Par Michel Carvou
Né le 27 juin 1927 à Morlaix (Finistère) ; ouvrier électricien ; responsable fédéral JOC (1943-1950), syndicaliste CFTC puis CFDT, délégué du personnel chez Citroën (1953-1957), secrétaire général du SGTA-CFTC puis CFDT, trésorier de l’UPSM-CFTC puis CFDT (1958-1969), membre du conseil fédéral de la FGM-CFTC puis CFDT (1958-1969), membre du conseil de l’URP-CFTC puis CFDT (1958-1969) ; directeur et président de la SOCOREM-GSO (1981-1992) ; conseiller municipal de Ramonville-Sainte-Agne (Haute-Garonne, 1977-1983).
Fils d’Alexis Guingant, maraîcher pépiniériste, socialisant, dont un frère s’était engagé dans le syndicalisme agricole, et d’Anne-Marie Marrec, fleuriste, catholique pratiquante, Guy Guingant était le benjamin d’une fratrie de huit. Il fréquenta l’école publique Poan Ben et le lycée de Morlaix jusqu’à son occupation par les Allemands en 1940, ce qui le contraignit à poursuivre ses études à l’Institut électro-radio de Paris par correspondance. Ayant obtenu un diplôme d’électro-technicien en 1942, il fut embauché chez DK Radio, petite entreprise de Morlaix, en qualité de monteur dépanneur radio (1943-1946).
Guy Guingant adhéra à la JOC en 1943, après une rencontre de jeunes travailleurs, animée clandestinement à Morlaix par Robert Duvivier, permanent de la JOC régionale. Il entra rapidement dans l’équipe fédérale JOC de Morlaix animée par André Bellec* et, trichant sur son âge, s’engagea dans les Forces françaises de l’intérieur (FFI) sous les ordres du lieutenant Lucien Tréanton au plan local et d’André Colin au plan départemental, jusqu’à la chute de « la poche de Brest » en août 1944. Il participa au soutien des parachutistes de la France libre pour la reprise de l’aéroport de Morlaix et à la garde du viaduc SNCF de Morlaix aux côtés des Américains.
En relation avec Jean Peuziat*, permanent national JOC chargé de développer le secteur « loisir populaire », il fut à l’origine d’un foyer de jeunes travailleurs à Morlaix en 1945, anima un camp de vacances pour familles populaires sur l’Île-de-Batz (Finistère) où il rencontra Maurice Vallée* et fut l’un des créateurs du réseau des gîtes de vacances bretons.
En 1946, il quitta la Bretagne et trouva un emploi chez Chauvin et Arnoux au 190 rue Championnet à Paris (XVIIIe arr.) en qualité d’étalonneur (septembre à décembre), puis au service comptabilité de la caisse des congés payés du bâtiment (décembre 1946-juin 1947) et à la JOC parisienne comme animateur de loisirs populaires (septembre 1947-décembre 1948). Parallèlement, il suivit des cours du soir à l’école nouvelle d’électronique de Paris (1947-1948) et il était membre de la fédération de la JOC Paris-Est (1946-1950), sous la responsabilité d’Antoine Lejay*.
Au retour de son service militaire, effectué au 58e bataillon de transmissions à Lille (caserne Kléber), Guy Guingant fut embauché chez Citroën en juin 1949 à l’usine du quai de Javel (Paris XVe arr.), au service du super contrôle du département électricité automobile. Choqué par les conditions de travail qu’il trouvait abrutissantes et révolté par les injustices vis-à-vis des ouvriers, il rejoignit l’équipe d’Action au travail animée par René Delécluse, membre du secrétariat national JOC, et décida de s’investir syndicalement chez Citroën. Il adhéra à la CFTC en 1949. Sa première grève en 1950 lui valut d’être muté à l’usine de Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) au service contrôle tôlerie jusqu’en juin 1951, avant d’être versé, à la suite de fastidieuses démarches, au service entretien comme monteur électricien et enfin réaffecté à l’usine de Javel en 1956 au service réparation machines-outils (RMO), où la direction pensait mieux contrôler ses déplacements.
Avec les anciens d’Action au travail de la JOC dans l’entreprise, Guy Guingant créa en 1951 une section syndicale des ouvriers, rattachée au syndicat CFTC des ouvriers de la métallurgie et parties similaires de la région parisienne, ainsi que l’inter-Citroën CFTC, structure de coordination entre l’ensemble des militants de toutes catégories professionnelles des établissements Citroën en région parisienne, reliée à l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFTC). Il s’engagea alors dans un cycle d’études en cours du soir au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), en section électricité industrielle (1951-1953).
Guy Guingant fut élu délégué du personnel (1953-1957) et délégué au comité d’entreprise en 1955, suppléant de Marcel Julien. L’inter-Citroën mit l’accent sur les conditions de travail, les méthodes de chronométrage, les facteurs d’accidents de travail et, s’appuyant sur l’accord Renault de 1955 qui prévoyait notamment la troisième semaine de congés payés et instituait les retraites complémentaires, élabora un projet d’accord d’entreprise chez Citroën. Sous son impulsion, la CFTC voyait croître son audience bien que la direction eût recours aux brimades, mutations et licenciements de militants syndicaux. De 1954 à 1957, treize militants CFTC furent licenciés, en dépit de quatre procès gagnés par la CFTC contre Citroën.
Soucieux du sort des travailleurs immigrés, partageant les mêmes conditions de travail que les Français, mais soumis à des conditions de vie précaires (foyers surchargés, entassement dans des hôtels borgnes et bidonvilles, etc.), Guy Guingant contribua à faire prendre conscience de leurs problèmes au sein de la CFTC. Ses relations amicales et solidaires avec bon nombre d’entre eux renforcèrent ses convictions pour « un droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » et pour une solution pacifique en Algérie, opinion partagée par la majorité au sein de l’UPSM, mais sujet sensible qui divisait la CFTC. Il intervint au congrès confédéral de 1955 à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine) pour que la confédération prît clairement position. Son intervention qui commençait par : « Ce drame qui bouleverse les Français et Algériens dans un affrontement fratricide… » provoqua le départ de la délégation des Français d’Afrique et partagea l’auditoire entre applaudissements et protestations. Le président Maurice Bouladoux eut toutes les peines à rétablir le calme jusqu’à la fin de l’intervention. Relaté par la presse, cet épisode qui valut à Guy Guingant une interpellation de sa direction chez Citroën, le fit solliciter par la confédération pour travailler sur les dossiers concernant les travailleurs immigrés et créer avec Gérard Espéret une coopération intersyndicale nord-sud Méditerranée. Dans ce but, il rencontra en 1955 Mahoud Ben Saddick, futur secrétaire général de l’Union marocaine du travail, qui sortait de prison pour action syndicale.
Une grève à l’usine Saint-Charles (Paris, XVe arr.), conduite par le délégué CFTC Yves Prigent* et deux délégués CGT en septembre 1957, s’étendit chez Citroën à l’occasion de la journée d’action interfédérale (CFTC, CGT, FO) du 3 octobre 1957, notamment à l’atelier RMO de l’usine de Javel, qui débraya à cent pour cent. Un défilé de cinq cents grévistes, organisé et canalisé par Guy Guingant et les délégués CFTC à travers les ateliers, le jour de la présentation de la nouvelle automobile DS aux délégations internationales à l’occasion du salon de l’automobile, provoqua sa mise à pied immédiate avec l’ouverture d’une procédure de licenciement au motif : « Violation du règlement intérieur, abandon de son poste de travail, organisation de désordres et pressions pour contraindre les ouvriers à cesser le travail… » Malgré l’opposition du comité d’établissement réuni le 11 octobre 1957, mais avec l’avis favorable de l’inspecteur du travail, Guy Guingant fut licencié le 25 octobre 1957. Sa défense, prise en charge par Jean-Paul Murcier*, du service juridique confédéral, aboutit en 1958 à une transaction conclusive de procédure, engagée par Me Fouace, avocat, sur une indemnité de cinq cent mille francs que Guy Guingant reversa à l’UPSM.
Il se fit embaucher chez SIMCA à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine) en décembre 1957 comme électricien qualifié, affecté au dépannage des machines-outils. Dans cette entreprise aux conditions de travail similaires à Citroën, où régnait le syndicat maison, il avait l’intention d’implanter la CFTC mais Eugène Descamps lui demanda de rejoindre André Téqui* dans la nouvelle équipe de l’UPSM après le départ de son fondateur, Roger Gillot. Il quitta SIMCA fin février 1958. Il suivit alors une formation de cadre syndical à l’Université des sciences sociales de Strasbourg, animée par Marcel David, spécialiste de l’histoire du mouvement ouvrier et du droit social. Il y rédigea un mémoire traitant des possibilités et conditions de la gestion des entreprises par les travailleurs eux-mêmes.
Guy Guingant commença ses fonctions de permanent de l’UPSM-CFTC en avril 1958, chargé d’animer le syndicat des ouvriers, avec la fonction de trésorier de l’union. La transformation des syndicats catégoriels composant l’UPSM en syndicats de branche industrielle était une priorité de la nouvelle équipe destinée à unifier l’ensemble des catégories professionnelles. Le débat interne conclut, en 1960, à la transformation des secteurs industriels mis en place à l’origine de l’UPSM en 1949 en quatre syndicats d’industrie : le syndicat parisien des industries aéronautiques et spatiales (SPIAS), le syndicat des travailleurs de la mécanique générale (STMG), le syndicat de la construction électrique et électronique (SCEE) et le syndicat général des travailleurs de l’automobile (SGTA). Cette évolution au sein de l’UPSM contribua à la constitution des Union fédérales de branches dans la FGM-CFTC en 1961. Guy Guingant devint secrétaire général du SGTA lors de son congrès constitutif le 24 février 1962. Avec des ouvriers et techniciens de la construction automobile, il constitua au sein du SGTA un groupe de travail sur la question des salaires aléatoires, de la santé au travail, directement tributaires des cadences et contrôles des temps.
Face aux violentes méthodes anti-syndicales en vigueur chez Simca, il créa en 1963, avec le soutien de Jean-Paul Murcier*, le « comité de défense des libertés chez Simca », regroupant une trentaine de personnalités, dont le bâtonnier René-William Thorp, sous la présidence d’Henri Bartoli*, professeur à la faculté de droit. Son but était d’alerter l’opinion publique notamment par des conférences de presse. Pour permettre la distribution de tracts à l’occasion des élections des délégués du personnel de 1966 chez Simca à Poissy, il organisa une opération massive avec la participation de militants du SGTA, appuyés par une trentaine de militants trotskistes, déjouant ainsi la traditionnelle intervention musclée des nervis de la direction et permettant des distributions ultérieures plus sereines.
Membre du conseil de l’Union régionale parisienne (URP-CFTC) depuis 1958, il engagea solidement l’union dans ses positions contre la guerre d’Algérie. Il représenta l’URP à la manifestation interdite du 27 octobre 1960, il prit, au printemps 1961, la parole au nom de l’URP à un meeting pour la paix en Algérie à Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine), devant plus de cinq mille personnes. Il fut témoin des brutalités policières du 8 février 1962 au métro Charonne à Paris. Il était également membre du conseil de la FGM-CFTC (1958-1969), d’abord élu par le congrès fédéral de 1958 à Paris, puis désigné à y siéger au titre des syndicats de l’UPSM au congrès de 1960 à Lyon (Rhône) et enfin désigné par la branche automobile de la fédération au congrès de 1962 à Vincennes (Val-de-Marne), puis aux congrès de Paris (1965) et Rouen (Seine-Maritime) en 1968, jusqu’en 1969. Il fit partie de la délégation fédérale qui, en 1966, fut consultée par le gouvernement pour préparer le plan automobile, et participa à des rencontres de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC) à Bruxelles, Nice et Turin pour étudier l’opportunité de conventions collectives européennes de branches industrielles. Il prépara sa reconversion par une formation à l’institut de contrôle de gestion prévisionnelle de Paris, promotion Montesquieu (1967-1969), et cessa ses activités de permanent syndical en mars 1969.
Guy Guingant avait été un fervent partisan de l’évolution de la CFTC vers la CFDT, partageant le point de vue des minoritaires du mouvement « reconstruction ». Au congrès de l’UPSM de 1961, il avait présenté le rapport « L’évolution de la CFTC – syndicalisme d’aujourd’hui et de demain » qui avait servi d’orientation aux syndicats de l’UPSM pour approuver l’évolution vers la CFDT au congrès confédéral des 6 et 7 novembre 1964.
Guy Guingant entra en 1969 à la Société moderne d’équipement électrique (SOMODEL), au 153 rue Anatole France à Drancy (Seine-Saint-Denis), société coopérative de production (SCOP) de 150 salariés, gérée dans l’esprit des communautés de travail Boimondeau, en qualité de conducteur de travaux. En septembre 1969, il prit la responsabilité de l’agence de Toulouse (Haute-Garonne) au 52 rue Alsace-Lorraine, qui fut intégrée en 1973 à la SOCOREM, société coopérative spécialisée dans l’électricité et le génie climatique située au 22 rue Ampère à Malakoff (Hauts-de-Seine). La SOCOREM de Toulouse fut filialisée en 1977 et devint SCOP autonome en 1981 sous l’appellation de SOCOREM-GSO (grand sud-ouest), dont le nouveau siège social au 8 avenue des Crêtes à Ramonville-Sainte-Agne (Haute-Garonne) fut construit avec la participation de sociétaires en bénévolat. Guy Guingant fut chargé d’en assurer la direction puis la présidence jusqu’à son départ en retraite en 1992. Il représentait le mouvement coopératif au Conseil économique et social de la région Midi-Pyrénées (1984-1989).
Dès sa retraite, à Ramonville-Sainte-Agne, il fut vice-président de l’association pour l’insertion des chômeurs « Le tremplin » (1992-1994), assura la présidence de l’association Solidarité pour le soutien aux malades (1994-2005) et fut désigné à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Midi-Pyrénées. Guy Guingant, qui avait adhéré au PSU à Paris (XXe arr.) en 1956 et rejoint le Parti socialiste en 1973, fut conseiller municipal sur une liste d’union de la gauche à Ramonville-Sainte-Agne (1977-1983).
Il était membre de l’Action catholique ouvrière (ACO) à Paris (1950-1960) et dans l’équipe diocésaine (1955-1960). À Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), il fut adhérent de l’association populaire familiale (APF) et président de l’association de parents d’élèves (APE) du CES André Malraux.
Il s’était marié le 29 avril 1950 avec Marie-Louise Bellino (« Marysette »), ancienne fédérale JOCF Paris-Est (1948-1950). Celle-ci donna des cours d’alphabétisation dans le cadre de l’Amicale des nord-africains résidant en France (ANARF) de 1951 à 1960 à Paris et devint animatrice de cours d’alphabétisation et de perfectionnement pour les étrangers au sein de l’association Amitié-solidarité à partir de 1990 à Ramonville-Sainte-Agne. Elle fut responsable de l’Association populaire des familles (APF) à Garges-lès-Gonesse (l960-1969), milita à la Confédération syndicale des familles (CSF) à Toulouse (1970-1973) puis à l’UFC Que-choisir à Ramonville-Sainte-Agne à partir de 1973. Le couple eut quatre enfants : Marie-Christine née en 1956, Jean-Michel né en 1958, Rémi né en 1963, Hervé né en 1966.
Par Michel Carvou
SOURCES : Archives UPSM et FGMM-CFDT. — SHD, Vincennes, GR 16P 280366. — Notes écrites de Guy Guingant des 18 avril et 1er mai 2010. — Entretiens avec Guy Guingant, mai 2010.