HEURTIER Marinette [HEURTIER Marie-Louise]

Par Bruno Carlier

Née le 21 janvier 1888 à Saint-Étienne (Loire), morte le 22 février 1954 à Saint-Étienne  ; assistante sociale, résistante, militante de la protection de l’enfance dans la Loire.

Marinette Heurtier infirmière pendant la Première Guerre mondiale (Photo Luaire, cliché transmis par Bruno Carlier)

Marinette est la deuxième des quatre filles d’Antoine Heurtier (1847-1922), militant syndical et politique, mais au militantisme du père s’ajoutait la foi de la mère. Élise (1885-1950), fille aînée, se maria en 1907 à Gustave Luaire. Son fils René, magistrat, consacra sa thèse au Rôle de l’initiative privée dans la protection de l’enfance délinquante en France et en Belgique ; ses filles Hélène et Marinette sont assistantes sociales. Jeanne (1890-1951) et Anna (1892-1973) participent dans les années 1920 à la création de la CFTC à Saint-Etienne ; Anna est conseillère municipale MRP en 1945.

Marinette n’a pas de profession claire avant 1914 : surveillante, répétitrice ou professeur particulier ? Infirmière au front pendant la guerre, elle est ensuite une des responsables de la Croix-Rouge UFF de Saint-Etienne. Sa librairie dans les années 1920-1930 est à la fois bibliothèque, lieu de travail et de rencontre ; des jeunes gens comme Simone Levaillant (avocate, 1904-1943) y reçoivent des « leçons à trois francs l’heure ».

En 1932 la Fédération des Œuvres publiques et privées de protection de l’enfance ouvre sa consultation médico-pédagogique. Marinette Heurtier en est l’infirmière et l’assistante sociale, sans avoir sans doute jamais possédé ces diplômes. L’internat de rééducation de Saint-Thurin (1933) et le village-école d’Usson-en-Forez (1935) fonctionnent sous son contrôle. Le Comité de patronage des enfants délinquants et en danger moral fonde en 1936 une Maison destinée à accueillir les mineurs durant l’instruction. Marinette Heurtier, membre du Conseil d’administration, participe au fonctionnement de cette Maison d’accueil et ébauche un service de placement. Présentant les conclusions de la Consultation au Tribunal, assurant les mesures de liberté surveillée, accompagnant les mineurs jusqu’à leur établissement de placement, rédigeant les enquêtes préalables aux audiences de déchéance de puissance paternelle, Marinette Heurtier, peu payée, ne comptant pas son temps, est de tout ce qui concerne les enfants à Saint-Étienne.

Les sœurs Heurtier qui avaient hébergé une famille de réfugiés républicains espagnols s’engagent dans la Résistance. Jeanne et Anna participent aux activités du Témoignage Chrétien. Avec Marinette et l’aide d’Antoine Pinay, elles produisent des faux papiers, aident des réfractaires ou des résistants à quitter la France. Marinette, membre du mouvement Libération, utilise ses fonctions de membre de la Commission de surveillance des prisons et d’assistante sociale pour soutenir les détenus gaullistes ou cacher, à Usson en particulier, des enfants juifs. En visite à Saint-Thurin, elle échappe le 12 mars 1943 à l’arrestation de ses deux sœurs et rejoint l’Afrique du nord. En poste au Commissariat à la Justice d’Alger, rien ne confirme, ni d’ailleurs n’infirme, qu’elle a participé à la rédaction de l’ordonnance du 2 février 1945 comme elle l’a répété.

Engagée à l’Éducation surveillée, elle est chargée d’inspecter les œuvres privées, mais en septembre-octobre 1945 elle réorganise le Service social auprès du Tribunal de Saint-Étienne et intervient pour disculper Antoine Pinay de soupçons de collaboration qui ont conduit à son inéligibilité ; Antoine Pinay devient président du Comité de patronage en 1946. Marinette quitte l’Éducation surveillée en 1948, et se consacre au Comité de patronage et à la Maison d’accueil qu’elle réorganise et diversifie. Elle maintient son association à l’écart de toute tutelle, de l’ARSEA ou de l’État, au péril parfois de son financement.
À partir de 1952, une hémorragie cérébrale la contraint à abandonner ses activités ; elle décède en 1954. Avec elle disparaît une conception charitable, mais aussi militante, du travail social ; au Comité de patronage commence l’ère des professionnels, diplômés et techniciens, il devient en 1956 ADSEA 42.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89350, notice HEURTIER Marinette [HEURTIER Marie-Louise] par Bruno Carlier, version mise en ligne le 27 septembre 2010, dernière modification le 23 octobre 2020.

Par Bruno Carlier

Site Sauvergarde ADSEA 42
Marinette Heurtier infirmière pendant la Première Guerre mondiale (Photo Luaire, cliché transmis par Bruno Carlier)

SOURCES  : Arch. Mun. Saint-Étienne, État civil 2E24,99,105,110,113. — Bruno Carlier, Sauvageons des villes, sauvageons aux champs, les prises en charge des enfants délinquants et abandonnés dans la Loire (1850-1950), Publications de l’Université de Saint-Étienne, décembre 2006.

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