TERRASSON Abel

Par Véronique Fau-Vincenti

Né le 16 octobre 1885 à Vouillé (Vienne), mort le 22 décembre 1955 à Vanves (Seine, Hauts-de-Seine) ; employé des chemins de fer, révoqué en 1920 ; conseiller municipal socialiste de Vanves ; passé au Parti communiste.

Fils de François Terrasson, mécanicien, et de Delphine née Gautron, sans profession, Abel Terrasson (parfois orthographié Terrason ou Terasson), était en 1899, dès l’âge de quatorze ans apprenti dans une épicerie fine de Poitiers. Son patron le signala comme « un jeune homme très intelligent et pouvant faire un très bon employé ». De 1902 à 1906, il fut ensuite employé à l’épicerie centrale du Gué de Maulny avant d’être incorporé sous les drapeaux au 155e régiment d’infanterie. Réformé temporairement en 1907 pour « palpitation du cœur » selon les termes de sa fiche matricule, on le retrouva employé à Paris en 1908 dans une épicerie boulevard Montparnasse puis dans l’épicerie fine de l’avenue de Clichy et il fut déclaré - selon ses certificats de travail - « honnête, sérieux, actif, travailleur ».
Néanmoins le 27 mars 1911, il entra dans la société des chemins de fers en « qualité d’homme d’équipe à l’essai » et se maria à Paris le 17 septembre 1911 avec Henriette Alphonsine Danos. En 1912, il passa « homme d’équipe 4e classe » aux chemins de fer et il fut élu cette même année « représentant du personnel près les commissions régionales ».

Le 1er septembre 1914, il fut incorporé au 125e régiment d’infanterie et classé dans l’affection spéciale des la compagnie des Chemins de fer. Il intervint également comme représentant dans des différentes réunions (L’Humanité du 27 mai, du 27 juillet 1916) pour le compte du Syndicat national des chemins de fer de l’Etat en compagnie de Marcel Bidegaray et de Marcel Cachin alors député.

En 1917, toujours incorporé dans les Chemins de fer, il devint maitre-ouvrier et vivait à Vanves depuis 1915 où il milita avec les socialistes de la ville et siègea - suite aux élections complémentaires du 21 mars 1920 - au conseil municipal de Vanves en compagnie de Georges Blanchard (tête de liste), de Lazare Campion, de Félix Bignon, de Louis Cochard et de Louis Mestayer.
En février 1920, après les grèves des cheminots qui avaient opposés violemment policiers et manifestants (en particulier le 1er mai 1919), la minorité de la CGT appela à une grève générale dans les chemins de fer qui s’étendit aux mines du Nord-Pas de Calais. Dans un contexte de désaccords syndicaux entre les réformistes et révolutionnaires et d’un mouvement social en effervescence, la fédération CGT des cheminots demanda le soutien de la confédération et le 26 avril 1920, paraissait dans L’Humanité un appel aux « Mineurs, Marins et Dockers » afin de venir « à la rescousse des Cheminots ». Pour sa part, Abel Terrasson est chargé de prendre le pouls de la province et d’encourager à la grève. C’est dans ce contexte très tendu de grève générale et de conflit social sur le point de s’étendre (le 7 mai, les métallos et les ouvriers du bâtiment se mettent en grève suivi le 11 par ceux du gaz et de l’électricité) que Terrasson sillonne la Manche et l’Orne. Il est ainsi arrêté à Granville et le 8 mai est produit un mandat d’arrêt émanant du parquet Avranches à l’encontre de « Terrasson, délégué fédération cheminots inculpé de complot contre la sûreté intérieur de l’Etat ». Est indiqué dans Le Journal de l’Orne du 15 mai « qu’un propagandiste, M. Terrasson, chargé d’endoctriner les cheminots récalcitrants de la ligne Paris-Granville » est incarcéré à la prison d’Argentan après avoir pris « la parole notamment à Sainte-Gauburge et à Argentan ».
Si Abel Terrasson n’était pas le seul à être incarcéré sous ce lourd chef d’inculpation, lui demeura emprisonné – après avoir été révoqué à l’instar d’autres grévistes – près de trois mois. Divers courriers échangés dont un en date du 17 mai informe que « tous les détenus de province ont été libérés » sauf lui. Ces camarades comme ses avocats – dont Maitre Yves Carrau - travaillent dès lors à sa libération qui se fit attendre. Le 10 mai, nous apprenons que dans « un meeting tenu sur les forts » Georges Blanchard a lu une de ses lettres alors que le 3 juin, un de ses camarades lui signalait qu’il « parait que beaucoup de révoquées vont partir en Russie pour réorganiser les chemins de fer, comme en France on veut leur fermer toutes les portes ».
Franc-maçon, Terrasson était également soutenu par la grande loge de France et plusieurs articles lui sont consacrés dans l’Humanité dont le 9 juin.
Alors qu’il resta dans l’expectative, d’autres militants comme Paul Le Guen, Henri Barbin et Ernest Boisjoly étaient réintégrés, même si toutes ces réintégrations ne furent pas effectives. Et si le 17 juin 1920 , son avocat lui conseilla de « ne pas attirer l’attention sur lui » au risque de ne pas vous en sortir sans condamnation ; Terrasson – après avoir reçu selon ses termes « la visite du citoyen Blum » - écrit au « camarade Cachin » lui expliquant que « en cours de propagande syndicale à Grandville, le 8 mai je fus arrêté ; de Grandville je fus conduit ici entre deux gendarmes, mon inculpation était complot contre la sureté de l’État ; l’enquête n’a rien révélé contre moi, rien même au sujet entrave à la liberté du travail ». La secrétaire de Marcel Cachin, Maria Forsans, lui répondit le 19 juin sur papier à en tête de l’Humanité, que Cachin étant absent (alors en voyage à Moscou avec Froissard) Blum avait fait une démarche auprès du ministre de la Justice et que « nous vous occupons de vous ».

Le 26 juin, à son 48e jour de prévention, Terrasson écrivit à sa femme « heureusement pour moi que je n’ai commis aucun délit car j’aurai pu m’attendre à recevoir le maximum de peine ».
Le 28 juin, sa demande de remise en liberté fut encore rejetée, idem du 1er juillet. Le 2 juillet 1920, une lettre sur papier à en-tête de la CGT signée de Léon Jouhaux fut adressée à sa femme et dans une lettre de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer qui lui fut adressée à la prison d’Argentan, Gaston Renaudel lui précise que, selon le camarade Le Guen, le procureur général « a l’air de croire que les fonds qui étaient mis à disposition des militants pendant la grève, peuvent avoir une origine étrangère » (…) « ce que nous pouvons faire c’est vous envoyer le rapport financier que l’union des syndicats et la fédération ont publié au moment de leur congrès ». Le 3 juillet, Terrasson épuisé se plaignit à sa femme que de ce que « l’Humanité ne dit plus rien, les emprisonnés sont oubliés, on en parle plus d’eux ? Pourquoi ? Est-ce une tactique ? Sommes-nous totalement vaincus ? », soit quelques jours avant sa libération annoncée par voix de presse.

En décembre 1920, suite au Congrès de Tours, il a rallia les rangs du Parti communiste et démissionna du conseil municipal de Vanves le 30 mars 1922 avec cinq autres édiles communistes. Il ne se représentera pas aux élections complémentaires des 30 avril et 7 mai 1922. Possiblement en raison de son affiliation à la franc-maçonnerie et de sa révocation des Chemins de fer, il semble s’être un temps éloigné du militantisme. En effet, suite au non-lieu qui lui fut rendu le 19 août 1921 (lettre du greffier du tribunal civil d’argentan), Abel Terrasson - révoqué et non réintégré - entreprit des études et à partir de juillet 1923, il fut visiteur commercial pour une entreprise de matériel orthopédique. Autorisé à réintégrer le personnel des Chemins de fer de l’État à partir 12 août 1924 comme facteur aux écritures, il choisit cependant de poursuivre son activité de « visiteur commercial » jusqu’à février 1934. En 1935, il réintégra finalement les Chemins de fer de l’État à Paris-Montparnasse en qualité de facteur aux écritures même si le 3 juin 1936, il demanda au directeur de l’école de médecine et de pharmacie de Limoges à s’inscrire en vue de « passer l’examen d’herboriste à l’école de médecine de Limoges ».
Nommé « facteur enregistrant » à la direction des Chemins de fer, le 19 mai 1937, une carte professionnelle de 1944 l’atteste également « diplômé en bandage herniaires, orthopédie, prothèse, ceintures corsets medico-chirurgicaux ».
Il revint peu à peu au militantisme et figura parmi les donateurs à l’Amicale des anciens volontaires en Espagne républicaine (carte à son nom) et une carte datée du 24 septembre 1944 le donnait comme FFI à Louviers dans l’Eure. Cette même année, il reçut le 28 décembre 1944 une réponse de Marguerite Cachin suite à une lettre qu’il avait adressée à Marcel Cachin après avoir rencontrée la comtesse Roberta de Mauduit arrêtée et déportée en Allemagne.
Par la suite, Terrasson semble être demeuré au Parti communiste (carte de 1953) et affilié à la CGT (carte de délégué au XXIXe congrès du 7 au 12 juin 1953).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article8923, notice TERRASSON Abel par Véronique Fau-Vincenti, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 1er octobre 2020.

Par Véronique Fau-Vincenti

SOURCES : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1. — Fonds Terrasson au Musée d’histoire vivante. — Notes de Claude Pennetier.

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