GROS Marcel, Victor, Louis

Par Eric Belouet

Né le 3 juin 1942 à Annecy (Haute-Savoie) ; régleur puis dessinateur industriel ; militant jéciste puis jociste de Haute-Savoie, permanent de la JOC (1963-1967) ; syndicaliste CFTC de Haute-Savoie puis CFDT du Cher.

Le père d’André Gros, manœuvre puis ouvrier spécialisé à la Société nouvelle de roulements (SRO, devenue SNR en 1946), était syndicaliste CGT, délégué du personnel, sympathisant communiste, lecteur des Allobroges (périodique fédéral du PC en Haute-Savoie) et non-croyant. Sa mère, Ida née Ghéno, italienne, était arrivée en France en 1924 avec sa famille qui s’installa à Saint-Claude (Jura) et fut naturalisée en 1930. Après son mariage, elle travailla elle aussi à la SRO jusqu’en 1942. Elle était croyante et pratiquait irrégulièrement en raison de ses charges familiales. Quatrième de huit enfants (quatre sœurs et un frère), Marcel Gros suivit toute sa scolarité dans le secteur public : l’école primaire à Cran-Gevrier (Haute-Savoie) et à Annecy, puis le lycée technique dans cette même ville. Il obtint successivement le certificat d’études primaires, un CAP de dessinateur industriel en 1960 et un brevet d’enseignement industriel (BEI) d’ajusteur la même année. Excellent élève, il dut toutefois arrêter sa scolarité en 1960 pour apporter sa contribution aux revenus de la famille.

Marcel Gros entra alors à l’école professionnelle de la SNR où, pendant un an, on lui dispensa une formation technique dans le domaine de la haute précision et il obtint le CAP de rectifieur sur métaux (mention TB) en 1961. Il fut ensuite, toujours à la SNR, régleur sur des machines à rectifier jusqu’à son départ au service militaire en janvier 1962. Après ses classes effectuées à Montélimar (Drôme), il fut envoyé à Laval (Mayenne) dans les transmissions d’où il était appelé à partir en Algérie. Mais la signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 referma toutefois rapidement cette parenthèse militaire et il fut renvoyé dans ses foyers en avril. De retour à la SNR en mai 1962, il fut cette fois dessinateur industriel au bureau d’études, spécialisé dans la haute précision. Il ne devait y rester que jusqu’en août 1963.

Sur le plan militant, Marcel Gros, syndiqué à la CFTC, avait adhéré à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) dès son entrée au lycée technique. À cette époque, l’évêque d’Annecy (Mgr Cesbron) avait en effet décidé que chaque adolescent scolarisé, même s’il était d’origine ouvrière, devait être orienté vers la JEC. Au sein de ce mouvement – alors très dynamique et structuré en Haute-Savoie – Marcel Gros fut responsable de l’équipe de son lycée. Mais dès son entrée au travail, il passa à la JOC, moins puissante et bien moins organisée à l’échelle du département. Il y milita d’abord au sein de l’équipe du quartier des Fins, dont le noyau était formé par cinq jeunes âgés de dix-huit à vingt ans. À eux cinq, ils parvenaient à écouler chaque année 300 calendriers de la JOC. Marcel Gros ne tarda pas à se voir confier des responsabilités fédérales (la fédération de Haute-Savoie était alors découpée en trois secteurs : Annecy, Annemasse et la vallée de l’Arve).

L’activité jociste de Marcel Gros, notamment en direction des nombreux jeunes annéciens employés dans le domaine de la pâtisserie-confiserie et dont les conditions de travail étaient pour le moins difficiles, lui valut d’être signalé par Louis Donini*, le permanent de la région, à l’attention du secrétariat général de la JOC, Jack Salinas, président, le sollicita pour devenir permanent. Malgré de vives réticences familiales et le sacrifice financier que cela représentait (de 900 F de salaire mensuel à moins de 300), Marcel Gros accepta et prit ses nouvelles fonctions en septembre 1963. Sur le plan régional, on lui confia d’abord, pendant un an, la responsabilité de suivre la zone Roubaix-Tourcoing, à laquelle on ajouta l’année suivante l’ensemble du Hainaut-Cambrésis (Valenciennes, Maubeuge, Cambrai…). De 1965 à 1967, il fut chargé de suivre tout le secteur s’étendant du Mans à Brest, à l’exception de la région nantaise. La décision de confier à une seule personne le soin de superviser une zone aussi vaste s’expliquait par le fait que les différentes fédérations concernées étaient déjà très bien structurées et que la fonction du permanent consistait essentiellement à faire le lien entre elles et l’échelon national et à assurer la formation.

À l’époque, tous les permanents de la JOC et de la JOCF devaient assumer, outre la responsabilité d’un secteur géographique, une responsabilité transversale au plan national. L’itinéraire antérieur-à la JEC- de Marcel Gros fit qu’on lui confia la responsabilité de la branche « école Jeunes du monde ouvrier en écoles » (JMO), où il prit la suite de Paul Phillibert. Cette branche, nouvellement créée, sollicitait d’autres permanents (Jacques Duraffourg, Robert Boucher*, Roger Félix*, Jean-Marie Roglet*, Gérard Labbé) et se donnait pour but principal de faire en sorte que les jeunes d’origine ouvrière encore scolarisés ne perdent pas leur identité ouvrière. Marcel Gros en resta le responsable pendant quatre ans et rédigeait le bulletin destiné aux militants des JMO dans l’enseignement supérieur. Cette branche JMO compliqua parfois les relations entre la JOC et la JEC, cette seconde appréciant peu que la première vînt en quelque sort « chasser sur ses terres ».

Alors que le mandat de permanent jociste était de trois ans, Marcel Gros accepta la proposition de la JOC de le prolonger d’un an pour participer à la préparation du rassemblement national « Paris 67 » qui devait avoir lieu du 30 juin au 2 juillet 1967. Le travail fut réparti en fonction des thèmes devant faire l’objet, le 1er juillet, de quatre grands meetings en autant de lieux distincts. Marcel Gros se vit confier, avec Pierrette Goguey*, permanente de la JOCF en région parisienne, celui de « l’avenir professionnel des jeunes du milieu populaire ». Le meeting correspondant se déroula au stade de Coubertin et Marcel Gros l’anima avec Pierrette Goguey en présence de 6 000 jeunes.

Après son départ de la JOC en août 1967, Marcel Gros se maria à Angers (Maine-et-Loire) le 11 août 1967 avec Marie-Luce Seyard*, elle-même ancienne permanente de la JOCF pour la région Centre, et trois enfants naquirent de cette union (Cécile, 1968 ; Marie-Emmanuelle, 1971 et Frédérique, 1975). Ne souhaitant s’installer ni à Annecy, ni à Angers (ville d’origine de Marie-Luce Seyard), jugées « trop bourgeoises », le couple, animé d’une « volonté de mission », se cherchait une destination plus ouvrière. Leur choix se porta sur Vierzon (Cher), une ville que Marie-Luce Seyard avait eu l’occasion d’apprécier dans le cadre de ses fonctions jocistes et qui présentait en outre l’avantage pour Marcel Gros de compter une usine de roulements dans laquelle il pourrait mettre en pratique ses compétences professionnelles acquises à Annecy à la SNR. Il se fit ainsi embaucher à l’usine Nadella, spécialisée dans la fabrication de roulements à aiguilles, qui comptait environ 400 salariés à Vierzon (l’entreprise comptait également deux autres usines : dans la Seine-Maritime et le Calvados). Marcel Gros devait y effectuer toute la suite de sa carrière professionnelle, d’abord comme dessinateur industriel et méthodes, puis comme responsable des méthodes à partir de 1984. À sa demande, il partit en pré-retraite (contrat ARPE) en décembre 1999.

Dès son entrée chez Nadella, il avait pris des responsabilités au sein de la section CFDT, laquelle représentait de 30 à 35 % des syndiqués dans une entreprise où la CGT était largement majoritaire. Il pris une part active dans l’occupation de l’usine en 1968. Marcel Gros fut, selon les périodes délégué syndical (fin 68), délégués du personnel, délégué au comité d’entreprise (CE) et au comité central d’entreprise (CCE). Il fut sollicité pour être permanent syndical métallo à Orléans qu’il ne put accepter pour une grave maladie. Il fut en outre, pendant dix-sept ans, conseiller prud’homme dans l’encadrement. En 2010, Marcel Gros, toujours domicilié à Saint-Georges-sur-la-Prée, près de Vierzon, est membre du bureau du syndicat CFDT retraités de Vierzon et assure des permanences juridiques à l’union locale CFDT.

Sur le plan politique, Marcel Gros, séduit par la personnalité et les idées de Michel Rocard*, adhéra quelque temps au PSU au début des années 1970, mais cette adhésion prit fin au moment du ralliement du dirigeant socialiste au PS en 1974. Il n’adhéra plus ensuite à un parti politique, faisant le choix exclusif du syndicalisme.

Après son mariage, Marcel Gros, comme son épouse, avait adhéré à l’ACO. Responsable de secteur à Vierzon de 1972 à 1995, il était également très impliqué au sein du conseil diocésain de pastorale de Bourges (CDP) où il représentait la Mission Ouvrière et refusa, en 1993, la proposition qui lui était faite d’intégrer le comité national de l’ACO. Entre-temps, en 1987, le couple Gros avait rencontré la Communauté du Chemin Neuf, communauté catholique dans la mouvance du renouveau charismatique. Ce fut pour lui le début d’un nouvel engagement spirituel et « un total renouvellement de sa foi » (témoignage de Marcel Gros). Le couple monta une équipe (« équipe Saint-Georges », du nom du village où elle a pris naissance) réunissant des personnes et couples ouvriers de leur âge engagés ou non au sein du mouvement ouvrier, avec la volonté de mettre l’Esprit-Saint au cœur de leur réflexion. Or, l’ACO reprocha à Marcel Gros et à cette équipe de ne pas mettre suffisamment l’accent sur les engagements militants alors que la moitié de l’équipe était syndiqués CGT ou CFDT. Constatant qu’on ne les acceptait pas tels qu’ils étaient, les quatorze membres de cette équipe quittèrent l’ACO en 1996. Marcel Gros vécut très douloureusement cette rupture car il considérait qu’Action catholique et renouveau charismatique étaient parfaitement complémentaires. Il siégeait jusqu’alors au Conseil diocésain de pastorale (CDP), mais, n’étant plus membre de l’ACO, il estimait ne plus avoir sa place dans cette instance et en démissionna. Avec Marie-Luce son épouse, ils écrivirent leur expérience (ACO-Chemin Neuf) dans le bulletin aux responsables de l’ACO (Repères ACO, n° 10 novembre 1993) et le Chemin Neuf leur demanda la même chose dans Tychique, n° 91(mai 1991).

En 2010, Marcel Gros fait toujours partie de la Communauté du chemin neuf, se consacrant à l’évangélisation des habitants de son village. Il est en outre membre du conseil pastoral de sa paroisse et, par délégation de l’évêque, assure les obsèques religieuses.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88266, notice GROS Marcel, Victor, Louis par Eric Belouet, version mise en ligne le 16 juin 2010, dernière modification le 29 juin 2010.

Par Eric Belouet

SOURCES : Arch. JOC (SG), fichier des anciens permanents. — Éric Belouet, L’Avenir depuis toujours. 70 ans de JOC/F, cédérom, Les Éditions de l’Atelier, 1997. — Témoignage oral de Marcel Gros, 25 février 2010.— Etat civil.

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