JAQUIER Maurice

Par Justinien Raymond

Né le 28 janvier 1906 à Paris XIVe arr., mort le 3 octobre 1976 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; métreur ; militant communiste, puis socialiste SFIO, puis socialiste révolutionnaire, puis de nouveau communiste de la Seine ; résistant ; militant syndicaliste de la Sarthe ; membre du Parti socialiste unifié (PSU).

Maurice Jaquier était issu d’une famille dont le grand-père et la grand-mère étaient venus en France, du canton de Vaud, par la Hollande. Son père, qui avait opté pour la Suisse, était un petit entrepreneur à la fois protestant, « patriotard » et viveur. Après les études élémentaires, Maurice Jaquier fréquenta l’école Lavoisier, une des écoles primaires supérieures de la ville de Paris. Il la quitta à l’âge de quinze ans, en juin 1921 : son père subvenait difficilement aux frais, mais surtout, mal orienté, le fils ne « mordait » pas aux études. Tout en suivant des cours professionnels, il travailla dans une entreprise paternelle de trente ouvriers dans le XIIIe arrondissement de Paris dans laquelle il créa un groupe communiste dès 1921. Il vendit des journaux, fréquenta des milieux anarchistes, lut Le Manifeste communiste, suivit les élections, invalidées, d’André Marty. Aux Jeunesses communistes, il se spécialisa dans l’antimilitarisme et l’œuvre du Sou du Soldat.

Maurice Jaquier était métreur dans une entreprise, quand il fut appelé en 1926-1927 au service militaire dans l’armée d’occupation à Mayence où il continua son travail antimilitariste. Au retour, il reprit son métier, se maria en mai 1928. Pendant cette période de pratique sectaire du Parti communiste, il rencontra des socialistes de gauche partisans de l’unité d’action. En janvier 1930, il adhéra à la 14e section de Paris du Parti socialiste SFIO. Il s’y classa toujours à gauche. En 1933, après l’exclusion des « néos » et de la tendance d’extrême gauche, « Action socialiste » (de Mallarte et Périgaud), Jaquier créa, avec quelques camarades ouvriers et techniciens, le CSAR (comité socialiste d’action révolutionnaire). Sa vie allait bientôt prendre un nouveau cours. À la suite de changements intérieurs dans la Maison Claude Paz et Silva où il était métreur, il fut promu chef de service. Une grève ayant éclaté, il la soutint, fut licencié, créa un bureau d’études qui, vaille que vaille, lui permit de mener, de 1934 à 1939, une vie de révolutionnaire professionnel dans laquelle il se lança à corps perdu. À l’automne de 1934, il gagna les Asturies, en Espagne, pour aider les mineurs soulevés. Pris les armes à la main, emprisonné, il s’évada et, sur une barque de pêche, put regagner la côte française.

Au sein du Parti socialiste, Maurice Jaquier fut un des premiers à se joindre à la Gauche révolutionnaire derrière Marceau Pivert ; il en fut le trésorier et l’administrateur de la revue du même nom. Il se trouvait au camp international des Faucons Rouges, à Cap-Breton, quand il fut chargé d’une mission d’information en Espagne où venait d’éclater la révolte du général Franco. À son retour, il informa Marceau Pivert de la pénurie d’armes dans le camp républicain. Puis il obtint une entrevue de Léon Blum, en présence de Jules Moch* : dans un accoutrement volontairement négligé, il adressa au président du conseil une mercuriale violente. Comme Léon Blum avait justifié la politique de non-intervention par le désir de « piquer d’honneur » les puissances fascistes, Jaquier lui jeta : « On ne pique pas d’honneur des bandits. » Au prix d’efforts ininterrompus, de palabres, de démarches, utilisant douaniers et cheminots, polémiquant avec le préfet des Pyrénées-Orientales, Maurice Jaquier contribua de façon efficace à faire passer en Espagne, dans le camp républicain, outils, armes et munitions. Tout ce qu’il collectait allait au Comité central des milices. Jaquier mit son action en sommeil quand il estima que la Révolution était « trahie » par les « staliniens ».

Le 23 janvier 1938, la Gauche révolutionnaire ayant conquis la Fédération de la Seine, Jaquier appartint à sa commission exécutive. Après le congrès de Royan qui prononça l’exclusion de Marceau Pivert et de ses amis, Jaquier se trouva avec eux au PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) qu’il aurait voulu appeler Parti socialiste révolutionnaire. Il fut son secrétaire administratif. La guerre et l’Occupation venues, il passa dans l’action clandestine. Arrêté en décembre 1939 avec huit autres militants du PSOP, il fut condamné à cinq ans de prison. Sa captivité dura deux ans en trois fois. Il était à la prison de la Santé quand les Allemands arrivèrent à Paris. Passé en zone non occupée, il habitait dans un mas délabré des Cévennes quand il fut arrêté à Alès et conduit à la prison militaire de Montluc puis à Fort-Vancia (Ain). Traduit devant le tribunal militaire de Lyon en mars 1943, il fut acquitté, mais il lui restait à purger trois ans de prison pour ses condamnations antérieures. Transféré à la prison de Nontron, près de Périgueux, il bénéficia d’une remise de peine. Au cours de son action de résistant, il s’était lié au MNR (Mouvement national révolutionnaire), à la création duquel il avait participé, puis au Front national, enfin à Ceux de la Résistance (CDLR). En février 1944, il regagna son mas aux Camps, dans les Cévennes.

À la Libération, Jaquier fut conseiller municipal aux Plantiers (Gard). Puis il regagna Paris, adhéra à la IIIe section du Parti communiste, dans un souci d’efficacité. Il n’y resta que sept mois. La vie lui fut alors difficile ; les années de lutte avaient brisé son foyer. Il trouva du travail au Mans (Sarthe), adhéra en juillet 1949 au syndicat du Bâtiment CGT, et il entra au bureau de l’Union départementale des syndicats confédérés de la Sarthe. En janvier 1955, il adhéra au MLP (Mouvement pour la libération des peuples) qui le conduira à l’UGS (Union de la gauche socialiste) puis au PSU (Parti socialiste unifié). En mai 1968, il participa aux grèves du Mans et aux élections législatives partielles d’octobre 1969 dans la 4e circonscription de la Sarthe où il fut le candidat de principe du PSU. Il quitta le Mans le 30 mai 1971 pour une retraite provençale mais il continua à militer, aidant les mouvements sociaux, du Joint Français, de Péchiney, de Lip et du Larzac.

Son nom est souvent écrit par erreur « Maurice Jacquier ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88990, notice JAQUIER Maurice par Justinien Raymond, version mise en ligne le 31 août 2010, dernière modification le 14 août 2022.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Maurice Jaquier, Simple militant, dossiers des lettres nouvelles, Denoël, Paris, 1973, 356 p. — Jean Rabaut, Tout est possible, op. cit., pp. 208, 209, 348, 360. — J.-P. Joubert, À contre-courant Le Pivertisme..., op. cit. Thèse de Sciences Politiques, Grenoble, 1972. — Le Monde libertaire, décembre 1976.

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