WEINBERGER Zoltán ; après la guerre, VAS Zoltán

Par Marc Giovaninetti

Né en 1903 à Budapest (Hongrie), mort en 1983 ; responsable du KIM (ICJ) au début de la guerre.

Les fonctions du Hongrois Weinberger au Komintern, et singulièrement au KIM, se limitèrent à la période de la guerre. Il fut ensuite de ces hauts responsables de son pays qui hésitèrent dans leur fidélité à l’URSS, et choisirent le camp de la contestation, derrière Imre Nagy.
Né à Budapest, Weinberger – son nom évoque une ascendance juive, à l’instar de la plupart des dirigeants communistes hongrois, particulièrement ceux qui firent carrière à Moscou, ou n’est-ce qu’un pseudonyme à consonance germanique ? – adhéra au communisme en 1919, pendant ses études secondaires, et fut renvoyé de son école suite à l’écrasement de l’éphémère république soviétique de Bela Kun. Réfugié en Tchécoslovaquie, il fut arrêté en Hongrie où il était revenu clandestinement en 1921, et fut condamné à quinze ans de prison. Échangé l’année suivante contre des prisonniers hongrois détenus en URSS, il suivit pendant trois ans des études à Moscou. Il fut coopté au comité central du PCH à son congrès tenu à Vienne, nommé au secrétariat de l’organisation de jeunesses, et retourna clandestinement en Hongrie sur mission du Komintern en 1925. Il y fut arrêté avec Mathias Rákosi au cours d’une réunion, et condamné à seize ans de prison. En 1940, les deux prisonniers communistes furent expulsés en URSS, en échange des bannières militaires prises à la Hongrie lors des précédents conflits. C’est donc un homme mûr mais qui avait passé l’essentiel de sa vie en détention qui reprit des fonctions au sein d’une organisation internationale déjà moribonde.

Georges Dimitrov reçut les deux exilés hongrois chez lui pour la première fois le 10 novembre 1940. Le 20 décembre, Raymond Guyot, le secrétaire général du KIM, adressait au « Camarade Dimitrov » une lettre qui avançait des propositions pour l’utilisation du nouveau venu, « après avoir écouté l’opinion du camarade Rákosi et du camarade Manouilski » : qu’il travaille au comité exécutif de l’ICJ, à la rédaction de la revue Intermol (diminutif, en russe, du Courrier international de la Jeunesse) et comme responsable de l’émission radio en langue hongroise ; qu’il suive particulièrement les Jeunesses des États-Unis, car « il connaît l’anglais ». Le Français ajoutait : « il a été de longues années hors du mouvement, nous développerons son éducation ». Le 2 janvier 1941, le secrétaire général de l’IC revit Weinberger pour lui notifier ces propositions. Le Hongrois semblait « complètement remis physiquement et nerveusement », et Dimitrov en conclut qu’il « peut déjà travailler ». Mais il ressentit de son interlocuteur l’impression désagréable d’un homme à la personnalité « enflée et hautaine (aufgeblasenen, hochnäsigen Mensch) ». Il le mentionna ensuite en sa compagnie à diverses manifestations de représentation, avec Rákosi à la « soirée internationale au Palais de la Culture de l’Usine Staline », où les deux Hongrois firent des « interventions » avant un spectacle d’ « extraordinaires artistes amateurs », et à une autre « soirée internationale » pour l’anniversaire de la Commune de Paris, où intervint Dolorès Ibarruri. Weinberger devait aussi participer au suivi des écoles destinées aux jeunes étrangers résidant en URSS, car en mai 1940 il cosignait avec une jeune Russe un rapport très sévère suite à leur mission d’une semaine à celle d’Ivanovo, qui logeait 130 enfants de 22 nationalités, Chinois et Allemands en majorité.

Après l’invasion allemande, Weinberger suivit la majorité des fonctionnaires de l’IC dans leur exode à Oufa, mais d’après une annotation de Dmitrov, il serait rentré à Moscou dès avril 1942, avec Michal Wolf notamment, le plus haut responsable de l’ICJ après le départ de Guyot, d’origine hongroise comme lui. En février 1943, dans les préparatifs de l’après-guerre, Weinberger participa aux visites de prisonniers de guerre hongrois dans les camps soviétiques, avec les autres cadres communistes de son pays, toujours sous la responsabilité de Dimitrov. Celui-ci le chargea encore, avec Ponomarev notamment, du rapport à faire « devant le corps d’infanterie placé sous le patronage du Komintern ». Lequel fut dissous le mois suivant… Le cas de Weinberger, seul mentionné, fut encore discuté à ce moment-là par Dimitrov et Rákosi pour « la composition du bureau étranger du PC de Hongrie ». Y aurait-il eu quelque réticence ? S’il n’est pas nommé parmi les cinq hommes rassemblés ensuite autour de Dimitrov pour discuter de la situation en Hongrie, il présenta cependant avec Gerö un « rapport sur le travail hongrois » mené par les partisans depuis leur État-major de Kiev, en mars 1944, puis un autre analogue, seul cette fois, à partir de la situation sur le front six mois plus tard. Il serait rentré en Hongrie le 10 octobre 1944.

Après la guerre, sous le régime de Rákosi puis le gouvernement de Nagy, sa biographie de l’Institut pour l’Histoire de la Révolution hongroise de 1956 lui attribue plusieurs hautes fonctions sous le nom magyarisé de Zoltán Vas : maire provisoire de Budapest, député au Parlement, membre du comité central puis du bureau politique du Parti, mais surtout dans le domaine économique, directeur du Conseil économique, président de l’Office national de Planification, président de l’organisme de contrôle des coopératives, par exemple ; jamais au niveau ministériel, cependant, contrairement à la plupart de ses camarades rentrés d’exil soviétique.

En 1956, il se montra un partisan déterminé des réformateurs, derrière Imre Nagy, faisant notamment des conférences sur la politique économique au Cercle Petöfi, le centre intellectuel de la contestation. Après le déclenchement de la Révolution, il participa le 24 octobre à la rencontre de la dernière chance avec les envoyés du Kremlin Mikoyan et Souslov. Le jour de l’attaque des chars soviétiques, le 4 novembre, il se réfugia comme Nagy et d’autres à l’ambassade de Yougoslavie, mais fut comme eux livré aux autorités soviétiques deux semaines plus tard, et transféré en Roumanie. Il échappa au sort extrême de l’ancien premier ministre, et fut autorisé à rentrer en Hongrie en 1958. Il se consacra alors à l’écriture et à la traduction. Il fut encore poursuivi en 1973 pour une nouvelle autobiographique accusée de nuire à l’amitié des peuples hongrois et soviétique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88655, notice WEINBERGER Zoltán ; après la guerre, VAS Zoltán par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 8 août 2010, dernière modification le 8 août 2010.

Par Marc Giovaninetti

SOURCES : RGASPI, 533-9-60, 76. — Georgi Dimitrov (présentation Gaël Moullec), Journal, 1933-1949, Belin, Paris, 2005. — The Institute of the History of the 1956 Hungarian Revolution, biographie de Zoltán Vas, <http://www.re.hu/history_of_1956/sz...> , 2000.

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