HUFSCHMITT Georges, Henri

Par Paul Boulland, Robert Kosmann

Né le 18 janvier 1926 à Mulhouse (Haut-Rhin) ; ingénieur en fabrication carrosserie automobile à Renault Billancourt (Seine, Haut-de-Seine) puis Rueil (Yvelines) ; militant de la JEC (1940-1946) puis du MLP (1951-1953) ; syndicaliste CGT (SNCIM puis UFICT) ; militant communiste, membre du comité fédéral PCF de Seine-Ouest.

Fils de Georges, Louis Hufschmitt, médecin, et de Jeanne, née This,femme au foyer, Georges Hufschmitt fut élevé en Lorraine, dans un milieu catholique pratiquant où dominaient les opinions de droite. L’un de ses deux frères fut ordonné prêtre. Après des études secondaires à Besançon qui l’amenèrent au baccalauréat en 1942, il poursuivit des études supérieures de mathématiques à Nancy puis au lycée Saint-Louis à Paris, avant d’être admis à l’école Polytechnique en 1945. Comme polytechnicien, il effectua son service militaire dans les blindés, avec le grade de sous-lieutenant puis de lieutenant. Au cours de sa vie étudiante, il adhéra à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), de 1940 à 1946. Il adhéra ensuite au MLP (Mouvement de Libération du Peuple), entre 1951 et 1953.

Au terme de son cursus à Polytechnique, il passa un an à l’École des Mines de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Souhaitait connaître de près la condition ouvrière, il se fit embaucher comme ouvrier aux laminoirs de la sidérurgie lorraine, pendant neuf mois, à partir de septembre 1949, à Herserange (Meurthe-et-Moselle). Il intégra ensuite la Régie Renault, à Billancourt, où il fut embauché à partir de juin 1950 comme ouvrier spécialisé.
Il fut aidé, comme d’autres, en cette occasion, par l’appui donné par le « chef de service des jeunes ingénieurs », Raymond Vatier, qui était en même temps délégué CFTC pour les ingénieurs et cadres et qui masqua ses diplômes à la hiérarchie des ateliers. Durant un an, Georges Hufschmitt travailla successivement au décolletage (département 55), à l’usinage (département 49), puis à l’emboutissage (département 12), à la suite d’une sanction. En 1949, une grève minoritaire contre « le réarmement de l’Allemagne » avait été impulsée dans son atelier par le seul PCF (la CGT s’était abstenue) ; la grève symbolique d’une heure ne fut suivie que par une poignée d’ouvriers (6 environ sur 1000). La grève strictement politique était interdite et la sanction le fit muter à l’atelier des presses.

Adhérent de la CGT dès son arrivée à Billancourt en 1950, Georges Hufschmitt se rendit en Yougoslavie avec les brigades de travail Renault, lors de ses congés de l’été 1950, en même temps qu’une quarantaine de militants (dont Raymond Hirzel, Daniel Mothé, François Dollé et Daniel Renard). Encore peu politisé à l’époque il fut, selon son témoignage, très déçu « par une ambiance irrespirable, effrayante de sectarisme chez les participants » et en sortit « vacciné contre les groupes gauchistes ». Il partit ensuite, toujours pour les vacances, au Festival mondial de la jeunesse deBerlin, en 1951, et sympathisa avec les Jeunesses communistes.

À partir de février 1951, Georges Hufschmitt fit valoir ses diplômes et fut nommé ingénieur stagiaire à Billancourt, puis affecté aux Méthodes Carrosseries en 1953 (étude et réalisation de machines et installation d’usines de grande série) d’abord pour les chaines de montage, puis pour les ateliers de tôlerie, à partir de 1961 . Militant du Syndicat national des ingénieurs et cadres de la métallurgie (SNCIM) rattaché à la CGT, il fut secrétaire adjoint de section syndicale à partir de 1952 et membre du conseil national du syndicat. Il fut également élu délégué syndical pour le deuxième collège, de 1958 à 1962.
En 1953, Georges Hufschmitt et son épouse adhérèrent au PCF qu’ils considéraient « comme la seule force politique importante alliant le combat pour la justice sociale et l’action pour l’émancipation des peuples colonisés ». Leur rupture avec l’Église catholique se fit en 1955, lorsque cette dernière « après avoir soutenu la guerre d’Indochine (contre le communisme athée) et condamné l’expérience des prêtres ouvriers, justifia, en chaire, la « pacification » en Algérie ». Membre de la section Renault du PCF, Georges Hufschmitt milita pour la Paix en Algérie, à contre courant d’une opinion largement favorable à l’armée française. En 1955 il participa avec Roger Linet à une délégation syndicale CGT de trois semaines en URSS à l’usine d’automobiles et de tracteurs « Staline » à Moscou. Il en revint convaincu. En 1961, alors qu’il était également membre du bureau de la section communiste de Renault, il fut élu au comité fédéral du PCF de Seine Ouest, réélu jusqu’en 1964. La direction fédérale soulignait « sa grande valeur et son activité positive parmi les ingénieurs et cadres ». Cette activité syndicale et politique lui valut diverses hostilités professionnelles en particulier dans la hiérarchie supérieure de l’entreprise et souvent l’incompréhension de ses collègues ingénieurs. Il raconta plus tard, en 1992, ces épisodes dans un livre de mémoire intitulé Chers collègues.

À la fin de l’année 1966, Georges Hufschmitt fut déplacé au bureau des études carrosseries du Centre technique Renault (CTR) de Rueil-Malmaison (Yvelines). Selon son témoignage, cette mutation manifestait l’hostilité politique de ses supérieurs. Au CTR, Georges Hufschmitt se présenta à nouveau aux élections professionnelles à la fin de l’année 1967 et fut élu délégué au titre du deuxième collège de 1968 à 1970. Malgré son engagement syndical et politique, il fut nommé chef du service en 1968 (« mécanismes, chauffage et étanchéité » puis « études tôlerie » en 1972) et atteignit en 1970 l’échelon le plus élevé dans la grille hiérarchique des ingénieurs Renault, promotions inédites pour un délégué syndical. Aux lendemains des grèves de 1968, Georges Hufschmitt contribua à la constitution d’une section syndicale SNCIM-CGT à Rueil, tout en participant à « l’association des cadres du CTR » qui regroupait syndiqués (CFTC, CGC et CGT) et non-syndiqués. Il prit sa retraite en 1984.

en 1986, HGeorges ufschmitt fut nommé président de l’APVF (Association pour une petite voiture française) initiée par la CGT pour présenter un « modèle de voiture populaire » la « Neutral » (anagramme de Renault) qui aurait pu remplacer la Renault 4. Ce projet de carrosserie, en polystyrène, monté sur un châssis et moteur de Renault 5 fut présenté à l’opinion au siège de la CGT à Montreuil, puis transporté sur un camion, exposé dans différentes grandes villes de France au cours de manifestations syndicales. Cette démarche n’eut pas de suite et fut considérée, ultérieurement, comme extérieure à l’activité syndicale. L’année suivante, la CGT, qui avait rompu le contact avec les syndicats chinois durant la période de la « Révolution culturelle », renoua avec le syndicat national ACFTU (All China Federation of Trade Unions) qui, sous l’impulsion de Deng Xiaoping souhaitait moderniser son industrie automobile. Georges Hufschmitt partit, à la demande de Roger Silvain, pendant trois mois comme formateur à Pékin, à l’usine de minibus « Beijing Lu Xing Che » où il découvrit, au delà de son expertise en carrosserie, la réalité d’un pays encore sous développé mais disposant d’un héritage culturel millénaire. Il déclarait en 2013 : « pour moi, ces trois mois furent l’expérience la plus passionnante de ma vie ». Comme pour le projet de la Neutral, la coopération technique syndicale fut également rapidement abandonnée, parce que trop extérieure à l’activité syndicale.

Georges Hufschmitt fut président de l’Association des amis et anciens de Renault. Il revint sur son parcours dans un livre de souvenirs centré sur l’articulation entre son engagement syndical et politique et sa position professionnelle dans l’univers des ingénieurs et des cadres. En 2013, il était toujours syndiqué à la CGT retraités et militait à la section locale du PCF de Chaville. Il adhérait à une petite association humanitaire, l’APEK (Association pour les enfants de Katmandou) ainsi qu’à l’AEPN (Association des écologistes pour le nucléaire) et à l’ATRIS (Association des Travailleurs de l’Ile Seguin) qui visait à faire vivre la mémoire du million de travailleurs employés à Billancourt entre 1898 et 1992.

Georges Hufschmitt avait épousé Marie-Laure Laulhéré, infirmière, issue comme lui d’un milieu catholique et militante communiste, le 2 octobre 1952 à Paris (11e arr.). Le couple eut quatre enfants Anne (1953), Monique (1956), Lison (1960) et Marianne (1964).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88549, notice HUFSCHMITT Georges, Henri par Paul Boulland, Robert Kosmann, version mise en ligne le 29 juillet 2010, dernière modification le 8 août 2017.

Par Paul Boulland, Robert Kosmann

ŒUVRE : Chers collègues, ma vie d’ingénieur chez Renault, Paris, La Brèche, 1992 — Trois mois de vie en Chine, texte dactylographié, 174 p., inédit, archives privées G. Hufschmitt.

SOURCES : Arch. du comité national du PCF. — Entretien et correspondance avec Georges Hufschmitt, en octobre 2013. — Gilbert Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Éditions JCM. — État civil de Mulhouse.

ŒUVRE : Chers collègues. Ma vie d’ingénieur chez Renault, Paris, La Brèche, 1991.

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