslovaquie et en URSS au congrès de 1971. À cette époque, il fit également partie du comité d’honneur de l’Association de formation pour travailleurs immigrés (AEFTI) lors de sa fondation en 1971, aux côtés d’universitaires et intellectuels engagés à gauche (dont Marcel Cohen, Claude Frioux, Pierre Juquin, Claude Mesliand, Jean Suret-Canale, Vladimir Jankélévitch…).

Au congrès du SNESup de mai 1970, Innocent passa le témoin de secrétaire général à Daniel Monteux mais resta secrétaire général adjoint durant les deux mandats de ce dernier (1970-1972), toujours chargé de suivre les dossiers des relations extérieures et de siéger à la CA de la FEN. Toutefois, lors de la réunion de la commission administrative du 3 octobre, puisqu’il résidait maintenant à Alger, une partie de ses responsabilités étaient réparties au sein du secrétariat. Il resta ensuite au BN durant les deux mandats de Jean Cortois (1972-1974). Au congrès de 1974, il présenta la motion d’orientation « Action syndicale » mais, après le congrès, ne fut plus que suppléant à la CA en 1974-1975. Il fut élu vice-président de son université en 1975-1976, au titre des enseignants B, sur la liste du SNESup.

Le 8 novembre 1975 à Vitry (Val-de-Marne), Georges Innocent se remaria avec Maggy Rusaouën, maître de conférence en biologie animale, membre de la CA du SNESup en 1969-1970, membre du PCF de 1962 à 1980, avec laquelle il eut une fille.

Proche du PCF des années 1950 aux années 1970, il se rapprocha du Parti socialiste dans les années 1980 auquel il n’adhéra cependant pas et participa activement à Vitry-sur-Seine à ses différents combats. La retraite venue, il se retira avec son épouse dans sa Bretagne natale à Plouguerneau.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88091, notice INNOCENT Georges, Julien, Jean par Alain Dalançon, version mise en ligne le 17 mai 2010, dernière modification le 10 février 2020.

Par Alain Dalançon

Portrait dans <em>l'Humanité</em>, printemps 1969.
Portrait dans l’Humanité, printemps 1969.
Coll. IRHSES.

SOURCES : Arch. IRHSES (SNET, Le Travailleur de l’Enseignement technique ; L’Université syndicaliste, L’Enseignement public ; relations SNES-SNESup ;, Le SNESUP ). — Presse nationale (Le Monde, Le Nouvel observateur, l’Humanité). — Renseignements fournis par l’intéressé et sa seconde épouse. — Ouvrage collectif, De la nuit à l’Aurore, des lycéens dans la guerre, Association Lycée A. Le Braz de Saint-Brieuc, 1995. — Notes d’Alain Prigent.

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