HARVOIS Paul, André

Par Christian Hermelin

Né le 19 mai 1919 à Romery (Marne), mort le 22 novembre 2000 à Mende (Lozère) ; directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, professeur de l’enseignement supérieur agricole, fondateur du GREP (Groupe de recherche et d’Éducation pour la Promotion) ; promoteur d’un corps d’animateurs socioculturels de la fonction publique et des centres de promotion agricole.

Paul Harvois était le fils d’un cheminot, membre de la CGT, et d’une couturière de Belleville. il fréquenta des milieux politiques avec son père qui avait été exclu des chemins de fer au motif de sa participation active à la grève de 1910.

En 1939, Paul Harvois devint instituteur. Durant la période de l’Occupation, il fut actif dans la Résistance, et devint chef de secteur.

En 1945, il fut nommé inspecteur adjoint de l’éducation populaire dans l’Aisne et devint, par ailleurs, secrétaire général de la Fédération des œuvres laïques de ce département. Avec Roger Louis*, futur journaliste, personnalité importante de la télévision, il inventa et anima des télé-clubs, voués à une réception collective de la télévision alors naissante, dans un esprit de « culture populaire ».

En 1952, il fut promu directeur départemental de la Jeunesse et des Sports dans le département de la Haute-Marne. Occasion pour lui de rencontrer le jeune préfet Edgar Pisani, avec lequel il collabora à la construction et l’animation d’équipements socio culturels. Sa carrière à la Jeunesse et les Sports allait suivre son cours : en 1958, il fut affecté à la direction du CREPS (centre régional d’éducation physique) d’Houlgate (Calvados), puis, en 1960, au centre d’éducation populaire de Phalempin (Nord).

Durant toutes ces années, Paul Harvois, outre les actions et les innovations qu’il conduisit en matière de promotion et d’éducation, demeura un membre actif de « Peuple et culture ». Il collabora avec Joffre Dumazedier pour concevoir et mettre en place des stages « d’esthétique de la vie quotidienne », une orientation qui devait constituer un axe central de ses aspirations en matière socio-éducative.

Vint le moment d’une importante rupture, résultat d’un conflit avec les autorités de Jeunesse et Sports en raison d’ un désaccord à propos de l’animation du Creps d’Houlgate. Il voulait introduire une dimension culturelle dans la formation des professeurs d’éducation physique et entra en lutte spectaculaire et médiatisée avec son autorité de tutelle, d’où son exclusion et sa nomination à Phalempin ! Comme l’écrit Jean-François Chosson*, c’était un homme baroque au sens esthétique du terme …son parcours mêlant intimement activités professionnelles, militantes et familiales, a toujours été fait de ruptures, de tempêtes contre les routines bureaucratiques.

Il fallait sans doute un homme politique de la trempe d’Edgar Pisani, qui l’avait connu en Haute-Marne, pour mettre fin à sa disgrâce. Ce dernier était devenu ministre de l’agriculture en 1962, chargé par Michel Debré et le Général De Gaulle, de donner corps à la loi d’orientation agricole votée en 1960. Il prit Paul Harvois à son cabinet comme chargé de mission, puis le nomma chef du bureau de la Promotion sociale et des activités culturelles.

Sous l’inspiration d’Harvois furent alors fondés et construits, auprès des lycées ou collèges agricoles, des centres socio-culturels et des centres de formation professionnelle de promotion agricole (CFPPA) ; une filière de formation d’ingénieurs par la voie de la promotion sociale fut mise en place et un corps d’animateurs et professeurs d’éducation culturelle sur concours de la Fonction publique fut créé. Dans cette période de grande effervescence, une association fut fondée pour accompagner ces actions, le GREP (Groupe de Recherche et d’Éducation pour la promotion), avec des économistes, sociologues, musiciens, plasticiens … À l’instar de « Peuple et Culture », Paul Harvois organisa par le truchement du GREP les "universités agronomiques de Printemps" qui rassemblaient les promotions sortantes des grandes écoles du ministère de l’Agriculture. C’est alors qu’il fut nommé professeur à la chaire d’ éducation des adultes de l’École nationale des sciences agronomiques de Dijon (ENSSAA), et créa un Institut national (INPSA) chargé de la formation par la voie de promotion sociale et de celle, après concours, des personnels de l’animation socioculturelle.

Une nouvelle rupture marqua le parcours de Paul Harvois. Il fut vivement attaqué par des partisans de l’ordre à la suite des événements de 1968 et dut alors se replier sur le GREP. Une incompréhension se manifesta alors avec certains membres de son équipe qui, tout en soutenant son action, entendaient coûte que coûte poursuivre le projet harvoisien. Le GREP prenait quant à lui un nouvel essor avec la publication régulière de la revue POUR. Se rassemblèrent alors autour du GREP et de la revue une pléiade d’universitaires, de créateurs et de personnalités.

Des orientations personnelles et familiales prirent pour lui une place de plus en plus importante : l’architecture, le paysage, l’esthétique de la vie quotidienne. En 1970, il présida une commission interministérielle pour la création d’un institut du paysage. Dans les Cévennes, il s’organisa une résidence familiale à Florac qui devint le lieu de sa retraite, à partir de 1985 où on le retrouvera actif dans la vie locale, prenant sa part, comme vice-président, aux destinées du Parc national des Cévennes, travaillant à rebâtir un hameau sur les contreforts cévenols. C’est à Florac, qu’en 1990 il fut fait officier de la Légion d’honneur, au titre de l’environnement, par Edgar Pisani, et c’est encore là dans sa Thébaïde, pour reprendre l’expression de Jean-François Chosson, qu’il finit sa vie et fut enterré dans la terre familiale aux côtés de son épouse et de son fils.

En toutes occasions d’importance, Paul Harvois procédait à la plantation d’un arbre. Geste fortement symbolique, d’enracinement et d’appréhension de l’espace. L’action administrative et politique s’accompagnait chez lui d’une mystique laïque, au sens le plus noble.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88808, notice HARVOIS Paul, André par Christian Hermelin, version mise en ligne le 22 août 2010, dernière modification le 21 novembre 2021.

Par Christian Hermelin

SOURCES : Cette notice reprend pour une large part celle qu’avait rédigée Jean-François Chosson pour le Dictionnaire biographique des militants, L’Harmattan, 1996. — Jean-François Chosson. La mémoire apaisée, L’Harmattan, Peuple et Culture, 2002. — Bernard Patoureaux, Monique Rebillet, Chantale Veleine, « Du mythe Fondateur aux contrats de Plan », in Cahiers de l’Animation, « Animateurs d’Aujourd’hui », 1984, N° 44-45.

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