GOUTET Pierre, René

Par André Caudron

Né le 5 mai 1903 à Riom (Puy-de-Dôme), mort le 9 janvier 1990 au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) ; inspecteur des finances, avocat au Conseil d’État ; commissaire national de la Route, branche aînée des Scouts de France (1934-1939), cofondateur (1942) et président des Amitiés scoutes (1946), cofondateur, président de La Vie nouvelle (1947-1961).

Fils d’un avoué à la cour d’appel, Pierre Goutet fit des études de droit et de géographie à Paris. Il participait alors aux Équipes sociales de Robert Garric* et faisait partie des Scouts de France où il exerça des responsabilités dans le district de Paris-Nord avant de devenir commissaire national adjoint puis commissaire national de la branche aînée, La Route, en 1934. Il se montrait partisan des techniques d’exploration de la géographie humaine, prônées par Pierre Deffontaines, et des méthodes de l’Éducation nouvelle, inspirées de Maria Montessori.

Lié d’amitié, comme son adjoint André Cruiziat, avec Pierre Schaeffer*, Pierre Goutet fit partie, en 1938, d’une équipe d’anciens dirigeants scouts ou jécistes, proches de Paul Flamand, fondateur des éditions du Seuil. Ceux-ci, face à l’aggravation des tensions internationales, auraient voulu prolonger sur le terrain politique l’idée de reconstruction d’un ordre chrétien qu’ils avaient héritée de leurs aumôniers scouts, le jésuite Paul Doncœur et le dominicain Marcel-Denis Forestier.

Pierre Goutet savait toutefois prendre ses distances par rapport au père Doncœur. Il appelait les Routiers à rester fidèles à un idéal, tout en les mettant en garde contre un double écueil : la « tentation de l’absolu » et, s’adressant aux chefs, la tentation « paternaliste » : « Travaillons à leur apprendre la liberté », disait-il. « Ayons l’abnégation nécessaire pour les inciter à ne pas voir uniquement par les yeux du Chef, à avoir d’autres maîtres que les Chefs. Poussons-les à prendre de plus en plus largement des initiatives, en dehors du cadre des missions données par le Chef. Habituons-les à vivre seuls, loin de l’amitié trop chaude du clan, dont ils risquent de ne plus savoir se passer. »

Mobilisé en 1939, Pierre Goutet fut appelé au lendemain de l’armistice, en juillet 1940, au secrétariat d’État à la Famille et à la Jeunesse, dans le premier gouvernement de Vichy, auprès d’Henry Dhavernas qui était lui-même commissaire national des Scouts de France. Chef du bureau de la Jeunesse, Pierre Goutet se préoccupa notamment du sort des jeunes errant sur les routes, coupés de leurs familles par l’exode. Pour eux fut créé le mouvement des Compagnons de France. Recherchant une voie médiane entre les associations et les institutions de jeunesse, Pierre Goutet ne put garantir un certain pluralisme. Il quitta son poste en décembre, regagna Paris et reprit sa profession d’avocat au Conseil d’État.

Les Amitiés scoutes naquirent en « zone libre » au cours de l’année 1942 – la première réunion constitutive eut lieu en juillet à Tarascon (Bouches-du-Rhône) –, à l’initiative d’André Cruiziat et de Pierre Goutet qui voulaient ainsi élargir les champs d’action des anciens à divers domaines, spirituels, familiaux et sociaux. Pierre Goutet commença l’année suivante à rassembler des groupes clandestins de cette organisation dans la zone occupée, ce qui lui valut d’être arrêté par la Gestapo le en avril 1944. Incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne), e 15 août 1944, il fut déporté ensuite au camp de Buchenwald (Allemagne) dont il revint en juin 1945.

Élu président des Amitiés scoutes un an plus tard, il prit la présidence de La Vie nouvelle à sa création en juillet 1947. Jouant le rôle d’arbitre que lui conféraient les statuts du mouvement, il se lança en même temps dans une croisade pour la libération de la femme, au moyen de l’organisation des tâches domestiques et notamment de la participation du mari aux travaux ménagers. Après plus de vingt années de travail en commun, une période de mésentente s’ouvrit en 1957 entre André Cruiziat et Pierre Goutet, le second reprochant au premier d’infliger au mouvement une évolution trop rapide et trop engagée sur le plan politique. Leurs divergences concernaient en particulier la guerre d’Algérie. Le président finit par démissionner au bout de quatre ans et fut remplacé par Georges Millot, doyen de la faculté des sciences de Strasbourg.

Pierre Goutet garda longtemps les fonctions de trésorier de l’École des parents. Il présida aussi l’Association nationale d’entraide féminine et les Nouvelles équipes féminines, œuvre de relèvement des prostituées. Militant de Peuple et culture, il prit part aux groupes de travail axés sur l’urbanisme, l’animation des grands ensembles, le rôle des femmes dans les transformations de la société. Il avait quitté le conseil national des Scouts de France en 1956.

Marié avec Madeleine Cail le 8 juillet 1933 à Paris (XVIe arr.), devenu veuf au décès prématuré de sa première épouse en 1938, il se remaria avec Michelle Lécureux le 24 septembre 1943 à Paris (XVIe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88263, notice GOUTET Pierre, René par André Caudron, version mise en ligne le 16 juin 2010, dernière modification le 9 juillet 2020.

Par André Caudron

ŒUVRE : Agir et non subir. Disciplines personnelles, Documents Amitiés scoutes n° 2, Éditions des Scouts de France, Lyon, sd, 40 p.

SOURCES : Dictionnaire biographique des militants, notice Goutet par Jean Lestavel, L’Harmattan, 1996. — Pierre Schaeffer, Les enfants de cœur, Seuil, 1949. — Philippe Laneyrie, Les scouts de France, Cerf, 1985. — Bernard Comte, L’École d’Uriage, une utopie combattante, Fayard, 1991. — Jean Lestavel, La Vie nouvelle, histoire d’un mouvement inclassable, Cerf, 1994. — Dominique Avon, Paul Doncœur, un croisé dans le siècle, Éditions du Cerf, 2001. — Jean Chaudouet, Raymond Labourie, Jean Lestavel (dir.), La Vie nouvelle et André Cruiziat dans l’histoire politique et religieuse des années 1947-1967, Strasbourg, Éditions du Signe, 2009. — Lucette Heller-Godenberg, Histoire des auberges de jeunesse en France des origines à la Libération (1929-1945), 2 vol., 1985, Université de Nice. Voir index. — DBMOMS, tome 4, notice Cruiziat par André Caudron, 2008.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable