GOZARD Gilles

Par Fabien Conord, Gilles Morin

Né le 24 avril 1910 à Moulins (Allier), mort le 13 mai 1976 à Paris ; avocat à la Cour d’appel de Paris ; président de la caisse autonome d’amortissement ; militant socialiste SFIO de l’Allier puis gaulliste, secrétaire de la fédération SFIO (1955-1959) ; député socialiste (1946-1958), conseiller général d’Ebreuil (1956-1963).

Issu d’une famille paysanne bourbonnaise, fils de Gilbert Gozard et de son épouse, née Simon, Gilles Gozard suivit des études secondaires au lycée de Moulins, puis les poursuivit à Paris après son baccalauréat à la Faculté de Lettres et de Droit. Il obtint le diplôme de l’École des hautes études commerciales et le titre de docteur en droit et plusieurs certificats d’études supérieures de Lettres. Il devint avocat à la Cour d’appel de Paris et enseigna à l’École des hautes études commerciales. Pilote et combattant en 1939-1940, il reçut la Croix de guerre. Il fut ensuite membre de la France Combattante.

Après son service militaire, qu’il effectua en tant qu’officier dans l’aviation, il devint en 1933 avocat à la Cour d’appel de Paris, tout en professant à HEC. Lorsqu’éclata la guerre, Gilles Gozard fut mobilisé dans l’armée de l’Air en tant que lieutenant. Très vite après la débâcle, il entra dans la Résistance : membre fondateur, en janvier 1941, du mouvement « Liberté » (qui fusionnera avec l’OCM), Gilles Gozard fut sollicité en juin 1943 pour devenir préfet de la Résistance dans l’Allier, mais préfèra poursuivre ses activités clandestines à Paris. Il fut décoré de la Croix de Guerre en 1947.

Gilles Gozard aurait adhéré à la SFIO en 1930 et apparut dans la vie politique de l’Allier, son département d’origine, en 1938 quand il fut élu, jusqu’en 1939, suppléant à la CAF (commission administrative fédérale) de la fédération SFIO au titre de la motion paul-fauriste « Le Socialiste ». De plus, il écrivit quelques articles dans Le Combat social, hebdomadaire de la fédération, et ce jusqu’à la guerre.

Gilles Gozard joua surtout un rôle dans les années d’après-guerre. Il fut candidat SFIO aux élections de 1945 et en juin 1946 (en 4e position sur la liste conduite par Henri Ribière, derrière Marcel Poyet et Antoine Désormières). Puis la fédération le plaça en tête de liste socialiste après l’effacement d’Henri Ribière*. Il était alors peu connu dans le département, bien qu’il en fût originaire, mais s’était spécialisé dans la défense des intérêts des petits cultivateurs auprès des tribunaux paritaires et écrivait dans la presse locale. Il fut élu député de l’Allier en novembre 1946*, puis réélu en juin 1951 et janvier 1956, jusqu’en 1958. Membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, il fut rapporteur du budget des affaires économiques et appartint à la commission d’instruction de la Haute-cour de Justice.

Pendant dix ans, il fut régulièrement éloigné de la vie politique locale par des fonctions au niveau international : très européiste, il siégea comme délégué à l’Assemblée consultative de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), puis à l’Assemblée parlementaire européenne, et au Conseil économique et social de l’ONU en juillet 1957. De plus, il appartenint à la commission nationale des conflits de la SFIO de 1952 à 1955, mais échoua dans ses candidatures au comité directeur en 1956 et 1957.

Président de la Caisse autonome d’amortissement de la dette publique et de gestion des bons de la Défense nationale en 1949-1956, il appartint au Conseil supérieur du tourisme en 1956.

Dans l’Allier, les leaders socialistes locaux, parlementaires et président du conseil général, s’appuyaient sur les quatre plus importantes sections du département, devenues autant de bastions pour eux : Gozard à Moulins, Georges Rougeron* à Commentry, le sénateur André Southon* à Montluçon, le sénateur Fernand Auberger* à Bellerive-sur-Allier. L’équilibre de la fédération reposait sur des coalitions instables entre ces personnalités, les petites sections n’étant pas assez influentes pour servir de contrepoids ou d’arbitres. L’opposition de Gozard avec le secrétaire fédéral et président du conseil général Rougeron était déjà ancienne : lors du vote sur le rapport moral de Daniel Mayer* en 1946, Gilles Gozard s’était prononcé pour, alors que Georges Rougeron s’y opposait et entra au comité directeur sur la liste de Guy Mollet* en 1946-1947. En février 1951, le lancement du journal La démocratie de l’Allier par Gozard fit lentement pencher la balance en sa faveur.

Gozard entra en conflit ouvert avec Georges Rougeron appuyé par Auberger pour la désignation de la tête de liste SFIO aux élections législatives de juin 1951. Gilles Gozard, député sortant, fut investi par les délégués des militants, Georges Rougeron, étant désigné second de liste. La liste n’avait pas de candidat d’origine paysanne. La SFIO recula sur le plan départemental dès cette deuxième législature. L’apparentement de Troisième force ne réussit pas à emporter la majorité absolue et la SFIO ne reprit pas le siège de Pouyet.

En 1955, Gilles Gozard fit un retour en force dans le département en remplaçant Georges Rougeron comme secrétaire fédéral de la SFIO dans l’Allier.

Dans une lettre désabusée envoyée à la direction du Parti socialiste le 23 juin 1955 Rougeron écrivait : « La fédération de l’Allier n’est plus guère qu’une apparence derrière laquelle se déroulent depuis des années des rivalités de personnes ou d’intérêts électoraux qui finissent de la tuer, parmi l’indifférence des uns, le découragement des autres, l’audace des profiteurs et le regret infini de ceux qui, dans la clandestinité, se sont battus pour la reconstruire et assistent impuissants à sa liquidation (Lettre de Rougeron du 25 juin 1955, arch. de l’OURS).

L’affrontement fut renouvelé pour la préparation des élections législatives du 2 janvier 1956. Un deuxième siège pouvait être gagné au scrutin proportionnel. Gozard, assuré d’être élu comme tête de liste, selon son adversaire, ne tenait pas à voir Rougeron numéro deux de la liste emporter le deuxième siège. Il n’aurait tenu aucune réunion publique et Rougeron aurait alors organisé seul des réunions publiques. Les partisans de Gozard accusèrent eux le président du conseil général au comité directeur de la fédération d’avoir mené campagne pour faire rayer le nom de Gozard.

Gozard renforça sa position locale en étant élu conseiller général, le 5 février 1956 à une élection partielle dans un canton rural des contreforts de l’Auvergne, à Ebreuil.

Gilles Gozard prit des positions politiques affirmées dans la SFIO. Il intervint pour la première fois dans un congrès du parti en mars 1946 et au congrès de Lyon en août suivant se prononça contre toute idée d’unité avec les communistes, même à terme. En 1948, au nom de la fédération, il approuva le rapport moral de Guy Mollet. En novembre 1954, il fit un vibrant plaidoyer pour la participation socialiste au gouvernement Mendès France *et vota en faveur du traité de Communauté européenne de défense. Favorable à la formation d’un gouvernement du Front républicain dirigé par Guy Mollet en janvier 1956, il appuya la politique de Robert Lacoste en Algérie, puis après la chute du gouvernement Mollet, en juin 1957, il se prononça pour la participation politique au gouvernement et pour le maintien de Lacoste. En juillet 1957, avec Jules Moch*, représentant la France à l’ONU, il ne put prendre part au vote sur le renouvellement des pouvoirs spéciaux. Dans les assemblées du parti, il fit souvent des interventions techniques, pour la stabilité de la monnaie en janvier 1956, pour l’Euratom en juillet suivant. Il se présenta au comité directeur au congrès de juin 1957, mais ne fut pas désigné. Il fut désigné comme membre de la commission spéciale sur les finances du parti du conseil national de décembre 1957, appartint à la commission chargée d’étudier les problèmes de politique économique et sociale au conseil national des 3 et 4 mai 1958 et à la commission chargée d’étudier la politique économique, financière et sociale au conseil national des 10-11 janvier 1959.

En 1958. Gozard, se prononça pour le retour au pouvoir de Charles de Gaulle, tandis que Georges Rougeron s’y opposait franchement. Mais surtout, Gilles Gozard accusa Georges Rougeron, président du conseil général, de prévarication : ce dernier aurait détourné deux voitures du conseil général. Ces accusations se révélant sans fondements, Gilles Gozard se discrédita localement et, en avril 1959, il fut mis en minorité et perdit le secrétariat fédéral au profit de Raymond Tronche*. Battu dans la première circonscription (Moulins) aux élections législatives de 1958, Gilles Gozard cessa progressivement de jouer un rôle politique dans l’Allier. Le préfet notait en 1961 qu’il assistait désormais parfois aux séances d’ouverture de la session du conseil général, mais ne participait aucunement aux travaux. Deux ans plus tard, il démissionna de l’Assemblée départementale en 1963, ce qui concrétisa définitivement son départ de l’Allier pour Paris.

Secrétaire général de la SOFRAMAC, société constituée en vue de l’adaptation des PME au Marché commun en 1959, nommé conseiller du commerce extérieur en 1960, il fut vice-président de la Chambre nationale des conseillers financiers en 1963. Il quitta les rivages du mouvement socialiste pour se rallier au gaullisme. Les conseillers de Pompidou envisagèrent de le présenter comme candidat de la majorité contre Magne à Ganat pour les législatives de mars 1967 ; mais il ne souhaitait pas se représenter dans l’Allier et perdre la situation qu’il avait acquise à Paris. Il se proposa pour être candidat UNR dans la région parisienne, dans une circonscription où il serait battu. Il était alors rédacteur de Notre République et de La Nation.

Il fut nommé membre du Conseil économique et social en 1969-1970, professait aux Hautes études commerciales, et collaborait à de nombreuses revues économiques et à la RPP.

Son fils Gilbert, né à Paris le 6 mars 1937, fut sous-préfet et secrétaire général de la préfecture du Gers.

Titulaire de la Croix de guerre 1939-1945, il était chevalier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88451, notice GOZARD Gilles par Fabien Conord, Gilles Morin, version mise en ligne le 1er août 2010, dernière modification le 1er octobre 2010.

Par Fabien Conord, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., AG/5 (2)/1161. F/1cII/108/A. F/1cII/11/A. F/1cII/142. F/1cII/561. F/1cIV/157. CAC, 19780654/75. — Arch. Dép. Allier, 46 J 2, 46 J 43, 46 J 44 – Office Universitaire des Recherches Socialistes – Georges Rougeron, Les administrations départementales de l’Allier : Le conseil général, t. 4 : 1958-1970, Montluçon, Grande Imprimerie Nouvelle, 1978. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-67. – Bulletin intérieur, n° 109. — Arch. de l’OURS, dossiers Allier. — Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956. — Profession de foi, législatives de 1956. — Le Pays socialiste, 21 juillet 1939. — La Démocratie de l’Allier, 20 décembre 1955.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable