GOREAU Raymond

Par Claude Pennetier

Né le 3 juin 1908 à Perassay (Indre), mort le 24 avril 1996 à Vierzon (Cher) ; instituteur en Vendée et dans le Cher ; militant syndicaliste, secrétaire du syndicat unitaire de l’Enseignement du Cher, puis militant au SNI ; militant socialiste puis communiste.

Fils d’un cordonnier, Raymond Goreau fut baptisé et alla au catéchisme. Élève de l’école primaire supérieure de La Souterraine (Creuse), il entra à l’École normale d’instituteurs de La Roche-sur-Yon (Vendée) en 1924. Il débuta comme instituteur aux Clouzeaux (Vendée) en 1928. Il milita à la section vendéenne de la Fédération unitaire de l’Enseignement dès octobre 1928 et adhéra à la section socialiste SFIO de La Roche-sur-Yon, en 1932.

Nommé au Châtelet-en-Berry (Cher) la même année, le jeune instituteur se consacra aux activités syndicales et politiques. Au sein du Parti socialiste SFIO, il cherchait « sa tendance » (lettre du 25 juillet 1976). Il ne subit pas d’influence directe de militants du Cher, mais la lecture de journaux nationaux comme L’École émancipée, La Révolution Prolétarienne et La Vérité (trotskyste), le firent évoluer progressivement vers des positions marxistes révolutionnaires. En 1933, il défendit la motion de l’Action Socialiste, en 1934 celle du CASR, puis en 1935, celle du Groupe Bolchévick-Léniniste (trotskyste). La section du Châtelet et le groupe des Jeunesses socialistes qu’il avait formé le 16 février 1933 (voir David Berman), lui confièrent chaque fois leur mandat. Goreau siégeait à la commission administrative fédérale. Il fut délégué au congrès national d’Huygens en 1936.

Les documents manquent pour saisir précisément ses positions politiques pendant la première année du Front populaire. Une certitude cependant : les échos de répression et l’évolution de l’URSS l’inquiétaient : « Depuis la publication de cette nouvelle constitution de l’URSS où, par l’économie, on peut arriver à la petite propriété, je suis révolté, tous les principes sont renversés et foulés aux pieds » (Lettre à C. Philippon, 15 juillet 1936).

Raymond Goreau milita activement à la Fédération unitaire de l’Enseignement. Dès octobre 1933, il succéda à Robert Chaton (parti au service militaire) comme secrétaire départemental. Il mena les discussions avec la section départementale du Syndicat national des instituteurs pour obtenir, le 11 octobre 1934, la fusion provisoire des conseils syndicaux. L’unité définitive réalisée, il siégea au conseil syndical jusqu’en 1939 mais Raymond Beuzelin, secrétaire du SNI, ne chercha pas à lui confier d’autres responsabilités. Goreau participa à la création du comité de vigilance des intellectuels antifascistes du Cher.

Le 1er août 1936 à Châteauroux (Indre), devenu athée, il épousa uniquement civilement une collègue de l’Indre, connue au congrès syndical d’Angers (1935). Le couple eut une fille qui ne fut pas baptisée.

Tous deux furent nommés à Touchay (Cher) à l’automne 1936. L’année suivante, Raymond Goreau constitua une section socialiste dont un cultivateur, nommé Morel, assura le secrétariat. Membre de la Gauche Révolutionnaire, il quitta la SFIO et adhéra au PSOP à l’issue du congrès de Royan (juin 1938) ; sa femme resta au Parti socialiste SFIO. Le PSOP n’eut guère d’influence dans le Cher. Autour du secrétaire départemental Galy, se regroupaient une dizaine de militants dont Paul Raffestin et Szumlanski, dirigeants de la Fédération socialiste SFIO à la Libération.

Après avoir voté pour le candidat socialiste SFIO en 1936, Raymond Goreau, qui avait participé à la création du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes dans le Cher, hostile à la pause, s’opposa à la politique de non-intervention en Espagne, mais, pacifiste, éprouva « un lâche soulagement » au moment des accords de Munich, selon son témoignage écrit. Il précisait, qu’anticlérical, il fut « contre la politique de la main tendue ».

Dans le SNI, Goreau mena le combat sur le thème de la lutte contre l’Union sacrée. Ainsi à l’assemblée générale du 8 juillet 1937, il proposa une motion défaitiste révolutionnaire : les travailleurs doivent, écrivait-il, préparer la « révolution sociale préventive » mais « si la guerre éclatait néanmoins, le prolétariat se doit de traduire dans la réalité sociale la célèbre résolution de Stuttgart, selon laquelle, il doit faire surgir le plus rapidement possible la guerre sociale » (Bulletin, 1937). Après modification et coupure, le texte fut adopté à l’unanimité moins deux voix. Il fut délégué aux congrès nationaux du SNI en 1936 et 1937.

L’année suivante, Raymond Goreau appela à voter contre le rapport moral du SNI, car le syndicat n’avait « pas lutté avec assez d’énergie contre les tentatives d’Union sacrée » et s’était « fait le complice du Front populaire en n’essayant pas de s’attaquer au régime social actuel » (Bulletin, octobre 1938). Gréviste le 30 novembre 1938, il subit une retenue de huit jours de salaire.

En août 1939, le Pacte germano-soviétique l’atterra. Goreau fut mobilisé le mois suivant comme officier. Pendant ses permissions, il resta en contact avec les anciens de la Fédération unitaire de l’enseignement (amis de L’École émancipée) qui l’invitèrent à une réunion parisienne, où l’écrivain Victor Serge analysa la situation de l’URSS.

Raymond Goreau fut mobilisé et fut fait prisonnier lors de l’invasion allemande. Dans un oflag près de Vienne (Autriche), il côtoya quotidiennement des militants communistes convaincus. Ceux-ci mirent à profit l’échec des Allemands devant Stalingrad (février 1943) pour le convaincre que sa vision de l’URSS était erronée : « Jamais un État affaibli par les purges et la répression n’aurait pu résister aux armées hitlériennes » (témoignage, juillet 1976). Il fit sien ce raisonnement et adhéra au Parti communiste en captivité en 1943. Jusqu’aux révélations du XXe congrès du PCUS (février 1956), il resta convaincu de la fausseté des témoignages sur la répression en URSS. C’est dire le choc que représenta, pour lui, le rapport Khrouchtchev. L’instituteur berrichon pensa un moment démissionner, mais des liens politiques et sans doute affectifs l’attachaient au PCF. Il disait avoir été séduit par la vie interne de la puissante section communiste vierzonnaise. En retraite à Méreau près de Vierzon, Goreau était toujours membre du PCF en 1976.

Le service du Patrimoine de la ville de Vierzon conserve une collection Raymond Goreau de 82 boîtes de Lépidoptères et Coléoptères, collectés de 1926 à La-Roche-sur-Yon, à 1992, à Méreau.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88438, notice GOREAU Raymond par Claude Pennetier, version mise en ligne le 15 juillet 2010, dernière modification le 18 novembre 2022.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Synd. Unitaire de l’Ens. du Cher. – Bulletin SNI du Cher, 1935-1939. — Témoignage, juillet 1976. — Réponse à l’enquête de Jacques Girault (1976). — Notes de Patrice Chatard.

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