THALMANN Paul, Otto, dit PAVEL, dit LAROCHE, dit Franz HELLER

Par Rodolphe Prager

Né le 30 septembre 1901 à Bâle (Suisse), mort le 16 mars 1980 à Nice (Alpes-Maritimes) ; élève de l’UCMO (Moscou) ; militant communiste puis oppositionnel.

Paul Thalmann
Paul Thalmann

Fils d’ouvriers du textile, catholiques, Paul Thalmann commença à travailler dès quatorze ans dans une fabrique de caisses. Il adhéra en 1917, à Bâle, aux Jeunesses socialistes et participa en novembre 1918 à la grève générale en Suisse. Il commença à lire les œuvres de Pierre Kropotkine et fut influencé par le docteur Fritz Brupbacher. Il écrivit dans le journal des jeunesses socialistes, Frei Jugend, dirigé par Willy Münzenberg. Devenu secrétaire des Jeunesses communistes bâloises (1920) puis secrétaire national, il rallia en mars 1921 la IIIe Internationale.

Responsable de l’acheminement clandestin du journal Die Jugend Internationale de W. Münzenberg et d’autres publications interdites en Suisse, Paul Thalmann convoya également des personnalités comme Otto Rühle, Boris Souvarine et Jules Humbert-Droz. En 1921, il suivit des cours d’éducation marxiste à Berlin. Membre du Comité central du Parti communiste, il fut délégué au congrès de l’Internationale communiste de la jeunesse en 1922 et 1924 et assista aux IVe et Ve congrès de l’Internationale communiste qui précédaient les congrès des jeunes. Ainsi, il put suivre les grands débats en cours et approcher les chefs bolcheviks ainsi que les dirigeants des partis étrangers. Il fut particulièrement impressionné par Léon Trotsky qui le reçut en 1924.

En 1925, Paul Thalmann fut envoyé pour trois ans à Université communiste des minorités de l’Occident (UCMO, KUNMZ) de Moscou. Il fut contraint d’adhérer au PCUS. La campagne contre l’Opposition battait son plein : les militants suisses s’étant abstenus de voter en faveur de la ligne officielle, furent l’objet de pressions et reçurent un avertissement inscrit sur leurs livrets du parti. Persistant à ne pas voter la condamnation de l’Opposition, ils reçurent un deuxième avertissement. Après deux mois passés dans l’Armée rouge, Thalmann avait fait un séjour de deux mois dans la république de la Volga où il fut témoin des pressions exercées sur les militants pour obtenir leur vote contre l’Opposition. Il fut présent, le 16 janvier 1928, à la gare pour empêcher le départ de Léon Trotsky à Alma-Ata.

Rentré en Suisse en 1928, Paul Thalmann devint rédacteur du Basler Vorwärtz, quotidien communiste, mais ne pouvant exprimer son opinion, il quitta le journal et trouva du travail dans le Bâtiment. Il se lia à cette époque avec Clara Ensner (voir Clara Thalmann). À la suite de l’interception d’une lettre dans laquelle il précisait la conduite à tenir face au stalinisme, Thalmann fut exclu du parti en 1929. Des groupes d’opposition en liaison avec le KPO allemand de Brandler, se formèrent à Zürich, Bâle et Schaffhouse où cette fraction fut nettement majoritaire et jouissait d’un soutien populaire. Paul Thalmann s’y rendit pour prendre en charge la rédaction de l’Arbeiter Zeitung. En désaccord avec l’opposition brandlérienne, après la victoire du nazisme, Thalmann se sentait plus proche de l’Opposition de gauche trotskyste. Il quitta Schaffhouse à l’improviste, laissant une lettre explicative et entreprit en 1934 un long périple dans les pays balkaniques.

À l’automne 1934, Paul Thalmann animait le groupe de Bâle de l’organisation trotskyste Die marxistische Aktion der Schweitz (MAS) qui publiait le mensuel Trotz Alledem (Malgré tout), imprimé à Mulhouse. Il reçut, peu après, la visite de Jan Frankel, proche collaborateur de Trotsky et membre du Secrétariat international qui exhorta les militants suisses à adhérer au Parti socialiste, sans dissoudre le MAS. Cette tactique fut favorisée par la présence à Bâle, dans le parti, d’un fort courant de gauche. À la veille d’une importante échéance électorale, ils révélèrent en bonne place dans la presse socialiste les accointances avec des nazis d’un des candidats de la droite. L’effet de choc produit par cette dénonciation favorisa à n’en pas douter le succès remporté par la « majorité rouge ». Pour faire échec à la proposition de la droite d’une réduction de 12 % des traitements des fonctionnaires, le MAS réunit les 2 000 signatures exigées pour obtenir un référendum à l’issue duquel il ne manqua que 600 voix pour que la position du MAS soit entérinée. Enfin, Paul Thalmann fut délégué au congrès national du parti qui eut à trancher sur la révision du programme en ce qui concernait le vote des crédits militaires. La proposition de vote fut rejetée par une courte majorité de cinq voix. Ce qui n’empêcha pas, ensuite, les députés socialistes de voter en faveur des crédits militaires.

En juillet 1936, Paul Thalmann, pourvu d’une carte de l’Agence socialiste de presse, partit en Espagne rejoindre sa compagne Clara engagée dans la colonne Durruti. Elle le conduisit auprès d’Andres Nin, au siège du POUM. Il effectua diverses visites au front dans la région de Madrid et de Huesca. Il n’était plus trotskyste, en désaccord avec eux surtout sur la caractérisation du régime de l’Union soviétique. Il porta un grand intérêt aux anarchistes tout en les critiquant et se sentait plus proche des Amis de Durruti. Il fut aussi critique vis-à-vis du POUM. Les Thalmann revinrent en Suisse pendant deux mois pour y organiser l’accueil d’enfants espagnols. Ils firent une tournée de conférences et, sous le nom de Franz Heller, Thalmann publia une brochure Pour la révolution ouvrière en Espagne qui devait lui causer quelques désagréments.

De retour en Espagne, Paul Thalmann s’engagea d’abord dans une milice anarcho-syndicaliste internationale (colonne Durruti), localisée à Pina, puis dans un groupe de choc du POUM sur le front d’Aragon. À chaque fois il quitta le front à la suite de désaccords politiques. Pendant les journées de mai 1937, les Thalmann luttèrent sur les barricades avec les militants du POUM et des Amis de Durruti. Ils changèrent sans cesse de domicile pour échapper à l’arrestation. Ils rencontrèrent Erwin Wolf ancien secrétaire de Trotsky, émissaire du Secrétariat international du Mouvement pour la IVe Internationale, lui-même très menacé, qui les hébergea néanmoins quelques nuits. Arrêtés au moment de l’embarquement sur un vapeur français, ils furent détenus dans des centres contrôlés par le Guépéou à Barcelone d’où ils furent transférés à Valence. Ils subirent de longs interrogatoires portant, en particulier, sur la brochure signée Heller. Ils furent parmi les derniers à voir Erwin Wolf emprisonné à Barcelone, qui, comme bien d’autres, disparut à jamais. Ils eurent la chance d’être libérés par des policiers espagnols relevant du ministre de l’Intérieur socialiste, sur l’intervention pressante de Louis de Brouckère, leader de l’Internationale ouvrière socialiste, alerté par des amis suisses. Ils quittèrent l’Espagne à la mi-septembre 1937 et vécurent désormais en France. Ils s’occupèrent en premier lieu de la libération des détenus en Espagne.

Sous le coup d’une inculpation d’enrôlement dans une armée étrangère, Paul Thalmann ne voulut pas se soustraire à la mobilisation de l’armée suisse au moment de la déclaration de guerre. Il ne subit qu’une légère peine avec sursis et, après trois mois de service militaire, son contingent fut démobilisé. Il se retrouva à Paris pendant la « drôle de guerre ». Il résolut avec Clara Thalmann de partir vers le sud-ouest devant l’avancée de la Wehrmacht, mais ils revinrent à Paris ; Georges Altman replié en zone libre leur offrit d’occuper son pavillon rue Friant (XIVe arr.), vu leur nationalité suisse. Ce pavillon devint un refuge pour de nombreux juifs et autres clandestins, en même temps qu’un lieu de réunion pour les amis politiques du couple et un local d’imprimerie illégale. En 1941-1942 se forma autour des Thalmann un Groupe révolutionnaire prolétarien d’une quinzaine de militants de diverses nationalités qui publia le Réveil prolétarien (16 numéros parus).

Paul Thalmann fut en relation avec la minorité du POI trotskyste et tint des conférences avec ces jeunes militants dans les bois ou dans les Auberges de jeunesse. Il déclina l’offre qui lui fut faite par Marcel Hic de collaborer au Secrétariat européen de la IVe Internationale en formation en 1942, en raison de sérieux désaccords. En revanche, il accepta, non sans hésiter, de publier avec Martin Widelin-Monat (dit Victor) membre du secrétariat européen, le journal allemand Arbeiter und Soldat qui fut imprimé rue Friant. Destiné à faire pénétrer les idées antinazies dans l’armée allemande, le journal parut de juillet à septembre 1943 et fut interrompu en raison de nombreuses arrestations que subit en octobre 1943 l’organisation trotskyste.

Après la guerre, Paul Thalmann collabora avec Nicolas Lazarevitch. Les Thalmann quittèrent Paris en 1954 pour Nice (Alpes-Maritimes). Ils firent des conférences sur la guerre d’Espagne et le rôle des anarchistes, dans les universités en Allemagne et en Suisse. En 1966, un film de la télévision allemande relata leur histoire. La télévision suisse produisit en 1973, « Les Suisses dans la guerre civile espagnole ». En 1977, ils publièrent leurs mémoires à Hambourg : Révolution für die Freiheit, Stationen eines politischen Kampfes, Moskau-Madrid-Paris. La traduction française parut en 1983.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88577, notice THALMANN Paul, Otto, dit PAVEL, dit LAROCHE, dit Franz HELLER par Rodolphe Prager, version mise en ligne le 1er août 2010, dernière modification le 1er mai 2020.

Par Rodolphe Prager

Paul Thalmann
Paul Thalmann
Thalmann à Nice en 1960
Thalmann à Nice en 1960
Cliché fourni par Claudine Pelletier
Thalmann chez lui à Nice, avec Raymond Hirzel à gauche
Thalmann chez lui à Nice, avec Raymond Hirzel à gauche
Pavel Thalmann en 1975
Pavel Thalmann en 1975

ŒUVRE : Combats pour la liberté, Moscou-Madrid-Paris, Quimperlé, La Digitale, 1983.

SOURCES : D. Vogelsänger, Der Trotzkismus in der Schweitz (1930-1942), Th., Université de Zürich, 1979. — Arbeiter und Soldat (fac-similé dans La Vérité 1940-1944, EDI, Paris, 1978). — Notes de Roger Bossière et de Brigitte Studer. — Fonds Thalmann à la Bibliothèque universitaire de Nice et l’IIHS d’Amsterdam.

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