RUBIROLA Adrien, André, Louis

Par André Balent

Né le 10 juillet 1906 à Villeneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales), mort le 19 janvier 1987 à Villeneuve-de-la-Raho ; ouvrier agricole ; militant de la CGT et du Parti socialiste SFIO ; mutualiste ; maire de Villeneuve-de-la Raho (5 juillet 1936-novembre 1940 ; 25 août 1944-21 octobre 1947) ; résistant (Libération-Sud)..

Adrien Rubirola était le fils de Jacques Rubirola, cultivateur à Villeneuve-de-la-Raho et de Paule Batlle, tous deux originaires de Villeneuve-de-la-Raho, commune de la plaine du Roussillon, au sud de Perpignan. En 1906, ils étaient âgés respectivement de trente-deux et de trente-six ans.

Enfant, Adrien Rubirola fut au contact des travailleurs de la viticulture, nombreux, alors, dans son village, qui s’éveillaient à la vie politique et syndicale. Il fut baptisé mais, durant sa vie, il ne fréquenta jamais l’église. Son père, athée, fut enterré civilement. Sa mère était catholique, mais non pratiquante. Il fit ses études primaires à l’école communale de son village. À l’âge de dix-huit ans, un instituteur du village voisin, Montescot, lui prêta un ouvrage de Lucien Deslinières, le principal dirigeant du PS dans les Pyrénées-Orientales entre 1902 et 1914. Cette lecture l’amena à adhérer aux idées socialistes. Vers l’âge de vingt-cinq ans, il adhéra au Parti socialiste SFIO.

Entre-temps, de novembre 1926 à février 1928, il effectua son service militaire, d’abord à Oujda, en Algérie, au 2e Régiment de zouaves puis au 1er Régiment de zouaves à Rabat (Maroc) où il assura les fonctions de secrétaire de goum. Démobilisé, il revint dans son village natal où il trouva aisément à s’employer comme ouvrier viticole. Il se maria le 10 novembre 1929 à Villeneuve-de-la-Raho avec Marguerite, Jeanne, Rose Font dont il eut deux enfants dont l’un survécut.

Très rapidement, Adrien Rubirola s’imposa comme un des animateurs de la vie sociale de Villeneuve-de-la-Raho. Le rugby le passionnait. Il devint capitaine de l’équipe locale. Cette fonction, essentielle dans les villages de la plaine roussillonnaise où la pratique de ce sport, solidement implantée depuis le début du XXe siècle joue un grand rôle dans la sociabilité villageoise. Déjà, à l’armée, Adrien Rubirola joua au rugby au « Stade marocain », un important club du Protectorat.

Mutualiste, il fut élu, dès 1930, vice-président de la société de secours mutuels « L’Humanité », dont le président était un autre ouvrier agricole, Joseph Cazeilles. En 1942, il devint le président de cette société, adhérente à « La Roussillonnaise », Union départementale des mutuelles des Pyrénées-Orientales. Il occupa ces fonctions jusqu’en 1970. À partir de 1970, il devint administrateur et vice-président de l’Union des mutuelles "La Roussillonnaise", fonction qu’il exerça de nombreuses années, jusqu’en 1984.

Adrien Rubirola fut un syndicaliste très actif. En 1929, un syndicat des ouvriers agricoles affilié à la CGT fut reconstitué à Villeneuve-de-la-Raho. Il avait pour secrétaire Joseph Cazeilles, à plusieurs reprises délégué à des congrès de l’UD-CGT et acquitta en 1929 le montant de 100 timbres confédéraux. Le premier congrès de l’UD auquel assista Adrien Rubirola fut celui le XVIIIe (22 octobre 1933). En 1933, il siégeait au conseil syndical des Agricoles de sa commune. Le 4 septembre 1933, le syndicat de Villeneuve-de-la-Raho impulsa une grève victorieuse, peu avant les vendanges, obtenant des propriétaires le tarif proposé par le syndicat confédéré. Adrien Rubirola remplaça Adrien Cazeilles à la tête du syndicat. Surpris en train de travailler un jour de grève, ce dernier, pourtant ami de Rubirola, fut exclu du syndicat mais demeura membre de la SFIO et devint conseiller municipal de Villeneuve en 1935 et maire (SFIO) en 1947, lorsque Rubirola décida de ne pas se représenter.

En 1935, Adrien Rubirola était le secrétaire de son syndicat qui, le 9 mai 1935, appela à la grève car trois propriétaires payaient leurs ouvriers deux francs de moins que leurs collègues. Cinquante travailleurs de la terre participèrent à ce mouvement qui, lors d’une réunion, le 11 mai, fut soutenu activement par le maire SFIO Julien Bonnecase et le secrétaire de l’UD-CGT, Joseph Ricart*. Le 31 mai, les grévistes victorieux reprirent le travail. Tout au long de ce mouvement, le rôle de Rubirola fut déterminant. Son patron Sauvy (parent du démographe Alfred Sauvy) le licencia, reprochant à Rubirola d’avoir labouré la petite vigne de son beau-père avec son cheval.

Adrien Rubirola fut délégué au de fusion entre les Agricoles, confédérés et unitaires du Midi à Narbonne (Aude). Le 27 octobre 1935, il fut délégué, ainsi que Jacques Berdaguer au XXIIIe congrès de l’UD-CGT des Pyrénées-Orientales. Le 24 novembre 1935, à Perpignan, il participa, en tant secrétaire des Agricoles de Villeneuve-de-la-Raho au meeting du cartel confédéré des fonctionnaires et des employés des services publics concédés contre les décrets-lois sur la fonction publique. Il fut délégué au congrès départemental de l’Unité syndicale (Perpignan, 22 décembre 1935) et fut élu à la CA de l’UD-CGT.

En 1937, il était toujours secrétaire des Agricole CGT de son village. Il cumulait cette charge avec celle de premier magistrat de sa commune. Il conserva le secrétariat du syndicat jusqu’après la grève quatre semaines des ouvriers agricoles de Villeneuve-de-la-Raho. Secrétaire du syndicat, il anima le mouvement, maire de la commune, il le soutint énergiquement, en mettant des salles municipales à la disposition des grévistes et de leurs familles. Il préparait des repas financés sur les fonds communaux (qui n’apparurent jamais sur les budgets officiels de la commune). Le préfet Raoul Didkowski se rendit à Villeneuve-de-la-Raho pour tenter de résoudre le conflit en imposant une négociation et un arbitrage entre patrons et ouvriers. La grève fut un succès total pour les ouvriers.

À la suite de cette grève, Antoine Camps remplaça Adrien Rubirola au secrétariat du syndicat des ouvriers agricoles., Jacques Berdaguer demeurant secrétaire adjoint.

Au sein du Parti socialiste SFIO, Adrien Rubirola se rangea du côté de Joseph Rous* dans le conflit qui l’opposait à Jean Payra* à qui il reprochait d’être trop modéré. Désireux de promouvoir l’unité d’action avec le Parti communiste, il estimait que Joseph Rous offrait, de ce point de vue, davantage de garanties. Toutefois, en 1936 et en 1937, il ne suivit pas Joseph Rous dan sa « dissidence ». En 1937, et en 1938, il fut très proche des pivertistes, vota pour les textes qu’ils soumettaient au vote des adhérents de la SFIO. Après le congrès de Royan, cependant, il n’adhéra pas au PSOP. En novembre et en décembre 1938, il fit partie de la minorité de la fédération départementale de la SFIO qui s’opposa aux accords de Munich et au pacifisme de Paul Faure.

Le congrès fédéral de la SFIO du 29 mai 1938 l’élut membre suppléant de la CAF. Il fut réélu par le congrès du 21 mai 1939. Le 13 juin 1939, il fut élu secrétaire adjoint de la section socialiste SFIO de Villeneuve-de-la Raho.

Le 21 juin 1936, Adrien Rubirola fut élu conseiller municipal de Vileneuve-de-la-Raho, à la suite d’un scrutin partiel. Le conseil municipal élu en mai 1935 comprenait : neuf socialistes SFIO, un communiste et PSdeF. Le maire Julien Bonnecase, réélu en mai 1935, était certes socialiste, mais, en 1935-1936, il ne faisait plus l’unanimité, ayant cessé d’adhérer à la section de la SFIO. Et, d’après le témoignage d’Adrien Rubirola, il lui était reproché d’être trop favorable à Jean Payra très critiqué par les « jeunes » du parti de Villeneuve dont certains avaient fait leur entrée au conseil municipal en 1935. Julien Bonnecase finit par démissionner. L’élection complémentaire du 21 juin 1936 permit à Adrien Rubirola d’obtenir 75 suffrages contre 43 à son adversaire Lucien Malé. Le 5 juillet, Adrien Rubirola fut élu maire à l’unanimité des membres du conseil.

Adrien Rubirola fut mobilisé en septembre 1939 au 615e Régiment de Pionniers, unité affectée dans les Alpes-Maritimes. En juin 1940, il participa aux brefs combats contre les troupes italiennes. Le 20 juillet 1940, il était de retour à Villeneuve-de-la-Raho, et le 24, il assurait à nouveau ses fonctions de premier magistrat de la commune. L’installation de l’État français, les méthodes des autorités vichyssoises heurtèrent profondément sa sensibilité républicaine. Au village s’installait un climat nouveau : grands propriétaires et cléricaux voulaient prendre leur revanche. Aussi, Adrien Rubirola préféra-t-il démissionner en envoyant une lettre au préfet, le 9 novembre 1940, dans laquelle il annonçait son intention de ne plus exercer ses fonctions de maire. Il évitait d’invoquer des motifs politiques, se contentant d’indiquer que du fait sa condition d’ouvrier agricole, son instruction était « minime » et que, par ailleurs, il était « chargé de famille. ». Le 10 novembre, il présida un conseil municipal dans lequel il fit part de sa décision de démissionner de ses fonctions. Cette intervention ne fut toutefois pas consignée dans le registre des délibérations du conseil municipal où seules figurent les affaires courantes traitées ce jour-là. À la suite de cette réunion, l’ensemble du conseil municipal démissionna. Cette démission collective fut confirmée par l’arrêté du ministre de l’Intérieur du 23 novembre 1940, installant une délégation spéciale.

Dès 1941, Adrien Rubirola fut contacté par Jean Olibo*, militant de Saint-Cyprien, animateur de nombreux réseaux et adhérent en 1942 du mouvement « Libération ». Intégré dans les cercles résistants Adrien Rubirola transmit des informations et distribua des tracts. Il fut également en contact avec Pierre Mau* de « Combat » et, plus tard, de « Libération ». Peu avant la Libération, il avait intégré les FFI. Le 13 juillet 1944, en compagnie de Barrière, militant d’un village voisin, Bages, il effectua un transport d’armes par camion près de Valmanya, dans le massif du Canigou, où les FTPF avaient installé un important maquis (Voir Panchot Julien). Il fut responsable du CLL de Villeneuve-de-la-Raho. Le 25 août 1944 il présida, en mairie, la séance de cet organisme qui désigna la municipalité provisoire. Lui-même ne manqua pas de saluer le « retour du régime républicain ». Il fut, à l’issue de cette réunion, désigné comme maire de Villeneuve-de-la-Raho. Il fut réélu à ces fonctions à l’issue des élections générales du 8 mai 1945. Il ne se représenta pas au scrutin d’octobre 1947, car, venant de subir une opération chirurgicale, il se considérait comme momentanément inapte.

Dès 1944, il milita à nouveau à la CGT et à la SFIO puis, après 1972, au PS.

En 1944, il redevint secrétaire du syndicat local des Agricoles de sa commune. De 1944 à 1947, date de son opération chirurgicale, il siégea à la CA de l’UD-CGT des Pyrénées-Orientales. En 1947-1948, il refusa de s’associer à la scission de FO et il demeura fidèle à la CGT, à laquelle, retraité, il adhérait toujours en 1983.

Il prit sa retraite en 1966.

Au sein du Parti socialiste SFIO, il soutint Louis Noguères* contre Arthur Conte* lors des conflits qui agitèrent la fédération départementale de la SFIO sous la IVe République. Plus tard, dans les années 1960 et 1970, il fut de ceux qui s’opposèrent à Paul Alduy*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88322, notice RUBIROLA Adrien, André, Louis par André Balent, version mise en ligne le 24 juin 2010, dernière modification le 26 janvier 2017.

Par André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet, 11 décembre 1963, lettre de démission d’Adrien Rubirola, 9 novembre 1940 ; 2 M5 315 (cote ancienne) ; 2 E 4685, état civil de Villeneuve-de-la-Raho, acte de naissance. — Arch. com. Villeneuve-de-la-Raho, registre des délibérations du conseil municipal ; état civil, acte de décès. —Annuaire-Guide des Pyrénées-Orientales, Nîmes, Chastanier et Alméras, 1937. — L’Action syndicale, octobre 1929, août 1930, octobre 1933, décembre 1933, juin 1935, septembre-octobre 1935, novembre 1935, décembre 1935, décembre 1935, janvier 1936, décembre 1936. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 7 juin 1938, 26 mai 1939. — Edwige Praca, Les sociétés de secours mutuels et leur union dans les Pyrénées-Orientales (XIXe-XXe siècles). De La Roussillonnaise à la Mutualité française des Pyrénées-Orientales, Perpignan, Trabucaire, 2000, 348 p. [p. 297]. — Lettre du maire de Villeneuve-de-la-Raho, neveu d’Adrien Rubirola, 5 septembre 1983.— Entretien avec Adrien Rubirola, Villeneuve-de-la-Raho, 15 septembre 1983.

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