HALBEHER Aimé

Par Robert Kosmann

Né le 16 mars 1936 à Paris (XIVe arr.), mort le 3 août 2021 à l’hôpital Saint-Antoine de Paris (XIIe arr.) ; ajusteur outilleur ; responsable CGT chez Renault et à la Fédération des Métaux, animateur de l’occupation de l’usine de Billancourt en 1968 ; militant communiste, membre du comité central du PCF (1976-1987), rédacteur en chef de la revue Économie et Politique ; co-fondateur de l’organisation Rouges vifs.

Fils de Roger Halbeher, machiniste sur bois, sympathisant communiste, et d’Émilienne Halbeher, soudeuse, Aimé Halbeher vécut dans un environnement ouvrier, dans le douzième arrondissement parisien. Titulaire du Certificat d’études primaires en 1950, il adhéra à l’UJRF (Union de la Jeunesse Républicaine de France) au début de l’année 1951 et entra chez Renault par concours, attiré par la réputation militante de cette grande usine. À l’école d’apprentissage Renault, en septembre 1950, dès quatorze ans, il vécut les manifestations pour la libération d’Henri Martin, puis les grèves violentes de 1950, 1952 et 1953 à Billancourt. Ces conflits, parfois minoritaires, l’incitèrent ensuite à davantage d’efficacité dans la conduite des grèves. Après l’obtention du CAP en 1953, il occupa un poste d’ajusteur outilleur au département 37 dans l’île Seguin.

Il donna son adhésion à la CGT en 1954 et au PCF la même année. Il fut mobilisé en Algérie pour 30 mois, en 1956, et fut nommé sergent en 1958 malgré des phases « d’agitation » auxquelles il participa au départ de sa compagnie et son comportement en réaction à la rébellion factieuse et à la venue au pouvoir du général de Gaulle. De retour chez Renault en janvier 1959, il fut élu délégué du personnel de mars 1960 à mars 1963. Alors que son licenciement pour propagande syndicale à l’atelier avait été prononcé, la grève massive des ouvriers de son atelier fit reculer la direction. En 1961 il devint secrétaire général adjoint du syndicat CGT de Renault Billancourt, membre de la direction de la Fédérale de la Métallurgie CGT et du comité de la fédération Seine-Ouest du PCF. Aimé Halbeher quitta l’usine en mars 1963 pour assurer l’ensemble de ces fonctions en tant que permanent. Il suivit, un peu plus tard, l’école centrale de quatre mois du PCF, d’octobre 1964 à février 1965. Il fut ensuite élu secrétaire général du syndicat CGT du groupe des usines Renault en France, en mars 1967.

En mai 1968 Aimé Halbeher participa aux initiatives d’occupation de l’usine de Billancourt qui dura 33 jours et 34 nuits à partir du 16 mai. Il fit voter par les 20 000 salariés présents l’occupation reconductible de la grève au nom des trois syndicats CGT, CFDT, FO. Avec la majorité des militants CGT, il s’opposa à l’entrée dans l’entreprise des étudiants d’extrême gauche qui avaient organisé une marche sur Billancourt. Le 27 mai, après les discussions de Grenelle, il proposa la poursuite de la grève face aux résultats que la grande majorité des ouvriers de Billancourt jugeait insuffisants. Ce n’est que le 18 juin après des négociations améliorant en interne le constat de Grenelle qu’on enregistra la reprise du travail dans l’usine.

En 1972, Aimé Halbeher devint permanent à la Fédération CGT de la Métallurgie, responsable du secteur automobile, mais en mars 1975 il souhaita retourner chez Renault où il retrouvait une plus grande proximité avec le groupe ouvrier. En mars 1976, il prit la responsabilité de la direction de la section PCF de Renault-Billancourt. Quelques mois auparavant, lors du XXIIe congrès du PCF (janvier 1976), il avait été élu membre suppléant du Comité central ; il fut désigné comme titulaire au congrès suivant, en 1979 et siégea jusqu’en 1987. Il fut candidat aux élections cantonales de Boulogne Sud en juin 1976. Il fut ensuite tête de liste aux élections municipales à Boulogne en 1977 et candidat aux élections législatives en 1978.

En juin 1981, lorsque Georges Marchais lui proposa de travailler à la Section économique du PCF, il quitta la section Renault pour le siège de la Place du colonel Fabien et devint rédacteur en chef de la revue Économie et Politique, au sein d’un collectif d’économistes marxistes. En dehors de cette fonction, il se spécialisa dans les questions sociales et relevant du secteur automobile. Il assuma cette responsabilité de 1983 à 1990.

Peu à l’aise avec la participation des communistes au gouvernement d’Union de la gauche depuis 1981, Aimé Halbeher exprima des divergences croissantes avec la direction du parti, à partir du milieu des années 1980. A l’intérieur du collectif d’économistes de la revue, il s’opposa également à ce qu’il désignait comme la « dérive européenne institutionnaliste de Philippe Herzog » qui, selon lui, abandonnait « l’intervention des travailleurs sur les critères de gestion financiers des entreprises ». Il se déclara en désaccord avec la ligne politique de Robert Hue et à la « mutation » du PCF qui « faisait baisser la barre des exigences du monde du travail pour favoriser les rapprochements avec la social-démocratie française et européenne. Les cellules d’entreprises étant amenées à disparaître et le PCF à devenir un parti d’élus, plus ou moins soumis au PS et tournant le dos à l’intervention populaire ». En 1990, il quitta la section économique et demanda à travailler au secteur « entreprise » du PCF puis en 1994 au secteur « emploi ».

En 1997, il manifesta sa rupture définitive et créa, avec des militants oppositionnels, l’organisation Rouges vifs qui se développa en France, tant dans les fédérations que dans les sections du PCF. C’est au sein de la Fédération de Paris que les désaccords avec la ligne de Robert Hue furent les plus importants. Au printemps 2001, la nouvelle organisation comptait 2 000 soutiens et Aimé Halbeher fit partie de sa direction nationale. Des désaccords apparurent ensuite entre les partisans d’une rupture totale avec le PCF et ceux qui voulaient mener le combat d’idées à l’intérieur de celui-ci. Finalement l’organisation périclita, faute de moyens et de militants disponibles à s’investir. Aimé Halbeher quitta la direction et l’organisation qui se maintint toutefois, très affaiblie.

Sur un plan familial, Aimé Halbeher se maria en décembre 1975 avec Béatrice Le Bray, assistante de direction, et ils eurent deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88891, notice HALBEHER Aimé par Robert Kosmann, version mise en ligne le 25 août 2010, dernière modification le 26 octobre 2021.

Par Robert Kosmann

ŒUVRES : Rédacteur en chef d’Économie et politique en 1985-1989, il y publia de nombreux articles.

SOURCES : Arch. Comité national du PCF. — Arch.PPo. — Claude Poperen, Renault, regards de l’intérieur, Editions sociales, 1964. — Jacques Fremontier, La Forteresse ouvrière : Renault, Fayard, 1971. Laurent Joffrin, Mai 68, une histoire du mouvement, Seuil, 1988. — Gilbert Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Éditions JCM. — Entretien et correspondance avec Aimé Halbeher, octobre 2011. — Site histoire et société. — Site Pages à idées rouges

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