Par Laurent Gutierrez
Née le 15 septembre 1919 à Paris (XVIe arr.), mort le 3 mai 1980 à Sèvres (Hauts-de-Seine) ; enseignante ; Guide de France et militante de l’éducation nouvelle à la Source (Meudon).
Fille de Pierre, Jacques Jasson, et de Marie, Charlotte Rambour, d’une famille bourgeoise de confession catholique. Françoise Jasson fit ses études secondaires dans le lycée de jeunes filles Molière. Parallèlement, elle s’engagea, dès l’âge de douze ans, dans le mouvement des Guides de France où, nommée cheftaine, elle eut la charge d’une unité de guides. En juin 1937, elle obtint son diplôme de « jardinière d’enfants – éducatrice ». Après un court passage dans une école de puéricultrice « Le Bastion 42 », boulevard Bessières (XVIIe), elle entra, à l’âge de dix-huit ans, dans le cours privé catholique Louise de Bettignies. Cette première expérience qui se poursuivit entre octobre 1940 et juillet 1945, où elle a la charge de la classe de 11e, l’amena à développer ses qualités d’éducatrices.
Conjointement à son activité de jardinière d’enfants, Françoise Jasson reprit ses études et obtint, successivement, en 1943, son baccalauréat (Série A’ : Philosophie – Lettres) puis, en 1944, un certificat d’études supérieures de psychologie. Intéressée par les questions de pédagogie et de psychologie de l’enfant, elle se rendit durant cette année universitaire 1945-1946 à l’Institut catholique de Paris, afin d’assister aux cours publics du père Chatelain, avec qui elle s’entretint sur sa vocation.
En novembre 1946, ce dernier lui proposa de prendre la direction d’une classe unique dans un appartement parisien chez une jeune mère de famille. Durant 10 mois, elle assura seule l’enseignement de cette classe unique qui connut de multiples déménagements, avant de s’installer dans l’école paroissiale de Saint-Germain des Prés. Dans le même temps, prenant à cœur ses responsabilités de cheftaine chez les Guides de France, Françoise Jasson rédigea des articles dans la revue du mouvement : Feux de France. Elle y abordait notamment la question de La liberté au camp où elle se référait à un précédent voyage en Angleterre qu’elle avait fait au mois d’août 1945. Convaincue de la nécessité d’introduire les méthodes actives dans la formation des Guides, Françoise Jasson prit, peu à peu, de nouvelles responsabilités au sein de ce mouvement où elle devint membre de l’équipe nationale chargée de l’âge de l’adolescence. En 1948, Françoise Jasson, âgée de vingt-neuf ans, entreprit des démarches administratives afin de pouvoir diriger cette école de La Source dans le cadre de son transfert à Meudon. Souhaitant néanmoins suivre les élèves dont elle avait jusqu’ici la charge, elle continua de leur faire la classe jusqu’en 1952. Toujours de façon conjointe à ses responsabilités administratives et d’enseignement, elle collaborait à la revue de l’École nouvelle française dirigée par François Chatelain et Roger Cousinet. Dans les articles qu’elle rédigea, elle aborda essentiellement les questions et les difficultés qui traversaient alors la vie de l’établissement. De cette manière, elle dressa un bilan annuel destiné à tous les partenaires de l’école où elle ne manqua pas de mettre en avant les progrès réalisés.
À la rentrée 1952, Françoise Jasson s’inscrivit à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’université de Paris où elle suivit les cours de Roger Cousinet et obtint, à trente-quatre ans, le certificat d’études supérieures de « psychologie de l’enfant et pédagogie ». La même année, elle assista aux conférences de Maurice Debesse, des docteurs Dublineau et Corman, ainsi qu’à celles du professeur Heuyer dans le cadre de la formation dispensée par l’École des parents. Au cours de l’année scolaire 1954-1955, elle suivit les cours de Lagache abordant les problématiques psychanalytiques appliquées à l’éducation, de Durandin sur la psychologie sociale et d’Anzieu traitant de l’analyse fonctionnelle de l’intelligence. Parallèlement à cette formation universitaire complémentaire, Françoise Jasson accueillit annuellement, au mois de septembre à La Source, les stages de l’École nouvelle française. Françoise Jasson s’inscrivait ainsi résolument dans une optique de recherche sur la voie tracée par les pionniers de l’éducation nouvelle et plus particulièrement par Roger Cousinet. Dans cette perspective, elle présenta, en janvier 1955, un certain nombre de projets éducatifs en œuvre à La Source lors de conférences de l’École nouvelle française à Grenoble puis à Genève. Soucieuse de ne pas s’isoler, et afin de mieux situer les tentatives pédagogiques en cours à La Source, elle assista, le 20 septembre 1955, au congrès annuel du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN).
En 1956, lors des dix ans de La Source, Françoise Jasson, entourée de son équipe, enregistra un bilan positif ; elle pensait avoir répondu aux espoirs et à la confiance des fondateurs ainsi qu’aux attentes des parents qui lui avaient confié leurs enfants. Ce succès s’expliquait, en partie, par le fait qu’elle était convaincue de l’importance qu’il fallait donner à la formation continue des professeurs. Dans cette perspective, elle organisa des stages dans les autres écoles nouvelles de la région parisienne. En 1958, elle anima avec Simone de Froment les réunions du mercredi de La Source. D’autre part, Françoise Jasson était très attentive à la qualité du milieu de vie au sein duquel évoluent les enfants. Un partenariat naquit d’ailleurs en 1950 entre l’École nouvelle française et les « Ateliers éducatifs » du Claireau dont elle fit partie des conseillers techniques.
En 1959, la Loi Debré sur la création des contrats d’association avec l’État pour les écoles privées fut votée. S’engagea alors au sein de l’établissement, tout un débat sur les avantages et les inconvénients d’une telle adhésion. Françoise Jasson alla, à ce niveau, avec l’aide de Yves Delavesne (président directeur général de la société anonyme de La Source), négocier un certain nombre de dérogations garantissant l’originalité pédagogique de l’établissement (assouplissement de la notion stricte de programme, suppression des cloisonnements entre les disciplines, continuité des méthodes, primauté donnée au travail personnel sur l’enseignement magistral, classe de 25 élèves maximum, libre choix des maîtres par l’école avec une période probatoire d’un an, etc.). Ce « bras de fer » dura plus de deux ans. Forte de cette expérience, elle participa et aida, par la suite, d’autres directeurs et directrices d’écoles nouvelles à négocier leurs contrats d’association avec l’État. Durant ces années particulièrement pénibles du fait de la réflexion amorcée autour de la remise en cause de l’autonomie d’action des écoles nouvelles et de la nécessité du compromis pour pouvoir continuer, elle poursuivit son travail avec la même conviction. Dans cette optique, elle participa à la préparation des stages de l’ École nouvelle française, soutint la documentation de l’école, favorisa les rencontres avec les autres tenants de l’éducation nouvelle issus aussi bien de l’enseignement public que privé, accueillit les visiteurs lors des portes ouvertes, encouragea les expositions annuelles où élèves, parents et enseignants se retrouvaient, etc. Persuadée de la nécessité de former des maîtres pour les écoles nouvelles, Françoise Jasson allait, au cours des années soixante, mener de nombreuses actions dans cette direction. Dans cette optique, elle continue de s’intéresser aux travaux menés par le GFEN et témoigner dans diverses facultés (Sorbonne, Nanterre, Lyon, etc.) des recherches pédagogiques en cours à La Source. En mai 1966, elle participa aux travaux du Comité de liaison pour l’éducation nouvelle (CLEN) en tant que représentante de la pensée Cousinet.
Mais, c’est deux ans plus tard que fut créée, sur son instigation, l’Association pour le développement de l’éducation nouvelle à l’école (ANEN). Cette dernière, destinée à unir plus étroitement des écoles nouvelles françaises travaillant dans le même sens que La Source, donna la possibilité à Françoise Jasson de réaliser un de ses rêves les plus chers : la fondation d’un centre d’avant-garde de formation à l’éducation nouvelle (CFEN). Dans le cadre de ces institutions, elle mit sur pied des cours ainsi que des stages d’initiation à l’Éducation nouvelle auxquels vinrent s’ajouter des stages de praticiens. En 1974, après consultations, elle s’aperçut qu’il lui était nécessaire de quitter ses fonctions de directrice de La Source, afin de donner une nouvelle vie à cette école. Elle fut remplacée par un jeune directeur, Yves Brunel. Entre-temps, elle fit le nécessaire dans le cadre d’un partenariat à venir avec l’État concernant le statut d’école expérimentale de l’école.
Le 3 mai 1980, Françoise Jasson décéda d’une tumeur au cerveau dans un hôpital parisien. Au cours de ses obsèques, le 8 mai 1980 en l’église Notre-Dame-de-Bellevue, à Meudon, nombreux furent ceux qui lui rendirent hommage.
Par Laurent Gutierrez
SOURCES : Fonds F. Jasson (archives privées), École nouvelle de La Source. — Archives des Guides de France.