JOSSELIN Charles

Par François Prigent

Né le 31 mars 1938 à Pleslin-Trigavou (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) ; économiste ; militant CFDT ; militant CIR puis PS ; président de l’AGER (1957-1959) ; vice-président de l’UNEF (1959-1960) ; maire (1977-1997) de Pleslin-Trigavou ; président du conseil général des Côtes-d’Armor (1976-1997) ; député (1973-1978 puis 1981-2002) ; sénateur (2006-2008) ; député européen (1979-1981) ; secrétaire d’État aux transports (1985-1986) ; secrétaire d’État à la mer (1992-1993) ; secrétaire d’État à la coopération (1997-2002).

Cultivateur, son père décéda alors que Charles Josselin était très jeune. À Pleslin-Trigavou, les archives mentionnaient plusieurs Josselin élus municipaux conservateurs dans les années 1930. Marqué par la pratique religieuse de sa mère, qui l’éleva seule, Charles Josselin fréquenta les écoles privées, notamment l’institution des Cordeliers à Dinan. Il était engagé dans les réseaux du scoutisme, comme chef de patrouille puis chef de troupe à seize ans.

Séduit par l’opposition à la guerre d’Algérie de l’UNEF, il fut élu secrétaire général de l’AGER en 1956, dès son entrée à la faculté de droit de Rennes. Entre 1957 et 1959, il était président de l’AGER (15 000 étudiants environ), avant de passer le relais à Yves Le Meur. Il était très actif sur les questions des œuvres universitaires (logements, restaurants, bourses), tout en investissant les sociabilités étudiantes très festives, aux côtés de Louis Le Pensec* (faculté des sciences hilares). Après une licence à la faculté de droit à Rennes, il obtint un DES de droit public à Paris.

Depuis le congrès de Grenoble (avril 1959), il avait intégré la direction nationale de l’UNEF. Il poursuivit ses études à Science Po Paris. Responsable UNEF, il était vice-président national du syndicat étudiant en 1959-1960, chargé des questions internationales (à l’appellation « outre-mer » se substitua la vice-présidence « extérieur »). Ainsi, il était mandaté pour rédiger une brochure contre la guerre d’Algérie au nom de l’UNEF, visant à « publier d’une part les résultats d’une étude approfondie sur les répercussions de la guerre d’Algérie que rencontrent dans leur action les responsables syndicaux étudiants, d’autre part les positions qu’a prises [le] mouvement sur ce problème ». Le texte de 91 pages élaboré par Charles Josselin comportait trois axes : incidences sur le monde étudiant de cette « rupture », replacée dans le contexte des évolutions de l’UNEF depuis 1954 ; « la jeunesse dans le conflit » (scolarisation, dissolution de l’UGEMA) ; les libertés bafouées. Imprimé par l’AGE de Lille, ce texte s’achevait par la motion votée lors du congrès de Lyon (avril 1960), décidant la « réconciliation avec les étudiants algériens », soit la reprise officielle des relations avec l’UGEMA (illégale en France, en fait la branche étudiante du FLN), qui fit grand bruit en juin 1960.

Durant son service militaire, il fit la rencontre d’anciens étudiants rennais (dont Quéré), engagés politiquement au sein du club des Bonnets rouges (une dizaine de membres), rattaché à la CIR via le club des Jacobins de Charles Hernu*, originaire de Quimper. En 1964 ou 1965, il prononça un discours au nom du club des Bonnets rouges au palais d’Orsay, appelant à la conversion au socialisme du régionalisme breton et à la régionalisation des socialistes bretons. Dès lors, il fut intégré au premier cercle dirigeant de la CIR au sein du comité permanent. Pressenti pour être candidat de CIR dans une circonscription parisienne, il déclina la proposition de François Mitterrand* d’être son secrétaire de campagne législatives en mars 1967. Il suivit la campagne de Gisèle Halimi* dans le XVe arrondissement, sans prendre de responsabilités ,sa femme étant enceinte.

Entre 1965 et 1968, Charles Josselin fut secrétaire financier de la banque de l’Union parisienne. Entre avril 1968 et mars 1973, il fut économiste à la Société centrale pour l’équipement du territoire (SCET), étant délégué CFDT entre 1968 et 1972 dans cette filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Militant CIR, il adhéra au PS à la fin de l’année 1971, quelques mois après le congrès d’Épinay, après une période de distanciation avec le milieu partisan dans les années 1968. Début 1972, il apprit par l’intermédiaire de Pierre Guidoni* que René Régnault* demandait au PS de parachuter un candidat à Dinan. Il adhéra à la section de Dinan en juin 1972, mais les réticences étaient très fortes, mettant en doute son attachement à la laïcité, comme le prouvait un échange de lettres entre René Pétiot* et Guy Mollet* en septembre 1972. Son beau-père était colonel des parachutistes en retraite tandis que sa famille donné fourni plusieurs prêtres, même si le couple Josselin avait scolarisé son enfant dans les écoles publiques à Paris. Investi par la petite section de Dinan, il entama sa campagne électorale dès octobre 1972, couvrant tous les cantons le week-end. Son suppléant était René Régnault, maire de Saint-Sansom-sur-Rance depuis 1971. Charles Josselin s’appuyait sur l’ancien tissu SFIO, le milieu des chrétiens de gauche (CFDT, CDJA, frange de l’Eglise et du monde paysan par ses attaches familiales), les réseaux étudiants rennais, ainsi que le vieux fonds radical-socialiste incarné par Michel Geitsdorfer durant l’entre-deux-guerres, qui avait été capté par René Pleven.

En mars 1973, il l’emporta de 51 voix face à René Pleven, président du conseil général des Côtes-du-Nord depuis 1949 et figure nationale de l’UDSR. Au 1er tour, il avait obtenu 15 607 voix, soit 29,32 % des suffrages exprimés, triplant quasiment le score de René Régnault en juin 1968 (5 968 voix, 11,9 % des suffrages exprimés). Responsable de l’UL-CGT, le candidat du PCF, Roger Esnault obtint près de 17 % des voix. Les Côtes-du-Nord avaient deux députés socialistes, avec Yves Le Foll (PSU) à Saint-Brieuc. En septembre 1973, il fut élu conseiller général de Ploubalay, prenant la suite de Ernest Rouxel, maire de Ploubalay (1941-1977) et député-suppléant de René Pleven (1969-1973). Le candidat communiste, Paul Recoursé, ayant obtenu moins de 5 % des voix. En 1973, Charles Josselin devint également secrétaire fédéral du PS après Claude Saunier* et Pierre Mévellec, jusqu’en 1976 cédant la place à Didier Chouat (popereniste).

En mars 1976, la poussée socialiste (17 élus contre 13 élus en 1973) lui permit de devenir le second président socialiste du conseil général des Côtes-du-Nord, après l’expérience SFIO de François Clec’h* (1947-1949). Le basculement du département s’expliquait par la stratégie d’union de la gauche, avec un groupe communiste étoffé (dix élus). A trente-huit ans, il était le plus jeune président de conseil général de France, incarnant l’émergence du socialisme en Bretagne, « en haut, à gauche » et mettant en avant le modèle de l’exception costarmoricaine. En mars 1977, il fut également élu maire de Pleslin-Trigavou, sa commune natale. En mars 1978, il fut battu de 700 voix par René Benoît lors des législatives à Dinan, obtenant au second tour 32 311 voix contre 33 068 au maire centriste de Dinan (49,2 % des voix). Au 1er tour, il avait obtenu 24 016 voix (38,1 % des voix), tandis que Christiane Gicquel (PCF) recueillait 11 % des voix.

En mars 1979, Charles Josselin entama un second mandat de conseiller général. En juin 1979, il devint le premier socialiste de l’Ouest à siéger au Parlement européen, figurant en 14e position sur la liste menée par François Mitterrand. Après le congrès de Metz, il fit le choix de rompre avec le courant mitterrandien pour se positionner sur la tendance Rocard, tout comme Louis
Le Pensec dans le Finistère. En juin 1981, il retrouva son siège de député de Dinan dès le 1er tour avec Jean Gaubert comme suppléant, obtenant 30 542 voix, soit 51.35 % des suffrages exprimés. Il contribua au grand chelem du PS dans les Cô,es-du-Nord avec cinq élus (Yves Dollo*, Pierre Jagoret*, Maurice Briand et Didier Chouat). Quoique rocardien, Louis Le Pensec intégra le gouvernement Mauroy, au contraire de Charles Josselin, qui prit sa suite en tant que président du Bureau régional d’études et d’informations socialistes (BREIS), union régionale des socialistes bretons. Très investi dans les réseaux d’élus socialistes au plan national (chargé notamment de réfléchir au conseil général, comme laboratoire politique), il figurait à nouveau sur la liste socialiste aux européennes en juin 1984, en position non éligible. En mars 1985, il fut difficilement réélu conseiller général, dans un contexte de forte tension sociale dans le département, au contraire de deux autres parlementaires PS battus (René Régnault et Yves Dollo). Il reprit en main la Fédération PS des Côtes-du-Nord, par l’intermédiaire de son assistant parlementaire Didier Morel*, secrétaire fédéral entre 1985 et 1990. Ce denrier avait siégé au conseil régional de Bretagne avant les élections au suffrage universel de 1986. En 1983, il obtint 17 voix face à Raymond Marcellin (45 voix) à la présidence de la Région, tandis que Christian Le Verge (PCF) avait obtenu trois voix.

Entre novembre 1985 et mars 1986, il fut secrétaire d’État aux transports dans le gouvernement Fabius. En mars 1986, il entama un 3e mandat de député, ayant conduit la liste départementale du PS (25,46 % des voix, 2 élus). En juin 1988, il fut réélu député de Dinan dès le 1er tour avec 23 545 voix, soit 50,83 % des voix, tandis que le PCF obtenait seulement 5 % des voix. En juin 1991, il démissionna de la présidence du BREIS, dont l’activité, paradoxalement, s’était fortement réduite au fil de la montée en puissance du PS en Bretagne. En mars 1992, il fut réélu conseiller général de Ploubalay dès le 1er tour. Entre avril 1992 et mars 1993, il fut secrétaire d’État à la mer dans le gouvernement Bérégovoy, prenant la suite du socialiste lorientais Jean-Yves Le Drian*, évincé dans des circonstances douloureuses pour celui qui devint le 1er président de gauche du conseil régional en mars 2004. En mars 1993, il faisait partie des rares socialistes bretons avec Louis Le Pensec et Jacques Floc’h* à conserver son siège de député, battant René Benoit au second tour avec 53,3 % des suffrages exprimés (33 142 voix). Au 1er tour, il avait recueilli 37,35 % des voix (22 028 voix). Il intégra alors le bureau national du PS au titre de la tendance Rocard.

En juin 1997, Josselin fut nettement réélu avec 60,2 % des voix au second tour. Au 1er tour, il avait obtenu 25 744 voix, soit 44,48 % des suffrages exprimés. Il devint secrétaire d’État à la coopération et à la francophonie dans le gouvernement de la gauche plurielle, puis ministre délégué entre 1998 et 2002. Très proche de Lionel Jospin*, il eut une forte influence dans les réseaux français en Afrique, en lien avec Hubert Védrine au quai d’Orsay. À regret, il abandonna la présidence du conseil général, à Claudy Lebreton*, non sans avoir tenté de convaincre Pierre-Yvon Trémel* (son bras droit à l’assemblée départementale depuis 1981) de lui succèder puis de susciter une candidature de Jean-Jacques Bizien*. Il resta un conseiller général très influent, s’occupant des affaires extérieures des Côtes d’Armor depuis 2001 (vice-président). Hésitant un temps à se présenter, il apporta son soutien actif à Jean-Yves Le Drian, chef de file des socialistes bretons aux régionales en mars 1998.

En juin 2002, Charles Josselin abandonna son siège de député à Jean Gaubert, qui était son suppléant depuis 1981. En mars 2004, il fut réélu pour la 6e fois conseiller général, dès le 1er tour. En 2006, il fut désigné par les militants de la fédération du PS des Côtes d’Armor pour assurer l’intérim au Sénat de Pierre-Yvon Trémel, décédé, tout comme son suppléant Didier Morel (mort en juillet 2004). En octobre 2006, il fut élu sénateur avec Janine Le Béchec* comme suppléante, obtenant dès le 1er tour 868 voix soit 56,33 % des suffrages exprimés. En avril 2008, il subit une condamnation judiciaire tout comme Claudy Lebreton et Alain Gouriou. En septembre 2008, Charles Josselin ne disposait plus de mandat national, après son retrait qui coïncidait avec celui de Claude Saunier.

Vice-président de l’Assemblée nationale durant son premier mandat de député, il fut rapporteur du budget de la culture à l’Assemblée nationale en 1974-1978 et 1988-1992. Il fut aussi rapporteur du budget des affaires étrangères (1981-1985) et du budget de la recherche (1993-1995). Il était vice-président du Haut Conseil à la Coopération internationale depuis 2003, président de Cités Unies France depuis décembre 2005 et président de la délégation pour les Communautés européennes à l’Assemblée nationale (1981-1985 puis 1988-1992).

Sa femme était cadre dans une entreprise de travaux publics puis à Siemens. Le couple avait divorcé en 1982.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88437, notice JOSSELIN Charles par François Prigent, version mise en ligne le 15 juillet 2010, dernière modification le 18 juillet 2021.

Par François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor. – Arch. de l’OURS, dossiers Côtes d’Armor – Arch. de la FJJ, dossiers Côtes d’Armor. — Arch. de l’INA, Charles Josselin. – Cahiers du GERME, liste des BN de l’UNEF (1946-1962). — Le Combat Hebdo. — Ouest-France. – Le Télégramme. — Le Monde. — Entretiens avec Charles Josselin, Jean Gaubert, Louis Le Pensec, Michel Phlipponneau, Pierre-Yvon Trémel, René Régnault, Claude Saunier, Yves Dollo, Claudy Lebreton, Benoît Cadoret et Fabien Canevet. – Joël Le Bullenger, Un scrutin exemplaire : l’élection législative de mars 1973 à Dinan, maîtrise, Rennes I, 1975. — François Prigent, « Les élus socialistes en Bretagne : réseaux, trajectoires et identités des années 30 aux années 80 », in Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne. De la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 207-220. — François Prigent, « En haut à gauche ? L’implantation socialiste en Bretagne (1958-2008) au prisme de la reconfiguration des réseaux socialistes », in Thierry Barboni et Ludivine Vanthournout (dir.), Les élections locales sous la Ve République, colloque 2009, L’Harmattan, 2011. – Notes d’Alain Monchablon.

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