GILMAN Bernard, Georges, Marie

Par André Caudron

Né le 14 janvier 1931 à Port-Vila (Nouvelles-Hébrides, Vanuatu), mort le 12 décembre 2022 à La Mure (Isère) ; manœuvre, ouvrier fraiseur, animateur, instituteur, inspecteur général des affaires culturelles ; militant JEC, JOC, MLP, UGS, PSU, GAM ; adjoint au maire de Grenoble (Isère, 1965-1977).

Ses parents, Arthur Gilman et Louise Dupuis, originaires de Roubaix (Nord), partirent chercher du travail en Australie puis en Nouvelle-Calédonie. Finalement, son père devint gérant de plantation à Mélé, sur l’île de Vaté, aux Nouvelles-Hébrides, alors condominium franco-britannique, quand leur fils Bernard vit le jour à Port-Vila, future capitale de la république du Vanuatu. Ils revinrent ensuite dans leur région natale pour exploiter un petit commerce de détail à Pérenchies (Nord) et leurs deux garçons fréquentèrent le collège Jeanne-d’Arc de Lille (Nord), tenu par des prêtres diocésains. Bernard Gilman fit alors ses premières armes de militant, à la tête d’une section de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC).

Lié à des jocistes, anciens compagnons du patronage et camarades de football, il abandonna ses études secondaires avant leur terme, en 1950, afin de travailler en usine comme manœuvre puis fraiseur, après une formation, dans l’industrie textile, ce qui ne l’empêcha pas d’obtenir le baccalauréat. Durant ces années d’usine, il milita à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) sur le quartier des Longues Haies à Roubaix que Maxence Van der Meersch décrivit dans Quand les sirènes se taisent. Son aumônier était alors André Dalle, un des premiers vicaires-ouvriers du diocèse de Lille. Après son mariage en 1957, il entra au Mouvement de libération du peuple (MLP) où il fit la connaissance de Pierre Belleville – son futur beau-frère – qu’il suivit à l’Union de la gauche socialiste (UGS) et au Parti socialiste unifié (PSU). Sa femme ayant des problèmes de santé, il sollicita un poste d’instituteur remplaçant dans un village du Haut-Oisans où il créa un foyer culturel et engagea une expérience de développement local. Devenu permanent de Peuple et culture-Isère en 1961, il s’efforça d’étendre, au sein du Comité d’expansion économique de l’Isère, les interventions de ce mouvement dans des milieux ruraux et urbains ainsi que dans le monde enseignant.

Membre du Groupe d’action municipale (GAM) de Grenoble, il fut élu en 1965 sur la liste menée par Hubert Dubedout et nommé adjoint au maire, chargé des affaires culturelles. Il garda cette fonction pendant douze ans, jusqu’au renouvellement de 1977. Sa présence à ce poste sensible lui avait permis d’appliquer une politique globale exemplaire, assurant pour une bonne part le prestige de la ville pendant cette période. La réalisation la plus spectaculaire fut la Maison de la culture, qu’on appellera plus tard « le Cargo ». Appuyée par le ministre André Malraux*, conçue par l’architecte André Wogenscky et inaugurée le 13 février 1968, elle hébergea de nombreuses créations artistiques avec Didier Béraud puis Catherine Tasca comme premiers directeurs.

Dès les années 1966-1967, les quartiers de Grenoble avaient accueilli une dizaine d’artistes plasticiens. Cette initiative fut violemment attaquée par Le Dauphiné libéré mais André Malraux vint lui-même voir les œuvres réalisées et la polémique se calma. L’adjoint au maire, qui était « un peu, dit-il, le garnement de Dubedout », favorisa les équipements de quartier telles les maisons de jeunes — une dizaine furent ouvertes en quelques années — et les bibliothèques dont il découvrit le rôle essentiel : la même période vit éclore une douzaine d’espaces consacrés aux livres. Il se préoccupa aussi de l’aménagement du musée des beaux-arts et de l’installation du Musée dauphinois tout en favorisant les rapports avec la Comédie des Alpes, l’aide aux associations, la création d’un ensemble instrumental et d’un service municipal d’action culturelle.

Expert en 1977 auprès du Conseil de l’Europe puis des Organisations d’études d’aménagement des aires métropolitaines (OREAM), Bernard Gilman revint à Grenoble deux ans plus tard pour diriger la Maison de la culture en proie à une crise qui l’obligea à procéder à une réduction de personnel. Jack Lang* l’appela en 1981 au ministère de la Culture et le chargea de missions relatives à la décentralisation, aux musées, aux arts plastiques, tant au cabinet qu’à la direction du développement culturel. Parmi ces missions figure la création de l’Agence de développement de la culture Kanak, à l’occasion de laquelle Bernard Gilman rencontra le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou avant sa mort tragique, survenue en 1989. Par la suite, en liaison avec le secrétariat d’État aux grands travaux dirigé par Émile Biasini et avec le soutien de Michel Rocard*, il se vit confier la réalisation du Centre culturel qui allait porter le nom de Tjibaou à Nouméa (Nouvelle-Calédonie).

Bernard Gilman avait aussi assuré plusieurs missions dans divers pays d’Afrique, notamment pour le ministère de la Coopération qui l’avait chargé, avec Gérard Larôme, d’évaluer les centres culturels français en Afrique. Il avait enseigné à l’Institut d’études politiques de Grenoble et dirigé le Centre national de formation d’Avignon (CNFA) de 1985 à 1987. Peu avant son départ en retraite, il fut promu inspecteur général de l’administration au ministère de la Culture (1989).

Retiré à La Salle-en-Beaumont (Isère), où il avait aidé l’organisation des syndicats d’alpage, il continua de suivre la vie politique sans adhérer à un parti et de participer à des colloques et entretiens sur les thèmes qui lui étaient chers : l’art dans la ville, l’égalisation des chances devant la culture, l’aménagement des villes nouvelles. Il fut l’un des 570 signataires de l’appel à la ratification de la constitution européenne le 29 mai 2005. Se qualifiant de « militant culturel », il signa la « contre-lettre » répliquant au texte adressé par le président de la République à Christine Aubanel, ministre de la Culture et de la Communication, le 1er août 2007. Lors des élections municipales de 2008, il s’engagea dans le comité de soutien de GO Citoyenneté en même temps que Jean Giard, ancien adjoint communiste de Grenoble.

Marié à Toulouse (Haute-Garonne), le 23 avril 1957, avec Danièle Billier, Bernard Gilman s’en était séparé en 1984.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88361, notice GILMAN Bernard, Georges, Marie par André Caudron, version mise en ligne le 3 juillet 2010, dernière modification le 5 janvier 2024.

Par André Caudron

ŒUVRE : Dix ans d’action culturelle à Grenoble (1965-1975), Éléments pour un bilan, Service des études et recherches du ministère de la Culture (SER), 1977. — Les établissements d’action culturelle, rapport, SI, 1978. — Témoignage dans Les Rencontres d’Avignon 1964-1970, ministère de la Culture et de la Communication, 2000. — Collaboration à Une ambition partagée ? La coopération entre le ministère de la Culture et les collectivités territoriales (1959-2009), Philippe Poirrier, René Rizzardo (dir.), La Documentation française, Comité d’histoire du ministère de la Culture, 2009.

SOURCES : Geneviève Poujol, Madeleine Romer (dir.), Dictionnaire biographique des militants, notice par Jean Ader, L’Harmattan, 1996. — Jeanne Girard, Didier Béraud, Une aventure culturelle à Grenoble (1965-1975), CIDOSC, Grenoble, 1979. — Pierre Frappat, Le mythe blessé, Grenoble, Éditions Alain Moreau, 1979. — Pierre Ducros, Pierre Frappat, François Lalande, René Rizzardo (dir.), Action municipale, innovation politique et décentralisation : les années Dubedout à Grenoble, La Pensée sauvage, Grenoble, 1998. — Pierre Mayol, Associations et vie culturelle : une exploration des études et travaux du DEP (Département des études et de la prospective), ministère de la Culture et de la Communication, 2001. — Résister. Militer, Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Musée des Droits de l’homme, Grenoble, 2007.

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