Par Claude Pennetier
Né le 22 juin 1944 à Lyon (Rhône), mort assassiné le 20 septembre 1979 à Paris (XIIIe arr.) ; militant de l’UEC ; combattant au Vénézuela ; tombe dans le banditisme à son retour en France ; écrivain.
La vie de Pierre Goldman est bien connue grâce surtout à son remarquable livre autobiographique Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Son assassinat reste toujours mystérieux et continue à faire l’objet d’hypothèses et de révélations. De même sa responsabilité directe dans l’assassinat de deux pharmaciennes reste en débat malgré une décision de justice, qui après une cassation, l’a acquitté.
L’itinéraire de ce jeune juif tendu vers « la purification de combats profonds » (p. 45) ne rencontre qu’aux marges l’action collective sur le territoire français, si ce n’est un passage par l’Union des étudiants communistes et l’animation ponctuelle de son service d’ordre. Sa biographie soulève cependant plusieurs problèmes d’importance : l’origine juive et résistante ; le lien au communisme avec la nostalgie de l’action armée ; l’impact du mythe Goldman sur l’intelligentsia de gauche.
Son père, Alter Mojsze (17 novembre 1909-1988), né à Lulin (Pologne) venu en France à l’âge de quinze ans et naturalisé le 13 juillet 1930, tailleur, et sa mère Janine Sochaczewska, née à Loz, participèrent activement à la résistance lyonnaise. Alter Mojsze Goldman, militant communiste et membre de la FSGT avait été tenté par l’engagement dans les Brigades internationales. Il pratiqua le basket-ball dans un club d’ouvriers immigrés, le YASK (Yiddische Arbeiter Sporting Klub). Mobilisé en septembre 1939, il se battit sur le Front en mai-juin 1940 et obtint la croix de guerre. Démobilisé, il rejoignit Lyon en zone non-occupée où il milita au sein de la résistance juive et des FTP-MOI (Francs-Tireurs Partisans - Main d’œuvre immigrée). Il rencontra Janine Sochaczewska militante du Parti communiste français. Pierre Goldman était attaché à l’image de ses parents le promenant dans son landau avec de la documentation antinazie et des armes cachées sous les couvertures. Il n’aura de cesse de brandir lui-même ces instruments de la révolte.
Son père Alter Goldman se maria en juin 1949 avec Ruth Ambrunn, une résistante juive née à Munich en 1922, dont la famille s’était installée à Lyon en 1933. Pierre fut légitimé par le couple. Ils vécurent à Paris (XXe arr.) avenue Gambetta puis à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine).
Pierre Goldman fut un élève inadapté au système scolaire même s’il franchit les obstacles jusqu’au baccalauréat, passé en candidat libre alors qu’il était surveillant d’internat. C’est le militantisme aux Jeunesses communistes puis à l’UEC Sorbonne (lui-même y suivait des cours par correspondance tant la promiscuité des amphithéâtres lui répugnait) qui donna sens à sa jeunesse malgré sa répugnance pour le communisme polonais qu’il avait connu en allant voir sa mère biologique, Janine. Favorable aux courants contestataires de l’UEC, il ne pouvait cependant réduire ses aspirations à la vie politique des milieux étudiants. Il fut responsable du service d’ordre pour l’UEC et pour l’UNEF. Après différents épisodes d’errance en Europe (Norvège, Danemark, Suède, Allemagne) et aux Amériques (Floride, Mexique, Cuba), revenu en novembre 1967, clandestin car déserteur (condamné à un an de prison par contumace), déjà engagé avec un réseau vénézuelien, il traversa mai 1968 sans enthousiasme et gagna la guérilla vénézuelienne en juin 1968.
Il revint en septembre 1969, fréquenta les milieux antillais et participa à plusieurs braquages : pharmacies, magasin de Haute-Couture, agent des Allocations familiales. Il imagina séquestrer le psychanalyste Jacques Lacan puis l’écrivain Jean-Edern Hallier, renonçant au dernier moment. Un dernier braquage, celui d’une pharmacie du boulevard Richard Lenoir le 19 décembre 1969, lui valut d’être accusé du meurtre des deux pharmaciennes, ce qu’il nia. Condamné à perpétuité par la Cour d’assises de Paris en 1974, il fut acquitté déclaré innocent des meurtres par la Cour d’assises de la Somme, mais condamné à douze ans de prison pour l’ensemble de ses actions criminelles. La mobilisation des intellectuels de gauche en sa faveur (même si Pierre Golman refusa les comités de soutien), son livre Souvenirs obscurs, ajoutés aux contradictions de l’enquête avaient joué en sa faveur. Sa libération en 1977 aurait pu clore l’affaire Goldman si la publication rapide de son livre L’ordinaire mésaventure d’Archibald Rapoport n’avait semé l’inquiétude ; il y décrivait en effet un personnage qui n’était pas sans lien avec lui et qui commettait une série d’assassinats. En prison, Pierre Goldman lut Kant, Hegel et obtint une licence en philosophie. Il épousa à Fresnes en août 1976 Christiane Succab.
Son père Alter Goldman, en froid avec Pierre depuis 1967, avait mis deux ans à venir le voir en prison et ne le fit que lorsqu’il fut convaincu de son innocence. En 1988, il reçut le Légion d’honneur pour son action dans la Résistance et mourut quelques semaines plus tard. Il avait eu deux enfants de son mariage avec Ruth Ambrunn, dont le chanteur Jean-Jacques Goldman.
Pierre Goldman travailla pour les Temps moderne et Libération, écrivit sur la musique et la danse, particulièrement la Salsa, mais resta fasciné par l’illégalisme. Le 20 septembre 1979 il fut abattu à bout portant place de l’Abbé-Georges-Hénoque (Paris XIIIe.). Un communiqué « d’Honneur de la police » revendiqua l’action sans provoquer une conviction complète. Cette mort tragique frappa les esprits. Près de 27 000 personnes participèrent à ses obsèques au Père Lachaise. Les hypothèses les plus diverses ont été avancées. En 2009, le témoignage d’un participant évoquant un commando de barbouzes en relation avec la DST, les RG et le SAC a semblé crédible.
Le personnage fascina une opinion intellectuelle. Sa référence constante à ses origines juives réveilla les réactions dreyfusardes et antifascistes. Héros de roman plus que militant, écrivain de talent, il restera l’homme des Souvenirs obscurs.
Par Claude Pennetier
SOURCES : Presse. — Écrits de Pierre Goldman. — État civil. — Doan Bui, Isabelle Monnin, Ils sont devenus français. Dans le secret des Archives, Point, 2011, p. 197-208.