HOUZÉ René, Charles. Pseudonyme dans la Résistance : Achard

Par Alain Prigent

Né le 22 juillet 1910 à Dinard (Ille-et-Vilaine), mort le 6 décembre 1974 à Paris (XIIIe arr.) ; plombier ; militant CGT et PCF dans les Côtes-du-Nord ; responsable du Parti communiste clandestin ; dirigeant national des FTP ; membre du cabinet de François Billoux, ministre ; secrétaire national du Secours populaire (1950-1951).

Fils d’un camionneur et d’une ménagère, René Houzé fut adopté par la Nation le 18 septembre 1918. Habitant Morlaix (Finistère), il fit son apprentissage dès l’âge de 13 ans dans le bâtiment en octobre 1923. Commençant à militer au sein de la coopérative ouvrière La Fourmillière de Morlaix, il travailla sur le chantier du Trégor finistérien jusqu’à la fin de l’été 1928. En 1928, il quitta la Bretagne pour la région parisienne, travaillant chez Citroën en 1928 puis chez Renault de novembre 1929 à juin 1931. Installé à Saint-Brieuc en 1931, il fut embauché sur des chantiers pendant quelques mois en Ille-et-Vilaine avant de faire son service militaire (printemps 1933-fin 1934). De retour à Saint-Brieuc, après avoir adhéré au PCF en 1934, il fut un très actif militant syndicaliste du bâtiment dans les Côtes-du-Nord surtout au moment du Front Populaire. Il fut l’un des animateurs des grèves qui touchèrent le bâtiment en juin et en juillet 1936. Il siégea pour la première fois à la commission administrative de l’union départementale le 7 août 1936 avec Vincent Le Méhauté*, également délégué départemental de la Fédération CGT du Bâtiment pour les Côtes-du-Nord. Élu secrétaire du syndicat de Saint-Brieuc, René Houzé devint, à l’issue du congrès du 5 mai 1937, secrétaire adjoint de l’union départementale, chargé de la propagande, et membre de la commission administrative. Le bureau départemental dirigé par Amédée Quinio* reflétait les modifications des rapports de force internes à l’organisation puisque trois militants unitaires y faisaient leur entrer. Outre Yves Flouriot, qui siégeait déjà, Pierre Le Quéinec* et René Houzé prirent une part de plus en plus importante dans l’activité départementale. En mars 1938, il figurait dans le bureau de la région du Parti communiste des Côtes-du-Nord dont le dirigeant principal était Francis Marzin*. Il côtoyait dans les instances communistes les principaux dirigeants issus de la CGTU déjà cités ainsi que Jean-Marie Le Hénaff* et Paul Le Chanoine*.

Arbitre ouvrier dans plusieurs commissions paritaires, organisateur de réunions fédérales, militant du Secours populaire, Houzé, qui représentait la CGT au conseil départemental du Front populaire, était un élément très représentatif de la nouvelle génération de militants ouvriers communistes d’après 1936. Il organisa notamment, le 9 juillet 1937, avec Pierre Petit* et Pierre Le Quéinec, également communistes, un cortège rassemblant dans Saint-Brieuc deux cents ouvriers du Bâtiment derrière un drapeau rouge et une banderole portant : « Vive la CGT — Nous voulons du pain en travaillant. » Il s’agissait de peser sur un conflit corporatif très dur qui avait éclaté en février et auquel une commission paritaire, où siégeait Houzé, trouva une solution dans le courant du mois d’août.

Le 8 avril 1937, le bureau de l’UD statua sur la création d’un poste de permanent. Le clivage entre les deux tendances s’approfondit lorsque les unitaires demandèrent que Houzé occupe le poste. Ils se heurtèrent au refus d’Amédée Quinio*, secrétaire de l’UD, et de Théo Hamon, son adjoint qui proposèrent que Tocquet*, trésorier départemental, qui venait d’être licencié des établissements Mafart, devienne permanent pendant un mandat d’un an. Menacé de licenciement par le patronat à l’automne 1937, Houzé ne bénéficia d’un sursis que grâce aux interventions de la préfecture et de la Fédération mais se trouvait sans travail au printemps de 1938. Cette situation lui permit de remplir alors diverses tâches au service de l’Union départementale. Il représenta par exemple le 10 avril 1938 les syndicalistes des Côtes-du-Nord au congrès de l’union départementale du Finistère, avec Tocqué, docker de Saint-Brieuc. Il fut présent à la réunion du 30 avril de l’Union locale de Dinan ou au premier congrès départemental des vieux travailleurs, à Saint-Brieuc, le 31 juillet. Il dut cependant abandonner le secrétariat du syndicat du bâtiment qui fut repris par Pierre Petit. Le 13 août 1938, il accompagna ce dernier à l’inspection du travail pour soutenir les quarante heures. Dans son rapport à son supérieur divisionnaire de Nantes, l’inspecteur de Saint-Brieuc portait un jugement sévère sur l’activité militante de René Houzé : « (...) lequel, malheureusement, du fait de ses opinions extrêmes [communistes] et de son activité syndicaliste désordonnée est à l’index sur la place de Saint-Brieuc et ne peut trouver du travail chez aucun employeur, malgré nos interventions répétées en sa faveur et bien qu’il soit, paraît-il, un excellent professionnel. Il souffre évidemment de cet interdit décidé contre lui et cela rend difficiles les pourparlers et la collaboration. »

Néanmoins, René Houzé poursuivit son activité au sein de l’UD, présentant un rapport sur les allocations familiales lors du congrès tenu le 19 juin 1938. Il fut maintenu au sein du bureau, dans ses fonctions de secrétaire adjoint, bien qu’ayant quitté Saint-Brieuc et travaillant alors à Quimperlé (mai-août 1938), puis à Brest (août-novembre 1938).

Absent des Côtes-du-Nord, il envoya aux membres du bureau un courrier qui fut lu le 1er octobre 1938. Il y abordait les conséquences des accords de Munich sur le mouvement syndical. Approuvant la position de la CGT, il préconisait la tenue d’une conférence internationale et l’embargo sur toutes les exportations destinées aux pays agresseurs. Le bureau approuva ses positions.

La grève du 30 novembre 1938 accentua les clivages internes au sein de la CGT. Amédée Quinio, secrétaire général de l’union départementale, également membre du syndicat des cheminots, fut accusé de ne pas avoir suivi le mot d’ordre de grève de son syndicat. La réunion de bureau du 27 décembre 1938 fut marquée par un violent incident qui opposa Houzé à Quinio qui quitta alors la séance.

René Houzé quitta la Bretagne pour la région parisienne en janvier 1939. Installé à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) début 1940, il fut mobilisé puis requis aux usines Genève, entreprise importante travaillant pour la Défense Nationale, comme ouvrier métallurgiste. Il habita avec sa famille le quartier Mirabeau puis les HBM Pompée. Il renoua le contact avec Venise Gosnat, secrétaire du parti communiste clandestin pour la région Seine-Sud. Il milita aux côtés de Czarnes, mort à Auschwitz, et de Jean Compagnon, responsable de la jeunesse communiste, plus tard fusillé. Il tira des tracts, des affiches dans la cave des époux Cosquéric. Il apporta du matériel de propagande dans les entreprises d’Ivry-sur-Seine. Il continua à travailler dans les usines Genève, devenant l’un des dirigeants du comité populaire de la CGT clandestine. Pendant l’été 1942, convoqué par la direction pour signer son bon de réquisition pour le service du travail obligatoire en Allemagne, il entra, le soir même, dans la clandestinité. Affecté au groupe de FTPF, il se vit confier un détachement sur un secteur de Paris. Puis au printemps 1943 il devint adjoint au commissaire technique du comité militaire national des FTPF. Berthe Houet* (Mathé), agent de liaison de Rol-Tanguy*, l’aida dans sa tâche.

Au cours de l’année 1942 et en 1943, René Houzé avait déjà effectué des liaisons avec la direction du Parti communiste clandestin des Côtes-du-Nord par l’intermédiaire d’André Cavelan, un des dirigeants régionaux qui organisa l’exfiltration de Marcel Cachin de sa maison de Lancerf (Côtes-du-Nord). L’opération fut réalisée grâce à l’aide de son beau-frère Louis Morice*, coiffeur à Chatelaudren, sympathisant communiste, qui coupa les moustaches de Marcel Cachin fin août 1942 au moment où celui-ci passa dans la clandestinité. Léon Morice hébergea sa nièce Jeanne Houzé de 1940 à 1945, son domicile servant de boîte à lettres pour René Houzé. Il cacha également sa sœur Aline Houzé, mère de Jeanne, qui se sentait menacée à Ivry en 1944. Au cours de l’été 1944, l’ensemble des personnes que protégeait Louis Morice furent mises à l’abri dans une ferme, dans une commune voisine. Selon Jean Le Jeune*, René Houzé était présent à Plouagat (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor) lors d’une réunion inter-FTP à la fin de l’été 1943.

Fernand Grenier obtint du BCRA que les instructeurs FTP soient formés à Londres. Choisi par le comité militaire FTP et par la direction du PC clandestin, René Houzé, sous le pseudonyme d’Achard, fut dirigé vers l’Angleterre. Après un départ manqué sur un plateau de Provins, il fit partie de l’opération Cardinal qui permit à un groupe de huit résistants des réseaux gaullistes de s’envoler vers l’Angleterre à partir d’un champ de blé aménagé en aérodrome dans les environs de Tours (Indre-et-Loire) en septembre 1943. Après une période d’instruction, il fut parachuté en France le 11 novembre 1943. Promu au grade de capitaine et adjoint au commissaire national technique Pierre Le Quéinec, son camarade de Saint-Brieuc, il fut chargé de l’organisation des parachutages et de l’armement des FTPF. Il fut en contact avec René Camphin (colonel Baudouin) qu’il aida à parcourir la France auprès de tous les commandements interrégionaux et régionaux. Au moment du débarquement, il fut envoyé en mission dans le nord-est de la France avec comme objectif l’armement et l’action des FTP sur les arrières de l’ennemi dans une zone de douze départements. Près de Charleville (Ardennes), il dirigea une opération de déraillement d’un train allemand. Fin juillet, il fut envoyé à Lyon (Rhône) après la chute presque totale du comité militaire FTP de la zone sud. Il fit partie du commandement des forces armées unifiées de la région lyonnaise. Après la libération de Lyon, il procéda à la constitution d’unités régulières pour la région des Alpes. Démobilisé, il rejoignit Paris fin octobre 1944. Il fut affecté à la direction du journal des FTP, France d’abord puis en 1945, il intégra le cabinet de François Billoux, ministre communiste.

Dans le même temps, il faisait partie du comité de section du PCF à Ivry-sur-Seine. En 1947, il intégra la direction nationale du Secours populaire français. Avec André Ménétrier*, secrétaire général du mouvement, il anima une campagne d’opinion afin de libérer les 10 militants du PCF et de la CGT emprisonnés pour avoir arrêté un train de canons en garde Saint-Brieuc le 10 mai 1950. Á l’approche du procès qui s’ouvrait le 22 janvier 1951, il signa dans l’Humanité du 17 janvier un article demandant l’acquittement des militants briochins. Dans le même temps, après la condamnation d’Henri Martin* en octobre 1950, il fut mis en cause par André Marty qui l’accusait d’avoir fait preuve de faiblesse dans la campagne du Secours populaire. Il dut faire son autocritique dans une lettre adressée à André Marty le 25 octobre 1950. En mai 1951, il quitta la direction du Secours populaire, organisation qui, selon Axielle Brodiez, fut reléguée au second plan par André Marty qui mit alors en place des comités départementaux pour la libération d’Henri Martin.

Après cette mise à l’écart, René Houzé abandonna toute responsabilité, tout en restant adhérent du PCF. Il était un proche de Laurent Casanova. Il reprit son métier de plombier puis il entra au BERIM (Bureau d’études et de recherches pour l’ingénierie moderne) qui travaillait pour la ville d’Ivry-sur-Seine. Quelques mois après sa mise à la retraite, il fut emporté par un cancer. Il militait à la cellule du PCF des HLM Insurrection. Secrétaire local de l’ANACR, il fut très actif à l’amicale des locataires et au comité de rénovation d’Ivry Port.

Il se maria à Chatelaudren (Côtes-du-Nord) le 22 juillet 1933 avec Aline Minor qui donna naissance à leur fille unique Jeanne, Aline, le 27 mai 1934 à Chatelaudren. Cette dernière, Jeanne Génisson après son mariage, agent technique chimiste au CEA à Saclay (Essonne), fut une militante de la CGT et du PCF qu’elle quitta dans les années 60.

Chevalier de la légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945, René Houzé était titulaire de la Rosette de la Résistance. Au nom de l’ANACR, Jean Chaumeil prononça son éloge funèbre lors de ses obsèques civiles au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Val de Marne) le 10 décembre 1974 et évoqua essentiellement son parcours dans la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89271, notice HOUZÉ René, Charles. Pseudonyme dans la Résistance : Achard par Alain Prigent, version mise en ligne le 23 septembre 2010, dernière modification le 23 septembre 2010.

Par Alain Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor 1M362. — Arch. de l’UD CGT des Côtes d’Armor, Cahiers Théo Hamon (procès verbaux des réunions des instances départementales). — Arch. mun. d’Ivry-sur-Seine, 243W6, dossier René Houzé (éloge funèbre de Jean Chaumeil). — Bibliothèque marxiste de Paris, bobine 841, page 223. – Le Combat social ; L’Avenir syndicaliste des Côtes-du-Nord, juillet 1937 et octobre 1938 ; L’Aube Nouvelle, hebdomadaire de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF (1945-1951) ; l’Humanité, 17 janvier 1951. — Axelle Brodiez-Dolino, Le Secours populaire français 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Presses de Sciences Po, 2006. — Axelle Brodiez-Dolino, La double stratégie d’André Marty. Secours Populaire français et comité Henri Martin, janvier 2004. — Christian Bougeard, Le choc de la deuxième guerre mondiale dans les Côtes-du-Nord, thèse de doctorat d’Etat, Rennes II, 1986. — Jean Le Jeune, Itinéraire d’un ouvrier breton, chez l’auteur, 2002. — Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. — Alain Prigent, La SPAC contre le PCF clandestin, Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, N°6/7, 1998. — Edouard Quemper, Prison pour une belle Marseillaise, Saint-Brieuc, 2002. — Georges Sentis, Berthe Houet. "Maté", agent de liaison du commissaire technique national des FTPF, Marcq, Editions Marxisme-Régions, 1989, 33 p. — « Du quartier Mirabeau à Londres », article de Roland Le Moullac, Ivry, Ma ville, mars 1990. — Le Travailleur, périodique de la section du PCF d’Ivry-sur-Seine, 13 décembre 1974. Notice nécrologique. — Notice DMBOF par Yann Le Floch. — Entretiens avec sa fille Mme Genisson en août 1996, avec remise de documents, et avec son gendre M. Génisson, mai 2010. — Témoignage de son beau-frère Louis Morice, mai 1996. — Témoignage de Jean Le Jeune, responsable des FTP des Côtes-du-Nord. — Notes de Michèle Rault.

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