GOUYER Kléber

Par Jean Limonet

Né le 8 juin 1929 à Lapalud (Vaucluse), mort le 13 août 1994 à La Tronche (Isère) ; ouvrier agricole, ouvrier du bâtiment, permanent syndical CFTC puis CFDT ; secrétaire général de la Fédération de l’Alimentation CFTC puis CFDT (1958-1968), membre du conseil confédéral CFTC puis CFDT (1962-1968), secrétaire général de l’UD-CFDT de l’Isère (1968-1975), élu au conseil national du PS au congrès de Pau, secrétaire du comité de ville du PS (1977-1981), président du quartier « le Village de Grenoble », membre de la CSF.

Second et seul garçon d’une fratrie de trois enfants, Kléber Gouyer était issu d’un couple d’ouvriers paysans. Son père était à la fois baletier dans une fabrique de balais et paysan. Ses parents qui vivaient chez ses grands-parents se séparèrent lorsqu’il eut onze ans et il fut, avec ses sœurs, mis à l’orphelinat. Ayant obtenu le certificat d’études à l’âge de quatorze ans, il devint ouvrier agricole jusqu’à son départ pour l’armée. Il eut alors plusieurs contacts avec la Jeunesse agricole catholique (JAC) sans pour autant y adhérer. Après un service militaire de deux ans et demi, il fut embauché à Marcoule (Gard) sur les chantiers de constructions du nucléaire civil.

En 1954, Kléber Gouyer adhéra à la CFTC, syndicat qu’il jugeait le plus propice à infléchir la politique vers un socialisme démocratique. Licencié pour fait syndical en 1956, il devint permanent de la Fédération du Bâtiment CFTC sur les grands chantiers (Serre-Ponçon, notamment) jusqu’en 1958. À cette date, Auguste Jacquin*, grenoblois, alors président de la Fédération de l’Alimentation CFTC, lui proposa le poste de secrétaire général de cette fédération qui avait des difficultés à recruter des dirigeants. Acceptant avec la réserve d’une période d’essai de trois mois, il remplaça Jean Machavoine* qui quitta son mandat le 1er novembre 1958 après dix ans de responsabilités.

Kléber Gouyer organisa la fédération en véritable structure nationale. Seul permanent fédéral, il créa un bulletin trimestriel destiné à tous les syndicats, dont le numéro 1, sorti le 1er décembre 1958 présentait un plan de travail et d’organisation de la fédération. Dans ce cadre, Kléber Gouyer constitua des syndicats locaux inter branches et organisa des réunions annuelles avec des secrétariats de branches. Il développa également de nombreuses activités de formation de cadres fédéraux.

Dès le congrès d’avril 1960, Kléber Gouyer proposa de nouvelles structures de fonctionnement de la fédération, en instituant une commission exécutive composée de sept membres avec un secrétariat de quatre membres à Paris. Auguste Jacquin fut reconduit comme président et Kléber Gouyer comme secrétaire général, accompagnés d’un vice- président, de deux secrétaires fédéraux, d’un trésorier et d’un trésorier adjoint. José Damiao* devint secrétaire permanent fédéral mais, frappé par la maladie en janvier 1962, il ne put exercer ses responsabilités.

En 1962, Kléber Gouyer entra au conseil confédéral où il allait rester jusqu’en 1968, travailla avec Eugène Descamps,

Gilbert Declercq

et Guy Gouyet pour installer un permanent, Henri Guillou*, chargé du développement syndical de la région parisienne, prioritaire pour la fédération. Durant cette époque, les entreprises mirent en œuvre une forte concentration du secteur de l’Alimentation, constituant de nouveaux groupes dans la chocolaterie (251 entreprises en 1972 contre 201 en 1975 avec des marques comme Suchard, Poulain, Cémoi, Tobler) et dans les branches comme la biscuiterie, les boissons, le lait, etc. La CFDT accentua sa politique de formation des militants et des élus dans ces entreprises. Elle développa de nombreuses négociations qui débouchèrent sur la signature de conventions collectives nationales de branches. Il considérait que les conventions collectives apportaient toujours quelque chose de plus aux défavorisés.

Sous l’impulsion de Kléber Gouyer, la fédération engagea des échanges avec l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) pour une future adhésion à cette organisation rattachée à la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC). Au congrès fédéral de mai 1968, il ne se représenta pas. De 1958 à 1968, le nombre d’adhérents avait été multiplié par trois, passant de 6 000 à 18 000 répartis sur l’ensemble du pays. Un nouveau secrétaire général, Henri Ouvrard, membre sortant du conseil fédéral, fut élu et René Tardivel* arriva au secrétariat fédéral. Le président Robert Convers fut réélu.

André Jeanson, président confédéral, demanda alors à Kléber Gouyer de retourner, avec nouvelles responsabilités, dans l’Isère où Maurice Bonnet*, responsable de l’Union départementale depuis 1953, devait quitter ce poste. Kléber Gouyer arriva comme nouveau secrétaire général de l’UD en mai 1968. À cette époque, celle-ci fonctionnait avec un permanent, une secrétaire et des locaux de trois pièces. Les urgences portèrent essentiellement sur la structuration des syndicats, la mise en place d’unions locales dans les principales villes et la formation. Grenoble était alors en pleine expansion : ville universitaire, beaucoup d’industries dans les nouvelles technologies, couches de salariés hautement qualifiés, municipalité progressiste et dynamique, avec le GAM (Groupe d’action municipale) et le maire Hubert Dubedout.

Le développement syndical dans la métallurgie déboucha sur la mise en place d’un secrétaire permanent, chargé prioritairement de suivre ce secteur sur les départements des Alpes et de l’Isère. Georges Dupont* arriva en mars 1971. Une nouvelle structuration devint indispensable, l’organisation d’une équipe régionale interprofessionnelle CFDT. Le secrétaire général à plein temps fut Pierre Héritier* et les secrétaires régionaux (dont Claude Huissoud*, secrétaire général adjoint de l’UD du Rhône) et les secrétaires d’UD de Grenoble et de Saint-Étienne devinrent des secrétaires régionaux à mi-temps. Kléber Gouyer dut alors se confronter à des analyses syndicales différentes entre les représentants des unions départementales comme avec les représentants régionaux de branches. Il fut surpris des diverses positions des membres du conseil régional : d’un côté, ceux qui se disaient « gauche syndicale » et ne partageaient pas certaines positions confédérales (santé, services, Hacuitex), et de l’autre ceux, plus importants en nombre, qui les partageaient (métaux, chimie). Il est probable que les UD furent également traversées par ces oppositions que certains estimaient plus politiques et partisanes que syndicales.

Après les Assises du socialisme, des débats portèrent sur la conception du syndicalisme et la gauche au pouvoir : celle-ci était-elle une alternance ou allait-elle vers une rupture ? Pour Kléber Gouyer, le PS n’avait pas la force nécessaire pour assumer cette rupture et il reconnaissait, en même temps, que ce parti était incontournable. Estimant qu’il y manquait ceux qui étaient dans les luttes, les militants du PSU, du GAM, des syndicats, de la culture, il entraîna 800 militants de l’Isère au PS. Leur arrivée provoqua des réactions. « Nous fûmes mal accueillis », dirent-ils, par certains membres du PS, ceux du CERES qui se considéraient comme les véritables représentants de la classe ouvrière, ou les « historiques », qui tirait leur légitimité de leur engagement au PS depuis sa création et n’hésitaient pas à dire : « ce sont les cathos qui viennent nous faire la leçon ».

Kléber Gouyer quitta le secrétariat général de l’UD en 1975, en entrant au comité national du PS, au congrès de Pau où il participa aux travaux de la commission des résolutions avec Gilles Martinet* dans le courant Rocard*. À l’issue du congrès, deux dirigeants de la CFDT entrèrent au comité directeur du PS : André Acquier, qui participa comme secrétaire national au débats sur les politiques industrielles dans la branche électronique, et Michel Coffineau, qui allait devenir maire de Bouffémont, député du Val-d’Oise et sénateur.

Kléber Gouyer devint alors, au titre du PS, secrétaire du comité de ville auprès de Pierre Mauroy* de 1977 à 1981, et participa aux congrès nationaux. Après 1981, il n’eut plus de responsabilités au PS ; après avoir préparé avec Jean Bron* un livre sur la CFDT en Isère, il se réinvestit à la CFDT des services et commerces, milita dans les milieux associatifs en particulier à la CSF et l’association des locataires, et fut président de quartier à Grenoble. Il prit sa préretraite en 1988 et continua de nombreuses activités associatives.

Il s’était marié le 12 avril 1958 au Pouzin (Ardèche) avec Marie-Thérèse Giffon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88393, notice GOUYER Kléber par Jean Limonet, version mise en ligne le 8 juillet 2010, dernière modification le 23 août 2010.

Par Jean Limonet

SOURCES : Archives interfédérales CFTC-CFDT. – Jacques Derville, « La Fédération socialiste de l’Isère depuis 1969 : contribution à l’étude de l’évolution du Parti socialiste », Revue française de science politique, 26, 1976, p. 568-599. – Interview enregistrée le 7 juin 1989 par Louisette Battais et Pierre Autexier.

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