HÉLINE Camille

Par Alain Dalançon

Né le 22 août 1892 à Assais (Deux-Sèvres), mort le 12 novembre 1971 à Cannes (Alpes-Maritimes) ; instituteur puis professeur ; militant syndicaliste du SNEPS puis du SNCM ; militant radical-socialiste ; résistant ; sénateur des Deux-Sèvres du Rassemblement des gauches démocratiques (1948-1952).

Camille Héline
Camille Héline
Site Internet du Sénat.

Petit-fils et fils d’instituteurs, son père était maître de l’école à classe unique et secrétaire de mairie du village d’Irais près d’Airvault. Camille Héline avait deux frères, Georges et André. Après l’école communale, il fréquenta l’école primaire supérieure de Parthenay (Deux-Sèvres), entra en 1910 à l’École normale d’instituteurs du département située dans la même ville et fut nommé instituteur dans le nord du département, à Saint-Jouin-de-Marnes.

Camille Héline commença son service militaire au 125e régiment d’infanterie de Poitiers, en octobre 1913 mais ne fut démobilisé qu’en juillet 1919 comme capitaine de réserve. Blessé trois fois, bénéficiant de 50 % d’invalidité, sa conduite lui valut la croix de guerre avec palmes et étoiles (1914-1918), la médaille commémorative de la Grande Guerre et celle de Verdun. Il fut très marqué par cette guerre où son frère Georges, aviateur, trouva la mort en s’écrasant au sol avec son appareil ; quant à son autre frère, André, ancien combattant et instituteur lui aussi, à Louzy près de Thouars puis à Thouars même, il conserva toute sa vie des séquelles de santé de cette guerre, qui le contraignirent à abandonner son métier d’instituteur pour devenir agent d’assurances.

Camille Héline épousa à Paris en octobre 1917 Marguerite de Saint Guy, sans profession, avec laquelle il eut trois enfants. Il reprit son métier d’instituteur en 1919 dans les Deux-Sèvres à Saint-Jean-de-Thouars puis en 1921 à Saint-Cyr-la-Lande. Il obtint ensuite un poste d’instituteur au cours complémentaire annexé à l’école Jules Ferry de Thouars en 1922, et fut délégué pour l’enseignement des sciences à l’école primaire supérieure de garçons de cette ville (1929-1932). Promu professeur adjoint en 1932, il resta en poste dans l’EPS transférée au Château, devenue à la Libération collège moderne et technique, où il enseigna les mathématiques jusqu’en novembre 1948 et prit sa retraite professionnelle en 1949.

Durant l’entre-deux-guerres, militant radical-socialiste, délégué à la fédération départementale, il était une des personnalités de la vie politique de la région thouarsaise, où la gauche était majoritaire mais cette partie du nord-est du département, traditionnellement républicaine, était intégrée dans la circonscription électorale de Bressuire où la droite cléricale l’emportait toujours aux élections législatives. Il appartenait aussi à la franc-maçonnerie (Grand Orient de France) mais en démissionna en décembre 1939.

Camille Héline était à partir de 1933 l’éditorialiste de plus en plus fréquent de La Voix républicaine, hebdomadaire des comités républicains radicaux et radicaux-socialistes du Nord des Deux-Sèvres, dont le directeur politique était Émile Poirault, vigneron, conseiller municipal de Thouars, conseiller général et candidat à la députation. Il écrivait aussi des articles dans le journal républicain du Mellois, dans le Sud du département, La Fraternité (qui devint La Concorde à la Libération). Héline consacrait un grand nombre de ses éditoriaux à la paix, aux valeurs portées par la Société des Nations, à l’amitié entre les « anciens combattants ex-alliés et ex-ennemis » mais prit parti contre Hitler aussitôt après son élection à la chancellerie dans un article de mars 1933, « Pacifistes, à vos postes ! La barbarie s’avance ! », et reprit en mai suivant une citation de Bertrand de Jouvenel « Collaborer pour s’entendre mais non s’entendre pour collaborer ». Il manifestait fréquemment son hostilité au fascisme dans tous les pays européens et en France contre les ligues factieuses. Son pacifisme s’en trouva limité en août 1936. Dans un éditorial intitulé « Le drame espagnol », il affirmait en effet : « Les Pacifistes doivent avoir pour premier objectif d’abattre le fascisme qui porte en lui la guerre […] le désarmement, souhaitable, ne pourra intervenir que lorsque cette menace sera écartée. » En 1938, après avoir dénoncé en permanence les menaces d’Hitler et appelé à y mettre un coup d’arrêt, il baptisa son éditorial au lendemain des accords de Munich, « Paix ou armistice ? ».

Le pacifisme de Camille Héline puisait ses sources dans son expérience d’ancien combattant et sa culture d’enseignant militant. Il était dans les années 1930, président de l’Association des victimes de la guerre et des anciens combattants des Deux-Sèvres et participa en 1936 à l’adjonction des jeunesses de l’Union fédérale à l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants et victimes de guerre. Il était également militant du syndicat national des EPS affilié à la Fédération générale de l’enseignement CGT ; en avril 1935, il publia dans la Voix républicaine un article reprenant la motion du congrès de son syndicat s’élevant contre la campagne de dénigrement envers les enseignants syndicalistes ; il devint à la fin des années 1930, secrétaire départemental du SNEPS et conserva cette responsabilité en 1945 dans le nouveau Syndicat national des collèges modernes créé à la Libération. Il s’occupait aussi d’œuvres péri-scolaires. Pour ces différente actions en faveur de l’enseignement, il était officier d’Académie. Enfin, il fut vice-président fondateur en 1937 de l’aéro-club thouarsais et était chevalier du Mérite social.

Mobilisé en septembre 1939, il fut démobilisé en juillet 1940. Il participa à la Résistance dans le réseau animé dès 1940 par le docteur Chauvenet, chirurgien de l’hôpital de Thouars, arrêté en janvier 1942 et déporté à Buchenwald, d’où ce dernier réussit à revenir en 1945. Arrêté et interrogé pendant 15 jours à la Feldgendarmerie, Héline fut relâché. Agent de liaison avec l’Angleterre, il s’occupait des nouveaux résistants (apparemment en liaison avec M. Pichot de Tourtenay), ce qui lui valut la Légion d’honneur dont il devint officier.

À la Libération, Camille Héline était président de la Fédération départementale du Parti radical-socialiste. René Cassin lui proposa un poste de permanent à l’Union fédérale des anciens combattants (dont il était président départemental et administrateur national) et l’Union française des victimes des deux guerres mais son détachement fut refusé par le ministère de l’Éducation nationale. Il fut élu conseiller municipal de Thouars en mai 1945, sans étiquette, 23e et dernier élu dans une municipalité dont le maire désigné par le préfet en 1944, Émile Poirault, son compagnon de combat d’avant-guerre devenu socialiste, fut reconduit dans ses fonctions par cette élection. Ce dernier fut élu à la première Assemblée constituante en novembre 1945 sur la liste du Parti socialiste SFIO, ainsi que le maire de Niort, Émile Bèche*, alors que Camille Héline, tête de la liste des radicaux-socialistes ne le fut pas. Lors de l’élection de la seconde Assemblée constituante en juin 1946, la liste radicale-socialiste doubla ses suffrages mais Héline, toujours tête de liste, ne fut pas élu, tous les sortants étant réélus. À l’élection de la première Assemblée nationale, en novembre 1946, Héline encore tête de la liste du parti radical-socialiste échoua à nouveau, le Parti communiste français connaissant une forte progression dans le département et en particulier à Thouars même, alors que l’influence socialiste SFIO subissait un fort recul.

Après la guerre, les rapports s’étaient tendus entre les deux anciens militants radicaux-socialistes du thouarsais pour aboutir à une franche rupture à l’occasion des élections municipales des 16 et 26 octobre 1947. Camille Héline constitua une liste d’union réunissant des candidats radicaux, du Mouvement républicain populaire et du Rassemblement du Peuple français. Le panachage le situa largement en tête et sa liste emporta 11 sièges, alors que celle des socialistes et sympathisants conduite par le docteur Chauvenet n’obtint que 9 sièges et que le maire sortant, Émile Poirault, qui n’avait pas été réélu dans la deuxième Constituante mais était devenu conseiller de la République, fut très mal élu ; les 7 conseillers communistes devenaient les arbitres pour l’élection du maire. Camille Héline, tout en briguant le poste de maire, proposa aux socialistes un partage des postes d’adjoints, mais ces derniers refusèrent et le maire sortant fut réélu en obtenant la totalité des suffrages des élus socialistes et communistes. Héline et ses amis refusèrent dans ces conditions de participer aux commissions municipales, annonçant que les « choses allaient bientôt changer ».

Il avait en effet manifesté de plus en plus nettement son accord avec les positions du général de Gaulle sur la constitution et la lutte contre les communistes et devint au cours de l’année suivante délégué départemental à la propagande du RPF. Il eut l’honneur d’accueillir le Général de passage à Thouars le 24 juillet 1948, après le grand rassemblement auquel ce dernier venait d’assister à Bressuire à l’occasion d’un grand voyage dans l’Ouest. Sous la double étiquette parti radical-socialiste-RPF, Héline fut élu au Conseil de la République en novembre 1948 au second tour de scrutin, alors que le sortant Emile Poirault fut battu. Il avait pour co-listier se réclamant également du RPF, le docteur Bouchet de Saint-Loup-sur-Thouet, adhérent de l’UDSR, grand résistant, parti plutôt favori mais qui ne fut pas élu ; ce dernier était en effet absent, retenu au Sénégal comme médecin de la mission du bathyscaphe du docteur Piccard et ne put participer aux délicates négociations de désistement du deuxième tour. À son retour en France, celui qui allait devenir premier président socialiste de la région Poitou-Charentes, lui reprocha dans la presse son attitude pour obtenir des désistements en sa faveur et l’attitude ambiguë d’un « vieux laïque qui, pour passer, a accepté de défendre l’école libre… du moins provisoirement. »

Camille Héline s’inscrivit au groupe du Rassemblement des gauches démocratiques et de la Gauche démocratique. Il siégea à la commission de l’Éducation nationale, des Beaux-arts, des Sports, de la Jeunesse et des loisirs, en fut immédiatement élu secrétaire, à la commission des Pensions et notamment à celle fixant les conditions d’attribution de la carte du combattant. En janvier 1951, il devint membre de la commission de la Défense nationale et en décembre, fut nommé au bureau du Conseil de la République, en qualité de secrétaire.

Pendant les quatre années passées au Palais du Luxembourg, il fut un parlementaire actif, manifestant son intérêt pour des questions très diverses allant du statut des anciens combattants aux questions d’éducation. Ainsi, en 1950, il invita le gouvernement à déposer un projet de loi organisant sur de nouvelles bases la politique d’accession à la petite propriété, sujet qui lui tenait à cœur et qu’il développa dans un article paru dans l’Est matin hebdo, soulignant ainsi les graves difficultés rencontrées par les Français pour se loger.

Camille Héline ne fut pas réélu au Conseil de la République lors du scrutin du 18 mai 1952, les socialistes ayant maintenu leur candidat Émile Poirault au deuxième tour pour le faire battre par Coudé du Foresto, ancien secrétaire d’État MRP qui retrouva son siège au Palais du Luxembourg perdu en 1948. Héline demeura cependant membre de l’Assemblée de l’Union française jusqu’en décembre 1958. Il avait abandonné la double affiliation parti radical-RPF dès le début des années 1950 et était resté un ami d’Édouard Herriot qui avait toujours été opposé à cette « bigamie ». En août 1954, il fut élu au bureau national du Rassemblement des gauches républicaines au titre du parti radical. Il fut aussi vice-président de la France mutualiste, mutuelle d’épargne et de retraite des anciens combattants créée en 1925. Il habitait Neuilly-sur-Seine pendant ces années ; son épouse y décéda en 1955. Mais il revenait souvent à Thouars, où il demeurait président d’honneur du comité de la foire exposition.

Syndiqué au Syndicat national de l’enseignement secondaire depuis sa retraite, il représenta le parti radical aux États généraux organisés par la nouvelle direction « Unité et Action » du nouveau Syndicat national des enseignements de second degré le 12 novembre 1967, et y apporta « l’assurance du soutien sincère et durable de son parti ». Il était alors vice-président du parti radical socialiste. Laïque convaincu, il était devenu un adversaire du régime gaulliste, « régime regardant vers le passé, regrettant l’obscurantisme d’autrefois ».

Camille Héline se remaria en mai 1968 à Paris (XVe arr.). Une rue porte son nom à Thouars.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88342, notice HÉLINE Camille par Alain Dalançon, version mise en ligne le 1er juillet 2010, dernière modification le 3 janvier 2019.

Par Alain Dalançon

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SOURCES : Arch. Nat., F17/ 25325. — Arch. Dép. des Deux-Sèvres, périodiques, élections. — Arch. mun. de Thouars. — Arch. IRHSES . (Bulletins du SNEPS puis du SNCM). — La Nouvelle République du Centre-ouest, novembre 1971. — Dictionnaire des parlementaires français, t. 4, La Documentation française, 2001. — Éric Duhamel, « Le rassemblement des gauches républicaines et ses composantes », Recherches contemporaines, n° 5, 1998-1999. — Renseignements fournis par les neveux de C. Héline. — Notes de Jacques Girault.

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