WOLLWEBER, Karl Fritz dit Ernst. Pseudonymes : Anton, Bernt, Koller Frans, Lucas, Anderson, Köller, Kurt Schmitt, Schultz, Valentin, Ernst, Bernhard

Par Constance Margain

Né le 29 octobre 1898 à Hannoversch-Münden, (Basse Saxe), mort le 3 mai 1967 à Berlin ; dirigeant du KPD, membre de l’appareil M (militaire), député à la Diète prussienne puis au Reichstag ; dirigeant de l’Internationale des gens de mer et de l’organisation de sabotage qui porte son nom, active en Scandinavie, en Allemagne, en Belgique et en France ; ministre de la sécurité en DDR.

Né dans une famille nombreuse, pauvre et désunie, il garda le prénom d’Ernst alors qu’il s’agissait d’un de ses surnoms de militant. Il fréquenta l’école élémentaire de 1904 à 1911. Ensuite, il dut travailler et il fut engagé à l’âge de quatorze ans sur une péniche comme mousse, puis, en 1916, il s’engagea dans la marine de guerre allemande. Il fut formé comme sous-marinier à manier des explosifs, tout en militant contre la guerre, ce pour quoi il fut puni.

A partir de 1917, il participa aux activités de la Ligue spartakiste contre la guerre, parmi les marins. Il manifesta en novembre 1918 à Kiel, alors que les marins se révoltaient contre l’arrestation par les forces impériales de leurs camarades qui avaient refusé d’appareiller. Il fut nommé représentant des sous-mariniers dans les conseils d’ouvriers et de soldats qui se créaient alors. A Berlin en 1919, il adhra au KPD . Il devint agitateur et organisateur de groupes locaux communistes pour le compte du parti qui le forma à certaines techniques de combat. Il participa à la grève générale qui paralysa le pays lors du putsch de Wolfgang Kapp du 13 au 17 mars 1920. Selon Lars Borgesrud, il introduisit des armes dans sa ville de Hannoversch-Münden.

En mars 1921, il était secrétaire politique de la section du KPD de Hessen-Waldeck et fut élu en août 1921 au comité central du KPD lors de son 7e congrès et fut réélu en 1923. Dès lors, il devint fonctionnaire du parti. En 1922, il fut délégué du KPD au 4e Congrès mondial du Komintern à Moscou. Ce voyage marque comme pour tous les communistes non soviétiques, un jalon capital dans sa carrière. En 1923, le KPD tenta avec l’aide du pouvoir soviétique de soulever la population contre le pouvoir en place.

Wollweber était chargé d’organiser militairement la révolte en Thuringe et dans la région de Hessen-Waldeck (achats et regroupements d’armes et d’explosifs, création de groupes d’hommes prêts à agir). Cette tentative d’insurrection avorta. Wollweber fut cependant invité à suivre quelques cours d’une école militaire à Moscou dans le courant de l’année 1924. Chargé de réorganiser la section de Silésie en tant que M-Leiter (dirigeant militaire), il fut arrêté à la suite d’un conflit personnel avec le député communiste Alfred Hamann qui l’aurait dénoncé à la police. Quoi qu’il en soit, un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui en mai 1924, suite à l’arrestation de Felix Neumann, responsable de l’organisation révolutionnaire (ou Revkom, Revolutionskomitee) du parti communiste , qui cita son nom en tant qu’espion de la Tchéka, ce que reprit la presse nationale. Son procès commença en décembre 1925. Il fut condamné à trois ans de prison mais fut libéré à la suite d’une affaire de corruption dans le cadre du procès au printemps 1926. Il était donc la victime d’une justice corrompue, ce qui fortifia sa position dans le parti. Ernst Thälmann l’envoya comme instructeur du comité central en Silésie où l’organisation locale semblait peu réceptive aux mesures de bolchevisation du parti. Il prit alors la direction de l’organisation communiste en Silésie en préconisant un travail en commun avec les syndicats. Fidèle à Thälmann même lors de l’affaire Wittorf, il fut choisi en 1928 pour l’élection à la Diète prussienne où il fut élu jusqu’en 1932. Le 3 octobre 1930, il participa à la fondation du syndicat communiste des gens de la mer à Hambourg (IMD : Internationale des marins et dockers). Il fut nommé pour diriger la section allemande de ce syndicat, appelée Der Einheitsverband der Seeleute, Hafenarbeiter und Binnenschiffer (ESHB) et participa aussi à son comité exécutif. Lors des élections de novembre 1932, Wollweber fit partie des 100 députés communistes élus au Reichstag. Dès la fin de 1932, Ernst Thälmann lui demanda, dans le cas où le KPD entrerait dans l’illégalité, de créer une base à Copenhague qui servirait à maintenir le lien avec la région Wasserkante (section du KPD qui comprend les côtes du Nord de l’Allemagne et ses villes côtières c’est-à-dire la région de Hambourg et celle de la région de Schleswig-Holstein).

Après la prise des pouvoirs des nazis, il resta jusqu’en août 1933 en Allemagne où il vivait illégalement, pour rejoindre ensuite Copenhague où l’Internationale des gens de la mer s’était installée illégalement. A la demande de Lozovski, dirigeant du Profintern, il devint le dirigeant de l’Internationale du syndicat des gens de la mer. C’est sous ses ordres que Richard Krebs (alias Jan Valtin) partit réactiver le réseau de l’ESHB entre le Danemark et l’Allemagne où il fut arrêté en novembre. En 1934, recherché par la police danoise et allemande notamment, Wollweber partit pour Leningrad et dirigea l’Interclub de marins de la ville, lieu de rencontre et d’acculturation politique pour les marins de passage. Il se maria en mai 1935 avec une militante danoise du nom de Ragnhild Elisabeth Wiik, soeur d’Arthur Samsing, collègue à l’Interclub. Il s’installa en mai 1935 à Moscou. Puis il participa la même année comme simple militant du KPD au 7e congrès du Komintern.

Toujours en 1935, par l’intermédiaire de Jakow Serebrjanski,le NKVD le plaça à la tête d’une "organisation de combat contre le fascisme et contre la guerre et pour la défense de l’Union soviétique". Il s’agissait d’organiser le sabotage de bateaux fascistes. La Gestapo lui donna le nom "d’organisation Wollweber" ou "Schaap-Wollweber" du nom d’un autre de ses principaux protagonistes. On peut trouver aussi l’appellation "organisation Bernhard", un des pseudonymes de Wollweber alors qu’il dirigeait l’organisation à partir de la ville d’Oslo dès 1936. Wollweber devint membre du parti communiste russe et citoyen soviétique. Entre 1936 et 1940, il organisa avec Martin Hjelmen, Ernst Lambert, Josef Schapp et d’autres, le sabotage de plus de 20 navires considérés comme fascistes (des navires allemands, japonais et italiens puis ceux espagnols de Franco et après 1939 finlandais). L’organisation très hermétique, s’appuyait sur des groupes de militants dans différents ports comme Rotterdam, Anvers, Copenhague, Frederikshavn, Tallinn. Par le travail commun des polices belge, allemande et scandinave, Wollweber fut identifié et arrêté en Suède le 18 mai 1940 après sa fuite de Norvège à la suite de l’invasion allemande du pays en avril 1940. Les Suédois le condamnèrent en juin 1940 à six mois de travaux forcés pour possession d’un faux passeport. Les Allemands le réclamaient. Mais Alexandra Kollontaï ambassadeur en Suède intercéda au mois de mars 1941 auprès du gouvernement suèdois pour qu’il livrât Wollweber aux Soviétiques en tant que citoyen soviétique (Wollweber prétendait qu’il était citoyen soviétique depuis 1939, en fait depuis 1935). De même à Moscou, Lozovski devenu depuis la dissolution du Profintern ministre adjoint aux affaires étrangères, demanda à l’ambassadeur suédois à Moscou, la remise de Wollweber. Il aurait été protégé selon certains auteurs, par Staline et Beria. Tiraillées entre l’Allemagne et l’Union soviétique, les autorités suédoises décidèrent finalement de le juger. Son procès se déroula d’août à novembre 1941 à Kiruna. Il fut condamné à trois ans de prison qu’il effectua dans une cellule isolée.

Finalement il partit pour l’URSS le 15 novembre 1944, alors que le sort de la guerre était scellé. Il se rendit dans une maison de repos en 1945 à Kislowodsk pour rentrer à Moscou ensuite. En 1946, il retourna en Allemagne dans la zone soviétique et milita dès mai 1946 dans le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands). Son ascension politique fut rapide tout comme sa disgrâce. En 1947, il fut d’abord adjoint puis prend la direction pour la réorganisation des transports maritimes. Après la fondation de la RDA, en 1949, l’entité qu’il dirigeait se transforma en un secrétariat d’Etat lié au ministère des transports. Il garda ses fonctions et devint secrétaire d’Etat à la navigation. A la suite des événements de juin 1953 à Berlin, il remplaça Wilhelm Zaisser à la tête du ministère de la sécurité d’Etat (Ministerium für Staatssicherheit, ou MfS ). En 1954, il fut décoré de la médaille d’or du mérite au nom de la patrie, il était aussi membre du comité central du SED et député de la Chambre du peuple. Mais il entra en conflit avec Walter Ulbricht. Wollweber critiquait particulièrement la monopolisation du pouvoir entre les mains d’Ulbricht et ses prises de position politiques concernant les événements en Pologne en 1956, tout comme le refus de résoudre le problème de la fuite des citoyens allemands de l’Est vers l’Ouest ou les échecs économiques du régime Le 31 octobre 1957, il dut quitter son poste de ministre, officiellement pour des raisons de santé. Son adjoint Erich Mielke le remplaça. Il restait membre de la commission du Bureau confédéral du syndicat Freien deutschen Gewerkschaftsbundes (FDGB). Mais dès janvier 1958, une procédure d’enquêteétait lancée contre lui par le pouvoir en place pour "manquement aux règles du Parti". Le 6 février, il fut accusé d’activités fractionnelles dirigées contre Walter Ulbricht et exclu du comité central avant d’être définitivement "oublié" par le régime est-allemand en place qui fit peu cas de sa mort, le 3 mai 1967 à Berlin Est, alors qu’il avait été un des fers de lance de la résistance communiste au fascisme. Il a écrit pendant sa retraite des mémoires non publiées. Ernst Wollweber a été réhabilité le 26 février 1990 par le PDS (ancien SED, aujourd’hui Die Linke).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88352, notice WOLLWEBER, Karl Fritz dit Ernst. Pseudonymes : Anton, Bernt, Koller Frans, Lucas, Anderson, Köller, Kurt Schmitt, Schultz, Valentin, Ernst, Bernhard par Constance Margain, version mise en ligne le 4 juillet 2010, dernière modification le 24 avril 2016.

Par Constance Margain

Wollweber au congrès mondial de l'ISH en 1932
Wollweber au congrès mondial de l’ISH en 1932

SOURCES : SAPMO, BA, Berlin, NY 4327. - RGASPI, Moscou, 495/205/8628. —WOLLWEBER Ernst, Aus Erinnerungen. Ein Porträt Walter Ulbrichts, Beiträge zur Geschichte der Arbeiterbewegung, 3ème volume, Dietz Verlag, 1990, pages 350 à 378 Lars Borgersrud, Die Wollweber-organisation und Norwegen, Dietz Verlag, Berlin, 2001 pour la traduction allemande. — Jan von Flocken-Michael F. Scholz, Ernst Wollweber. – saboteur-Minister-Unperson, Aufbau Verlag, 1994. — Jan Valtin, Sans patrie ni frontières, France, Babel,coédition Actes Sud, collection Révolutions, 1997.- WEBER Hermann, HERBST Andreas, Deutsche Kommunisten. Biographisches Handbuch 1918 bis 1945, Berlin, Dietz Verlag, 2008 .

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