GONTCHAROFF Georges, Michel, René

Par Bernard Ravenel

Né le 12 avril 1929 à Paris (XVe arr.) ; instituteur, puis professeur d’enseignement général des collèges (PEGC), rédacteur en chef de Correspondance Municipale (devenue Territoires), la revue de l’ADELS ; membre de la Jeune République (1954), de la Nouvelle gauche, de l’UGS et du PSU, secrétaire de la fédération Seine-Banlieue du PSU (1961-1971), membre du comité politique national (1963-1971) et du bureau national (1966-1971), responsable de la commission « cadre de vie » ; membre du secrétariat des Groupes d’action municipale (GAM) en 1966-1967, secrétaire national de l’ANDLP (1982-1992) puis de l’UNADEL (1992-1997).

De père comptable, issu de la noblesse russe, émigré en France en 1919, et de mère française issue d’une famille modeste berrichonne installée à Paris depuis deux générations, Georges Gontcharoff eut une jeunesse marquée à la fois par ses études à l’École normale d’instituteurs d’Auteuil (1945-1948) dans un esprit très laïc, et par un environnement très catholique venu de sa mère. Colombes (Hauts-de-Seine) où il habitait était un haut lieu d’un catholicisme progressiste à la fois sur le plan liturgique et sur le plan de « l’engagement dans la cité ». Georges Michonneau, curé de Colombes, entraînait la jeunesse de la paroisse, « communauté missionnaire », à prendre des responsabilités « politiques ». Successivement dans le scoutisme, puis à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), il était aussi diffuseur de Témoignage chrétien, dont il se rapprocha de la rédaction et de Georges Montaron*, puis de La Quinzaine où il rencontra Jean Verlhac* et Jacques Chatagner. Il fréquenta le couvent de la rue Saint-Jacques et les Dominicains qui « sentent le soufre » : les pères Congar, Calvez, Chenu, Liégé… Il était aussi membre des « Équipes enseignantes » qui rassemblaient les chrétiens de l’enseignement public. Pendant une bonne décennie, Georges Gontcharoff conduisit une double bataille : au sein de l’Église contre le traditionalisme, l’esprit « bien pensant » et le pouvoir hiérarchique ; au sein des milieux laïcs, pour faire reconnaître la possibilité d’être à la fois chrétien et socialiste. À Colombes, repéré par Roger Beaunez*, membre du Mouvement de libération du peuple (MLP) qui habitait la même ville, il participa à la création de l’ADELS en 1959 et continua de militer dans cette association.

Pendant son service militaire, en Allemagne, il lisait France-Observateur et fut très marqué par les éditoriaux de Claude Bourdet*. Peu avant sa démobilisation, il le contacta et celui-ci lui conseilla d’adhérer à la Jeune République. Il fit alors partie du groupe JR de la Seine (Hauts-de-Seine) et, au niveau national, il seconda Jacques Nantet*, rédacteur en chef du journal du parti. C’est là qu’il apprit, sur le tas, les facettes du métier de journaliste : rédaction, mise en page, relations avec l’imprimeur, diffusion… À partir de la JR, il passa à la Nouvelle gauche, puis à l’UGS et au PSU, selon la filière classique. Au PSU, il fut d’abord proche des membres venus du MLP, comme Georges Tamburini*, Roger Beaunez, Henri Longeot*, Pierre Belleville* et Jean-François Kestler. Il se lia d’une profonde amitié avec Edouard Depreux* qui encouragea sa promotion politique. Dans le jeu des courants et des tendances, il était le plus souvent auprès de Gilles Martinet*.

Secrétaire très actif de la grosse fédération de Seine-Banlieue (62 sections dans les trois départements de la première couronne), Georges Gontcharoff consacra beaucoup d’énergie à faire le tour des communes pour créer et faire vivre des sections actives. Il s’appuya notamment sur les militants des paroisses, membres de l’Action catholique ouvrière (ACO) qui désiraient entrer en politique, au PSU plutôt qu’au PCF. Il fut aussi chargé par le bureau national, en duo avec Pierre Béregovoy*, de « descendre » dans les fédérations de province du PSU, pour aider à la fusion difficile entre les militants chrétiens et les militants non-chrétiens. Membre du comité politique national (CPN), dès 1963 et du bureau national (BN) à partir de 1966, il anima la commission « cadre de vie », qui construisit une véritable doctrine urbaine et une nouvelle question sociale du logement pour le PSU. Les « luttes urbaines » constituaient pour le parti un « second front de lutte » auprès du front de lutte principal mené dans l’entreprise. La commission reçut l’appui de sociologues comme Pierre-Henry Chombart de Lauwe* ou Henri Lefebvre. Le jeu des multiples casquettes militantes permit d’établir des passerelles très fructueuses entre le PSU, les GAM et l’ADELS sur ces problèmes. Le thème de la participation des habitants apparut alors, dans tous les aspects de la vie d’un quartier et particulièrement dans les quartiers d’habitat social dont on enregistrait déjà les premières dégradations graves. Georges Gontcharoff fut aussi engagé dans le club, puis dans le groupe interministériel « Habitat et vie sociale » qui réhabilitait les premiers grands ensembles. Après 1968, en co-responsabilité avec Jean-Marie Vincent*, il continua d’animer la commission « cadre de vie », dont le champ était élargi aux luttes urbaines, aux élections municipales et à la coordination des élus locaux du PSU. Dans ce cadre, il fut, entre autres, responsable de la campagne municipale de 1971 qui permit une première poussée du thème de la démocratie participative. En désaccord avec la ligne « gauchie » du parti, dénoncé comme droitier, il quitta le PSU, après le congrès de Lille, en 1971.

À partir de cette période, Georges Gontcharoff s’engagea, aux côtés notamment de Paul Houée, animateur breton du développement local, dans le « mouvement des Pays ». D’expériences locales d’auto-développement déjà nombreuses, il s’agissait de faire un mouvement d’ampleur nationale, officiellement reconnu. Ce fut le but des États généraux des pays organisés à Mâcon en 1982, conclus par Michel Rocard alors ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire. L’Association nationale pour le développement local et le pays (ANDLP) créée à l’issue de cette rencontre, devint une « tête de réseau nationale » des structures locales de développement et l’interlocutrice des pouvoirs publics. Entre 1982 et 1992, Georges Gontcharoff en fut le secrétaire national. En 1992, l’ANDLP fusionna avec la Fédération des Pays de France pour former l’Union nationale des acteurs et des structures du développement local (UNADEL) dont Georges Gontcharoff assura la secrétariat national de 1992 à 1997.

En 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, Georges Gontcharoff devint chargé de mission au ministère de la Solidarité nationale de Nicole Questiaux* puis de Pierre Bérégovoy. Il y resta jusqu’en 1983. Il participa à la petite équipe chargée de préparer les lois de décentralisation de l’action sanitaire et sociale et s’occupa particulièrement des relations nouvelles avec les élus locaux et les grandes fédérations associatives du secteur. Il prépara, entre autres, la transformation des bureaux d’aide sociale (BAS) en centres communaux d’action sociale (CCAS) ainsi que la redéfinition de la prévention spécialisée.

Concernant l’action locale et municipale, toute l’activité et la réflexion de Georges Gontcharoff s’opposaient à la fois au concept et à la pratique du « socialisme municipal » de la SFIO qui cherchait à faire le bien du peuple, mais sans le peuple, et au concept et à la pratique de « démocratie populaire municipale » du PCF. Selon lui, les citoyens peuvent, avec une pédagogie et une mobilisation sociale adéquates, « prendre leurs affaires en mains ». L’émancipation de l’homme et de la société ne se feront pas d’en haut, mais par l’auto-organisation des citoyens, par un mouvement « ascendant » de prises de responsabilités, par l’autogestion… Le renouvellement de la société commence par « le local ». Étranger à l’application de la pensée marxiste, Georges Gontcharoff trouvait plutôt ses supports idéologiques chez Emmanuel Mounier, le père Joseph Lebret, Henri Desroches*, Paolo Freire ou Ignacy Sachs.

Ses activités militantes conduisirent Georges Gontcharoff à participer à de très nombreuses opérations de formation auprès des instituts de formation des travailleurs sociaux et de mouvements d’éducation populaire, dans les universités (Jussieu, Dauphine, entre autres), au cycle supérieur d’aménagement et d’urbanisme de Science Po Paris, à l’ENA. Pour les mêmes raisons, il écrivit de nombreux ouvrages, dont une série sur la décentralisation aux éditions Syros, un ouvrage sur les relations entre les associations et les municipalités (L’Harmattan, 1988), un précis de vulgarisation du droit administratif destiné aux militants (L’Harmattan, 2003), un ouvrage de réflexion sur le RMI/RMA (ADELS, 2003), un autre sur la rénovation urbaine (ADELS, 2005) et, plus récemment, un gros volume décrivant l’histoire de 26 territoires en développement (ADELS, 2008).

Georges Gontcharoff marié, eut deux enfants et est sept fois grand-père.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88772, notice GONTCHAROFF Georges, Michel, René par Bernard Ravenel, version mise en ligne le 20 août 2010, dernière modification le 31 octobre 2021.

Par Bernard Ravenel

SOURCES : Journaux et ouvrages cités. — Témoignage de Georges Gontcharoff. — Notes de Gilles Morin.

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