Par Jean Maitron, Claude Pennetier
Né en 1915 en Roumanie, mort en 1982 (ou en 1995) ; directeur de France-Navigation.
Les origines de Igoin sont mal connues. Il serait né à Tragul-Frumos (Roumanie) le 10 février 1915 et aurait été naturalisé le 24 décembre 1938 sous le nom de Igoin. Mais, il aurait déclaré être né le 3 février 1911 sur le navire Amiral-Tréville, lors d’un procès intenté pour retrait de naturalisation, procès qu’il gagna avec l’aide de Maître Maurice Garçon. Par ailleurs l’historien espagnol Andreu Castells écrivit, en 1974, que combattant des Brigades internationales, " Igoin mourut sur le front de Teruel et que ses papiers furent repris par David Jaller, d’origine roumaine ", futur " directeur de France-Navigation " (Las Brigadas Internacionales de la guerra de Espana, op. cit., pp. 404 note 15 et 438). Il paraît cependant surprenant que les papiers d’un militant mort au début de l’année 1938 permettent une naturalisation dès décembre 1938. Mais ce n’est pas impossible car il existe des cas proches.
Toujours selon Castells, Igoin était en Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale (p. 404). Il aurait été membre du cabinet de Fernand Grenier à Alger.
On le retrouve à la Libération collaborateur des ministres communistes François Billoux et Charles Tillon au ministère de l’Air (il était semble-t-il à la direction de l’aéroport de Paris) et à celui de la Reconstruction. Proche de Jean Jérôme*, il s’occupa dans les années 1950 de nombreuses sociétés commerciales comme la Société européenne pour l’industrie et le commerce, la Société de construction et d’ouvrages préfabriqués, la Société parisienne de banque (qui sauva Robert Hersant de la faillite en 1953) devenue Cofpa (absorbée en 1967 par la Banque Rothschild) et la Société parisienne d’investissement immobilier. Son rôle fut important dans la vente des bateaux de France-Navigation, société créée par le PCF en 1937. Entré au conseil d’administration en décembre 1952, il négocia la liquidation de la flottille, navire par navire, et se chargea vraisemblablement de placer une partie des fonds dans des sociétés commerciales et bancaires. Le 21 mai 1955, la police — à l’initiative de la DST — intriguée par ses capacités financière, l’arrêta pour atteinte à la sécurité de l’État ; il fut relâché au bout d’un mois.
On ignore à quel moment et dans quelles conditions ses liens se sont distendus avec le monde communiste.
Il fut ensuite un homme d’affaire influent, en liaison avec Hersant et Lagardère, bien implanté dans l’Algérie indépendante.
Albert Igoin a été un très discret actionnaire du quotidien Midi Libre entre 1967 et 1982. Il avait investi dans le capital à hauteur de 9,6 % sous couvert d’une société écran, Etarci (Études d’applications des relations collectives interindividuelles) dont le siège parisien correspondait à un garage. Igoin, qui ne vint jamais aux assemblées générales des actionnaires, revendit ses actions à Robert Hersant au moment où celui-ci tenta, sans y parvenir, de prendre le contrôle du quotidien montpelllérain.
Par ailleurs les journalistes Romain Gurbert et Etienne Saint Martin racontent dans leur livre consacré à l’affaire Madoff Et surtout n’en parlez à personne, Albin Michel) qu’Igoin a mis le pied à l’étrier de Madoff qui fit ses débuts de spéculateur en France.
Il avait, dit-on, une importante fortune.
Marié, il était père d’une fille qui est psychiatre aux États-Unis.
Par Jean Maitron, Claude Pennetier
SOURCES : H. Coston, Dictionnaire de la politique française, t. 1, 1967 ; Dictionnaire des dynasties bourgeoises et du monde des affaires, Ed. Alain Moreau, 1975 . — Andreu Castells, Las Brigadas Internacionales de la guerra de Espana, Barcelone, 1974. — D. Grisoni et G. Herzog, Les Brigades de la Mer, Paris, Grasset, 1979. — Dominique Pons, Dossier H.. comme Hersant, Éditions Alain Moreau, 1977. — Témoignage de R. Codou. — Pas de dossier sur lui au RGASPI. — Renseignements communiqués par Jacques Molenat.