JACQUET Albert-Vincent. Pseudonyme Albert VINCENT

Par Jean Maitron

Né le 28 septembre 1881 à Bourgoin (Isère), mort le 11 juillet 1955 à Paris (Ier arr.) ; instituteur ; d’abord patriote, puis syndicaliste non conformiste.

Albert-Vincent Jacquet était le fils de Dominique Vincent, instituteur public, et de Mélanie Brun, directrice d’une école libre. Sa famille était de vieille souche paysanne ou artisanale dauphinoise. Son père fut longtemps conseiller départemental ; en 1905, trésorier de l’Entente des conseillers départementaux, il signa le Manifeste des instituteurs syndicalistes. Albert-Vincent Jacquet perdit, en 1891, sa mère et demeura, avec une sœur et un frère de quelques années plus jeunes ; son père se remaria et il en souffrit. Après avoir suivi les cours de l’école professionnelle Vaucanson, le jeune homme entra à l’École normale d’instituteurs d’où il sortit en 1899 mais, assez malade, il ne débuta que le 1er janvier 1900 dans le Rhône puis, en 1903, exerça en Afrique du Nord.

Il revint en France après s’être marié le 2 juillet 1906 avec une institutrice exerçant dans le Sud-Oranais et enseigna dans l’Isère puis dans le Rhône. Syndicaliste, influencé par Proudhon, Péguy, Sorel, les syndicalistes révolutionnaires de la CGT, Jacquet se montra très antidémocrate et se rapprocha de l’Action française. En 1912, sous le nom d’Albert Vincent, il publia Les Instituteurs et la démocratie.

Demeuré patriote, Jacquet partit à la guerre, sinon avec joie, du moins avec résolution. Il se convertit au catholicisme et, le 9 juillet 1917, se maria religieusement. Mais sa femme mourut deux ans plus tard, le 24 février 1919, à trente-six ans, de la grippe espagnole et Jacquet resta seul avec cinq enfants dont une fillette en bas âge ; il était alors instituteur à Saint-Igny-de-Vers (Rhône) [1912-1921]. Il publia néanmoins, toujours sous le pseudonyme d’Albert Vincent (ses deux prénoms), un second livre, L’École rurale de demain, 1920.

De son passage à Saint-Igny, Louis de Montadon dit de lui : « il ne leur inculquera pas le goût pervers du savoir, ni du luxe, ni du plaisir, il leur apprendra les vertus nécessaires à leur état » (ETUDES du 20 janvier 1922, revue fondée par des Pères de la Compagnie de Jésus, article : "Chronique des lettres âmes paysannes et tableaux rustiques de Louis de Montadon").

Ayant démissionné de son syndicat le 6 juillet 1919, il écrivit alors dans un bulletin professionnel de tendance maurrassienne La Revue de l’École et participa aux activités lyonnaises du groupe de professeurs catholiques mais, dès janvier 1922, cessa cette collaboration. De même, il s’interrogea sur les responsabilités de la guerre.

Il changea ensuite complètement d’orientation, reprit sa carte syndicale mais au syndicat unitaire puis, avec Édouard Berth, se rapprocha du syndicalisme révolutionnaire de la Révolution prolétarienne de Pierre Monatte. C’est alors qu’il écrivit Refus de parvenir qui sera publié, après sa mort, en 1956 par « l’Amitié par le livre ».

Il avait présenté son manuscrit à l’historien Marc Bloch avec lequel il entretenait une relation amicale et culturelle. Il suivait avec une grande attention la revue des Annales et y publiait parfois. Bloch prêta attention à son roman que l’auteur proposait d’appeler "Notre belle maison" ou "Notre vieille maison" ; Bloch suggéra de mettre l’accent sur le "Refus de parvenir", idée reprise par ses éditeurs, en particulier par Pierre Monatte. En décembre 1941, Bloch assura à Lucien Febvre être « en grande et d’un côté au moins, longue correspondance avec Jacquet, l’instituteur : pittoresque et sympathique bonhomme, auquel il manque, malgré tout, je ne sais quel parapet (garde-fou serait trop injuste). Mais quel goût de la culture : de quoi faire rougir, si elles en étaient capables, les cinq académies. »

Dans La Révolution prolétarienne du 25 mai 1935, Jacquet se prononçait clairement pour l’internationalisme : « Seul, le syndicalisme international peut briser les frontières [...]. Seul, il est révolutionnaire, sachant bien que le socialisme ne peut se réaliser dans le cadre d’une nation ».

Dénonçant « les ambitions de l’Église », il découvrit « une autre Église, rouge celle-là, l’Église stalinienne » et les dénonça.

En 1934, ayant glissé sous un train en gare de Villefranche-sur-Saône (Rhône), il eut les deux jambes écrasées et fut, pendant les vingt dernières années de son existence, un invalide. Il n’eut « aucune complaisance pour le régime de Vichy » et se retrouva, après 1945, poursuivant sa collaboration à la Révolution prolétarienne, y défendant le même syndicalisme révolutionnaire au nom duquel il condamnait toujours le stalinisme (J. Bastaire, op. cit).

Albert-Vincent Jacquet mourut le 11 juillet 1955 et fut enterré civilement « après qu’un pasteur protestant eut récité une prière sur son cercueil ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88992, notice JACQUET Albert-Vincent. Pseudonyme Albert VINCENT par Jean Maitron, version mise en ligne le 31 août 2010, dernière modification le 30 septembre 2022.

Par Jean Maitron

ŒUVRE : Les ouvrages cités en cours de biographie et de nombreuses collaborations.

SOURCES : Arch. Bourse du Travail de Lyon. — La Révolution prolétarienne, décembre 1950, juillet-août 1955, septembre 1955, mai 1956. — Jean Bastaire, « Autour du syndicalisme révolutionnaire. Un disciple de Péguy : A.-V. Jacquet », Centre de Philologie et de Littératures romanes, XV, 2, Strasbourg, 1977. — Sarah Al-Matary, en collaboration avec Michel Prat, "Une lettre de Marc Bloch (1941). Autour d’un roman d’A.-V. Jacquet", Revue Mille neuf cent, n°37, Refus de parvenir, 2019. — État civil. — Notes d’Alain Dalançon et de Julien Chuzeville.

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