GUICHARD Albert, Joseph, Antoine

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

Né le 5 mars 1924 à Saint-Bonnet-le-Château (Loire), mort le 6 mars 2006 à Recife (Brésil) ; prêtre du diocèse de Lyon (Rhône), prêtre-ouvrier (1953), insoumis (1954) ; ouvrier, urbaniste au Brésil puis dans la région parisienne ; militant CGT et du Mouvement de la Paix.

D’une famille « honorablement connue », selon le curé de sa paroisse de naissance, Albert Guichard était le fils de Joannès Guichard, quincailler, et de Simone Lombardin, sans profession, tous deux originaires de Saint-Jean-Soleymieux (Loire). Il fit ses études au lycée Ampère de Lyon (Rhône) de la sixième à la seconde, puis entra en classe de première au petit séminaire de Montbrison (Loire), relevant du diocèse de Lyon, mais il le quitta dès la fin de l’année scolaire et étudia en solitaire le programme de la classe de philosophie. Il suivit ensuite la première année de sciences politiques à Lyon et s’engagea pour deux années de service social à l’Entraide française, issue de la transformation du Secours national à la fin de la guerre. Il y fit fonction de chef de service et prit goût au travail de groupe.

Albert Guichard n’avait pas renoncé pour autant à l’idée du sacerdoce. Envisageant de demander son admission dans la Compagnie de Jésus, il eut des contacts avec le jésuite Charles Monier*, prêtre-ouvrier à Lyon. Mais il préféra choisir la Mission de France qui répondait mieux à son tempérament et à ses aspirations sociales. Elle représentait pour lui, dit-il, « un vent de révolution dans l’Église ». Son supérieur, le père Louis Augros, l’accueillit en première année du séminaire de Lisieux (Calvados) à la rentrée de 1945. Il fit un stage d’un an (1947-1948) à Givors (Rhône) où la Mission de France avait une équipe qui l’initia à la pastorale, s’occupant du catéchisme et des colonies de vacances. Le 24 mai 1951, Albert Guichard fut ordonné prêtre du diocèse de Lyon, pratiquement incorporé aussitôt à la Mission de France, tout en poursuivant des études supérieures à la Faculté de théologie de Lyon, jusqu’à l’obtention de la licence, avec Emmanuel Deschamps* et Edmond Abelé, futur évêque de Monaco et de Digne.

Ses parents, hostiles à sa vocation, lui avaient refusé toute aide financière. Il avait été pris en charge sur le plan matériel, pendant sa formation à la Faculté de théologie, au presbytère lyonnais de la paroisse Saint-Pothin. Il était alors domicilié à Vénissieux (Rhône) et animait des groupes d’action catholique. Il demanda à l’archevêque de Lyon, le cardinal Gerlier, l’autorisation d’entrer au travail. Elle lui fut accordée. Albert Guichard fut ainsi l’un des derniers à obtenir l’accord de la hiérarchie sur le statut de prêtre-ouvrier avant le concile Vatican II. C’était pendant l’été 1953, quelques mois avant l’interdiction signifiée aux prêtres par le pape Pie XI de travailler en usine à partir du 1er mars 1954. À cette date, Albert Guichard fut l’un des soixante-treize prêtres-ouvriers qui refusèrent l’ukase pontifical. Le 23 mars 1954, il signait la lettre adressée à l’archevêque par ceux de la région lyonnaise, son nom figurant en tant que membre de la CGT et du Mouvement de la paix.

« Comment, coupés de l’Église, garder une vie de foi ? » Telle était la question qui le préoccupait après l’acte de désobéissance des « insoumis » auxquels il restait lié, faisant partie d’une commission élue, réunie à Paris en mai 1955 avec Jean-Claude Poulain*, Henri Barreau, Claude Neuvéglise, René Desgrand, Roger Déliat*, Jeannette Dussartre et Pierre Bénedetti*, qui recherchaient comme lui à donner sens à leur rupture avec l’Église. Dans une lettre du 13 janvier 1955, il écrivait : « Il paraît impensable à un nombre de plus en plus grand de croyants et de prêtres dont je suis que les membres de l’Église et en particulier sa hiérarchie se bloquent indéfiniment et s’enferment dans l’ancien monde, la société et le régime bourgeois qui s’opposent par la force à l’établissement du monde plus fraternel qui se fait. Le seul vœu que je forme en ce début d’année, c’est donc celui pour lequel j’ai engagé ma vie : que le message évangélique ne soit pas injustement rendu inaccessible à des millions d’hommes “nouveaux” par la faute de ceux qui le lient en fait au monde bourgeois, quelles que soient leurs intentions ou leurs inconsciences. Ce ne sont pas des mots pour nous, mais une profonde réalité, puisqu’y être fidèle entraîne pour nous ruptures, incompréhensions, discrédit, sanctions et écueils pour notre foi elle-même. »

Albert Guichard poursuivait son évolution. À l’automne 1958, il fut embauché comme sociologue au Bureau d’études et de réalisations urbaines (BERU) qu’avait fondé, l’année précédente, Max Stern*. Il fit équipe avec Michel Marié, Louis Couvreur, Maurice Ducreux, Maurice Imbert, Jean Lallemand et Jean Bas (syndicaliste CGT de la Fédération de la Chimie). Le 9 février 1963, à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) où il résidait alors, il épousa une divorcée, Paule Goubely, technicienne en publicité à Sedan (Ardennes). Le couple se sépara trente mois plus tard. Albert Guichard, alors « chargé d’études », s’intéressait beaucoup aux pays en voie de développement. Il vécut un temps, peu après, au Brésil. Il fit un second mariage le 6 mai 1967 en mairie du XIIe arrondissement de Paris, avec Estella Pereira de Macedo, originaire de l’État de Parahyba (Brésil). Selon Maurice Combe et Bernard Boudouresques, il put demander sa réduction à l’état laïc par rescrit de Rome, arguant qu’il avait « perdu la foi », et se marier religieusement.

Installé à Paris, il s’était spécialisé dans l’étude de l’aménagement urbain des pays émergents, pour le compte du ministère de la Coopération et de son secrétariat des missions d’urbanisme et d’habitat. On perd sa trace à partir de 1987.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88268, notice GUICHARD Albert, Joseph, Antoine par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 17 juin 2010, dernière modification le 4 février 2012.

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

ŒUVRE : L’urbanisme dans le tiers-monde, désorganisation sociale ou promotion culturelle ? Responsabilités des édiles et planificateurs urbains, Paris, SMUH, 1967, 191 pages, 20 tableaux.

SOURCES : Archives de la Mission de Fra nce, registre du séminaire, 5 K 1-9, Le Perreux. — ANMT, Roubaix, 1997 038 0128. — Arch. du Prado, Limonest. — Michel Marié, Les terres et les mots. Une traversée des sciences sociales, Klincksieck, 1989. — Oscar L. Cole-Arnal, Prêtres en bleu de chauffe, Les Éditions ouvrières, 1992. — Bernard Schaefer, BERU-CORDA. Une aventure professionnelle et humaine, inédit, décembre 2007. —Témoignages de Bernard Boudouresques et de Maurice Combe. — Notes de Maryvonne Prévot.

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