Par René Gallissot, Claude Pennetier
Né le 21 décembre 1904 au douar Arbil, commune de Lafayette, département Constantine en Petite Kabylie, mort en déportation ; travailleur émigré en France ; communiste, responsable syndical à la CGTU des travailleurs nord-africains (1929-1931) ; élève de l’ELI (1931-1932) et de l’École d’Orient.
Bien que fils de journalier, né dans une famille de quatre enfants, Salah Bouchafa suivit en Petite Kabylie l’école primaire française et l’école arabe jusqu’à seize ans et demi. Il émigra très vite en France et travailla dans les mines du Gard de 1920 à 1923. De retour dans sa famille en Algérie, il fut arrêté pour insoumission et fit un mois de prison avant d’être incorporé ; il fut caporal fourrier à sa libération du service militaire. Il repartit aussitôt en novembre 1925, en émigration, à Paris, dans le Gard puis à nouveau à Paris ; il travailla comme emballeur.
Dans son dossier biographique des archives communistes, on trouva deux dates d’adhésion au Parti communiste, soit en 1927, soit en 1928. C’est à la CGTU qu’il milita d’autant que ce syndicat à la Maison des syndicats de la rue de La Grange aux Belles dans le Xe arrondissement de Paris, couvrit l’activité de l’Etoile Nord-africaine. Quand la commission coloniale du PC envoya Mohamed Marouf* implanter l’ENA en Algérie, pour doubler l’action de Messali Hadj qui s’employa à tirer à lui, l’organisation des travailleurs Nord-africains, c’est Salah Bouchafa qui, en juillet 1929, fut appelé à le remplacer au secrétariat de la main-d’œuvre coloniale de la CGTU. Marouf fut arrêté en Algérie ; S. Bouchafa resta permanent jusqu’au retour de Marouf en mai 1930. Il fut alors versé par la section coloniale de la CGTU au travail légal et illégal du syndicat avec un salaire de 1300 F par mois. Il suivit des mouvements de grève à Paris et à Marseille ; en août 1930, il fut arrêté à Marseille pour prise de parole devant une porte d’usine, et relâché. En 1930, il fut aussi gérant du journal épisodique publié par le PC en arabe : Le Réveil colonial. Il fut interrogé par la police quand le journal fut interdit.
En 1931, le PC l’envoya à Moscou pour suivre une formation auprès des écoles de l’Internationale communiste. Il appartenait au deuxième contingent pour l’École léniniste internationale d’un an, fort de vingt-deux militants.
Il remplit un formulaire d’arrivée daté du 4 mai 1931, et rédigea son autobiographie. Célibataire, il donnait pour adresse familiale, celle de M. Marouf, 114 boulevard de La Villette à Paris. Un document des archives communistes releva que le camarade Philippe, - il avait reçu le pseudonyme de Marcel Philippe-, était arrivé le 12 avril presque à la fin des cours et n’a pas déployé une très grande activité dans le "domaine académique". La commission était d’accord pour le transférer comme membre du Parti bolchevique. Il suivit à l’ELI le cours élémentaire. Il avait peut-être assisté à une fin de session de l’École léniniste internationale avant d’être adressé à l’École d’Orient. Il semble quitter ces écoles en novembre 1933. Il avait fait un stage en entreprise en 1931 mais était signalé par un rapport : « a fait le scandale à la cantine parce qu’on ne l’a pas servi assez vite. »
Il partit effectuer un stage pratique comme komsomol à Saratov.
Il était noté par Auguste Havez en avril 1932 de la manière suivante : « algérien. Intelligence moyenne. Assez sérieux ? Ne travaille pas beaucoup à l’école. N’a pas de grandes possibilités. Pas bon pour l’organisation ni pour le travail de masse. Peut faire un propagandiste dans les milieux arabes. Peut faire le travail du Parti dans l’illégalité.. pas de travail spécial. Esprit étroit. Un peu bavard. Un peu curieux. Confiance avec réserve. ».
Barbé le définissait comme suit : « ouvrier kabyle. Ancien militant responsable dans le travail colonial des syndicats unitaires et de la section coloniale du Parti. Intelligence en dessous de la moyenne. Ce camarade n’a pas appris beaucoup par suite de maladie (il est assez faible physiquement et aussi par suite de peu d’effort pour travailler). Ce camarade a certaines tendances au sectarisme dans les discussions. Il n’est pas actif et se laisse plutôt traîner. Il a pourtant une certaine expérience politique du travail colonial. Pourrait faire un organisateur d’ouvriers coloniaux en France » (Barbé le 6 avril 1932).
Martha Desrumaux écrivait : « a une idée claire du travail du parti à l’école, il est très discipliné et parfois très autoritaire quand il est battu dans la discussion, il aime discuter sur des petites choses en France. Il a été permanent au Parti pour la Main-d’œuvre coloniale au PC depuis ».
En 1937, il écrit une lettre à Robert Deloche pour rappeler qu’il était membre du Parti. Il demeura membre du Bureau de la cellule de Clichy.
En 1937 à Paris, il réapparut aux côtés de Hadj Ali*, le fondateur de l’ENA, comme membre de la Ligue de défense des Musulmans nord-africains, qui était une association modérée, principalement de commerçants, se réclamant de l’Islam, et qui soutint le Congrès musulman algérien, formé en Algérie parallèlement au Front populaire et réunissant le mouvement des Oulémas, le PCA, les partisans de Ferhat Abbas mais non pas les messalistes du PPA issu de l’Etoile nord-africaine.
Résistant FTP, intené au camp de Compiègne, il fut déporté le 24 janvier 1943 à Dachau et mourut en camp.
Son nom figure sur le monument de la déportation de Clichy-la-Garenne.
Par René Gallissot, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. du ministère des Colonies, Paris, SLOTFOM, série 3 carton 63. — Arch. de la Préfecture de police de Paris, dossier ENA, 1934. — Archives de l’Internationale communiste, RGASPI, 494 270 1846 et 495 270 602.