VOLOVITCH Joseph, dit Jo Volo

Par Claude Pennetier

Né le 1er octobre 1913 à Saint-Cloud (Seine-et-Oise, Hauts-de Seine), mort le 10 juillet 2014 à Massy (Essonne) ; instituteur puis professeur de collège ; résistant FTP ; syndicaliste SNI ; animateur de l’École émancipée ; membre du groupe de la Révolution Prolétarienne.

Jo Volo vers les 100 ans lisant le <em>Courrier international</em>
Jo Volo vers les 100 ans lisant le Courrier international

Joseph Volovitch (qui s’est toujours fait appeler Jo Volo) naquit à Saint-Cloud (Seine et Oise-Hauts-de-Seine). Ses parents étaient des militants socialistes anti-tsaristes qui s’étaient rencontrés à Paris dans les milieux de l’opposition social-démocrate russe. Son père (né en 1877), tailleur, et sa mère (née en 1889) couturière, venaient des deux périphéries de l’empire tsariste (actuellement Ukraine et Lettonie) et de familles d’origines juives dont l’un et l’autre avaient abandonné toutes les traditions religieuses et culturelles. Son père arriva à Paris en 1909, après s’être évadé de Sibérie où, responsable menchevik, il avait été transféré après l’échec de la Révolution de 1905. C’est en Sibérie qu’il avait appris le français auprès de militants francophiles. Après février 1917 son père repartit, avec d’autres mencheviks, pour renforcer la révolution (départs soutenus par le gouvernement français désireux de maintenir l’alliance militaire avec la Russie). Jo Volovitch âgé de quatre ans resta en France avec sa mère. En 1921, son père, opposé au régime bolchevique, eut beaucoup de mal rentrer en France. Il le dut aux démarches de sa femme auprès de dirigeants mencheviks exilés en France, avec l’appui du ministre Georges Leygues.

Joseph Volovitch fut déclaré Français de naissance par son père (disposition qui existait avant 1939). Ses parents (possesseurs d’un « passeport Nansen »), et sa sœur Jacqueline née en 1922, furent naturalisés en 1932. Ils vivaient à Paris dans le XIV° arrondissement (locataires d’appartements successifs entre le Parc Montsouris et la Porte d’Orléans, et d’une boutique de tailleur rue de la Tombe-Issoire). Jo Volovitch fréquenta l’école primaire de son quartier puis entra à l’École primaire supérieure Turgot. Muni de son brevet supérieur, il devint instituteur en banlieue sud, à Malakoff, Le Kremlin-Bicêtre et Villejuif.

Jo Volovitch grandit dans une famille où les parents ne parlaient que français aux enfants, dans une ambiance d’adhésion aux idéaux de la gauche et du mouvement ouvrier démocratique français, à travers la presse reçue à la maison et les références de son père qui l’emmenait tous les ans défiler au Mur des Fédérés. Il devint vite militant aux Jeunesses socialistes, puis à la SFIO (section XIV° Plaisance où militaient Jean Zyromski et son épouse). Il fut actif aux « Faucons Rouges » et surtout au mouvement des Auberges de Jeunesse dont il partagea d’emblée l’esprit coopératif et autogestionnaire, l’adhésion à l’émancipation féminine et le respect de la nature. Au Syndicat national des instituteurs (SNI), il acquit l’estime d’Edmond Breuillard et surtout l’affection de René Bonissel, mais il ne les suivit pas à la Franc-maçonnerie. Il choisit de militer à la tendance École émancipée (EE) où il connut Maurice Nadeau et surtout Raymond Guilloré qui devint son mentor et son ami, et grâce à qui il rejoignit les groupes du Cercle Zimmerwald et la revue La Révolution Prolétarienne, aux côtés de Pierre Monatte et d’Alfred Rosmer. Jo Volo rejoignait ainsi la petite frange de militants qui tentèrent, avant et après la Seconde guerre mondiale, de faire vivre l’héritage des luttes et des idéaux révolutionnaires démocratiques et libertaires du mouvement ouvrier français d’avant 1914. Dans l’élan du Front populaire, au sein du SNI, il fut élu pour l’EE. au conseil syndical de la Seine en 1938. À la SFIO, sa sympathie allant à la Gauche révolutionnaire, il rejoignit après Juin 1936 le courant dirigé par Marceau Pivert et le PSOP. Ses activités militantes à la SFIO et au SNI l’amenèrent à participer à l’accueil de militants allemands anti-nazis et à une certaine proximité avec des nationalistes algériens autour de Messali Hadj à l’époque du MTLD. L’été 1936, une tentative, avec des amis, de rallier les Républicains espagnols en lutte ne put se concrétiser.

Il se résigna alors à faire son service militaire (oct. 1936-oct.1937). Comme il était fiché « P.R. » (présumé révolutionnaire) il fut affecté au 23e régiment de tirailleurs algériens, à Morhange (Moselle) avec un de ses amis et une dizaine d’autres français mis « à l’écart ».

En septembre 1939, la guerre le surprit en vacances en Bulgarie. Avec ses amis, il rejoignit difficilement la Grèce, et rallia la France dans un bateau affrété par le gouvernement français pour des Français et des Polonais. Après avoir régularisé sa situation à Marseille, il fut dirigé, comme d’autres « retardataires » français des régiments algériens, à Parthenay (Deux-Sèvres) et Saint-Loup-sur-Thouet. Là, employé dans les bureaux, il vécut très mal son impossibilité d’entrer en contact avec des Républicains espagnols des Compagnies de travailleurs étrangers qui, encadrés par des tirailleurs algériens, installaient un camp de fortune pour des militaires polonais. Démobilisé, il rejoignit sa famille. Il fut affecté dans une école à Cachan où il rencontra Berthe Halvick (née en 1917 à Paris), de mère parisienne et de père alsacien-lorrain patriote français. Elle avait participé à la manifestation du 11 novembre 1940. Ils se marièrent en décembre 1941.

En juillet 1942, ils durent quitter Paris, Jo Volo ayant été dénoncé par une collègue d’école comme « communiste et juif ». Le commissaire de police qui lui apprit la dénonciation le laissa repartir (à la Libération il lui demanda de témoigner pour lui). Des solidarités amicales permirent à Jo et Berthe de traverser clandestinement la ligne de démarcation à Bonnes (Vienne) et ils trouvèrent abri à Saint-Étienne (Loire) avec le soutien de réseaux syndicaux (grâce à l’appui de René Bonissel, lui-même révoqué comme Franc-maçon). Le père et la sœur de Jo, eux aussi contraints de fuir Paris, les rejoignirent (sa mère était morte accidentellement en 1937). Ils furent tous protégés à Saint-Étienne par un réseau de résistants qui s’était constitué pour sortir des Républicains espagnols des camps d’internement. Ce réseau obtint pour Berthe, avec l’appui de Petrus Faure, un poste d’institutrice à Saint-Étienne, et pour Jo de vrais faux papiers et un emploi de bureau au Comité d’organisation du travail des métaux (l’organisation patronale désirant avoir un pied dans chaque camp). Dans ce réseau, Jo se lia avec Joseph Baldacci, Paul Génévrier qui devint son ami et son capitaine dans les FTP et avec Claudius Buard, ancien maire de Saint-Étienne, membre du PCF, qui le prit en sympathie et resta très discret sur le pivertisme de Jo Volo et son opposition au pacte germano-soviétique. Jo Volo fut résistant dans les FTP de la Loire et alla jusqu’au front des Vosges. Après une brève « formation » exigée par l’armée française pour les FTP, il sortit sous-lieutenant. En 1945, il rejoignit Saint-Étienne où il travailla près de deux ans au journal lié aux FTP, Le Patriote, sans être jamais membre du Parti Communiste, comme certains ont pu le croire du fait de son appartenance aux FTP.

Son père mourut en 1945 à Paris, peu après y être rentré avec sa sœur Jacqueline. La famille ne put reprendre l’appartement et la boutique dont ils étaient locataires et qui avaient été confisqués en 1942 (Jo Volo avait refusé l’appui de compagnons d’armes proposant de reprendre l’appartement alors que, militaires allant sur le front des Vosges, ils passaient par Paris). En 1946, Jo Volo, Berthe et leurs deux enfants rejoignirent Paris. Il obtint sa réintégration dans l’Éducation nationale du fait de son engagement FTP et fut, à l’initiative de René Bonissel, détaché jusqu’à la fin des années 1940 comme responsable de la coopérative du Groupement Central des Fonctionnaires (fondée avant guerre par les syndicats de fonctionnaires). Il reprit ensuite un poste d’instituteur dans le groupe scolaire de la Butte-aux-Cailles (Paris XIIIe) où Berthe avait été nommée et où ils vécurent avec leurs quatre enfants dans un appartement de fonction délaissé dans ce quartier alors très déshérité. Jo Volo fut un instituteur adepte des méthodes Freinet tandis que Berthe en maternelle mettait en œuvre la pédagogie de Mlle Tortel. Dans les années 1960, Jo Volo devint professeur de collège (PEGC) rue d’Alésia (XIVe arrondissement).

Après guerre, Jo Volo retrouva le syndicalisme au SNI (École émancipée) et le noyau de la Révolution prolétarienne avec Raymond Guilloré. Il resta un des militants de cette frange minoritaire d’une gauche radicale, ni réformiste ni stalinienne ni sectaire, qui maintint l’idéal d’actions et de débats démocratique et pluralistes. C’est le sens de sa présence dans le noyau de la Révolution prolétarienne, de ses liens avec le groupe « Socialisme ou Barbarie », avec les éditions Spartacus et de ses échanges avec certains anarchistes et trotskystes. Il milita, sans se décourager, contre les dictatures « occidentales » (en particulier le franquisme) et contre les répressions staliniennes du mouvement ouvrier démocratique à Berlin, Varsovie, Budapest, diffusant les écrits, si mal connus avant 1968, sur les dérives staliniennes et léninistes. Proche de l’UGS puis adhérant au PSU, il resta toutefois plus impliqué dans le militantisme syndical que politique. C’est dans ce contexte militant qu’il participa aux mobilisations anti-colonialistes, dans la fidélité des solidarités nouées avant guerre, hébergeant quelques semaines chez lui un membre du MNA menacé à la fois par police française et FLN, et se liant plus tard avec Mohamed Harbi. Après la répression sauvage du 17 octobre 1961, qu’il fut parmi les premiers à faire connaître, il abrita dans son grenier un stock de livres édités par François Maspero* sur ces massacres. En 1967, il rejoignit le Comité Vietnam National.

Il participa activement à la grève de mai juin 1968 à partir du collège où il exerçait alors (Paris XIVe) et reprit des responsabilités à l’EE, avec Gaby Cohn Bendit après l’exclusion de la tendance des trotskistes « Lambertiste ». Il (re)devint un des responsables de l’EE, au niveau parisien et au niveau national (dans l’équipe responsable tournante) et très actif durant des années lors des « Semaines de l’EE ». Avec son ami Frantz Rutten (professeur d’allemand), il fut à l’origine de l’installation de l’EE (région parisienne) dans « Le Local », 8 impasse Crozatier, Paris 12°, en y fondant la librairie coopérative EDMP (Edition et diffusion de matériel pédagogique), liée à l’EE et locataire du lieu. Le Local EDMP/EE fut partagé, à partir de 1990, avec les Éditions Spartacus. Jo Volo est décrit par tous comme un animateur chaleureux, convivial, attentif aux autres. Jusqu’en 2006, il fut au cœur de la vie du Local, entre la Librairie EDMP et les réunions débat autour de livres (rencontres conclues par un repas fraternel) aux côtés de militants de longue date de la gauche radicale (parmi lesquels Lily Bleibtreu, Denise Salomon, Boris Fraenkel, Martine Mazeau) et de plus jeunes (dont Pierre Cordelier, un des fondateurs de RESF). Il tint jusqu’en 2006 la « rubrique librairie » dans chaque numéro de la revue l’École Émancipée, puis dans l’Émancipation. À chacune des scissions et tensions internes au syndicalisme enseignant, il fut partisan de sauvegarder l’unité dans la diversité de l’EE. Lorsqu’une nouvelle scission toucha la tendance à la fin des années 1990, il tenta encore de maintenir les liens entre le courant trotskyste (LCR) et le courant libertaire, mais resta avec la minorité « Émancipation » dans le local où fut accueilli, peu après, le siège parisien de RESF (Réseau éducation sans frontières).

Le militantisme de Jo Volo a toujours laissé de côté la question du pouvoir. Pour lui, l’important c’est que, en militant pour « un monde de demain » plus juste et plus fraternel, on se donne les moyens de vivre aujourd’hui, selon ces principes, avec « les siens ».

Un hommage lui a été rendu dans le local de l’EDMP le 15 novembre 2014.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88533, notice VOLOVITCH Joseph, dit Jo Volo par Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 juillet 2010, dernière modification le 14 septembre 2020.

Par Claude Pennetier

Jo Volo vers les 100 ans lisant le <em>Courrier international</em>
Jo Volo vers les 100 ans lisant le Courrier international

SOURCES : L’École émancipée. — Entretien avec Joseph Volovitch en présence de sa fille Marie-Christine Volovitch, 2011. — Notes de Marie-Christine Volovitch. — Fichier des décès de l’INSEE.

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