JANUEL Camille, Claude, dit LAUGEN

Par Jean-Michel Brabant

Né le 4 décembre 1916 à Saint-Étienne (Loire), mort le 20 juillet 2000 à Saint-Pierre d’Authils (Eure) ; dessinateur ; militant trotskyste.

Fils d’un ouvrier métallurgiste et d’une apprêteuse, il fut employé dès sa sortie de l’école communale à l’ArsenaI de Puteaux (Seine, Hauts de Seine) comme dessinateur. Gagné aux thèses trotskystes, il devint membre du comité provisoire de la Fédération des pionniers rouges fondée le 11 novembre 1936 par Roger Foirier. Camille Januel appartenait également au Comité centrai du Parti communiste internationaliste de Pierre Frank et Raymond Molinier. Il fut incorporé le 1er septembre 1937 au 1er régiment de Strasbourg : un rapport de police daté du 2 novembre le présentait comme "chargé plus spécialement de la propagande antimilitariste" au sein du PCI.
Fait prisonnier en 1940, il réussit à s’évader de son camp en Allemagne, grâce à l’aide d’Auguste Caillon, requis comme travailleur, et qui lui passa ses papiers maquillés. L’affaire échoua, puisque Caillon fut arrêté tandis que Januel, qui avait réussi à regagner la France, fut arrêté à son tour lors de sa tentative de passer en zone libre.
Après la Guerre, Januel reprit sa place dans l’organisation trotskyste unifiée, le Parti communiste internationaliste, et se maria le 6 juillet 1946, à Puteaux avec Ingeborg Müzel. En 1950 il se lia avec celle qui allait être la compagne de sa vie, Jacqueline Glas, ex-avocate du barreau de Paris, dont il eut ses deux enfants Frank et Barbara.
C’est aussi l’année où il subit une mutation disciplinaire à Vernon (Eure), au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamique (LRBA. C’est là que furent conçus les ancêtres de la fusée Ariane. De 1000 à 1500 personnes y travaillent, régies par au moins six régimes différents. Parmi eux des ouvriers d’État dotés d’un statut protecteur. Il y a aussi une bonne centaine d’ingénieurs et techniciens allemands « amenés » de l’usine de missiles V2 de Peenemünde après qu’Américains et Soviétiques eurent fait leur choix. Januel était craint de cette communauté qui ne savait pas bien ce qu’il fallait attendre de ce curieux « communiste », qui de plus connaissait leur langue. Comme l’expérience et le prestige de ces ingénieurs et techniciens étaient grands auprès de la direction militaire, fraîchement sortie de Polytechnique mais en position délicate et réservée, il a pu garder un poste confortable pendant plus de cinq ans.
Bien qu’il fût connu comme militant trotskyste, il parvint, à la fois grâce à son aura personnel et à une malversation d’un précédent secrétaire membre du PCF, à prendre la direction du syndicat CGT, majoritaire du fait du poids du secteur ouvrier.
Dessinateur, son activité essentielle consiste cependant à tenir des conférences sur tous les sujets imaginables devant un public fasciné qui venait de tout l’établissement pour l’écouter, au point qu’on avait l’impression que le dessin sur sa table était toujours le même.
Intarissable, il expliquait aussi les événements politiques du jour. Il a formé ainsi de nombreux militants. Il faisait partie de ces anciens militants ouvriers qui transmettaient tout leur savoir en même temps que leur savoir-faire à tous leurs compagnons.
En 1952, la scission du PCI l’amène à se ranger dans la minorité dite "pabliste" (majorité internationale), plus par fidélité ancienne avec Pierre Frank* que par conviction de la justesse de la ligne, dite d’"entrisme sui generis", qu’il n’appliquera pas.
En 53, il « gagne » Roland Vacher*, technicien radio militant CFTC, qui passe ensuite à la CGT avec un certain nombre de ses collègues. Leur appartenance politique reste ignorée de tous.
En 1956, avec le retour des premiers rappelés pour la guerre d’Algérie et le vote des "pouvoirs spéciaux" par le PCF, il réussit à former une cellule du PCI comprenant six ouvriers hautement qualifiés (parmi lesquels Jack Houdet*, Louis Bocquet* et Louis Fontaine*), Roland Vacher et lui-même. Jusqu’à 63-64, cette cellule mène une action diversifiée sur la vallée de la Seine, d’Elisabethville (près de Mantes) à Rouen, par des interventions syndicales, des actions de soutien à la révolution algérienne et d’aide aux insoumis (Jeune Résistance), la la création d’une école locale d’alphabétisation des travailleurs algériens…. Cette riche activité fut partagée par de nombreux militants.

Profitant de la démoralisation qui a suivi le coup d’État à froid de De Gaulle et la défaite sans combat en 1958 (13 grévistes au LRBA : 5 PCF + 8 PCI - tous CGT), il fut déplacé dans un lieu retiré : un tunnel de tir où les entrées étaient rigoureusement contrôlées par des gardiens. Cela contribua à le pousser à cesser progressivement toutes ses activités. Il arrêta de militer politiquement en 1959-1960, garde des mandats de représentant du personnel jusqu’en 63. Roland Vacher considère qu’avant même la « mise au placard », une des raisons qui l’a amené à prendre ses distances, c’est qu’il n’était pas d’accord avec le travail de solidarité avec les Algériens : « c’est du boulot de bonnes sœurs ! », avait-il lancé un jour. Le travail anti-militariste classique n’était en effet plus à l’ordre du jour dès lors que le mouvement ouvrier n’avait ni su, ni voulu s’appuyer sur le mouvement spontané de révolte et de blocage des trains pour empêcher le départ du contingent en Algérie.
Il se consacra ensuite à l’éducation de ses enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89031, notice JANUEL Camille, Claude, dit LAUGEN par Jean-Michel Brabant, version mise en ligne le 1er septembre 2010, dernière modification le 28 janvier 2017.

Par Jean-Michel Brabant

SOURCES : Arch. PPo, carton 46, dossier FPR, carton 45. — Témoignages. — État civil de Saint-Étienne. — Notes de Pierre Vandevoorde avec les souvenirs de Roland Vacher, en complément d’une note de Rodolphe Prager .

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