JAMIN Raoul, Henri, Victor [dit Théo]

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Né le 22 mars 1904 à Vendôme (Loir-et-Cher), fusillé le 23 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; militant communiste ; résistant FTPF.

Raoul Jamin était le fils de Léon et de Marie-Hortense, née Vallée. Il effectua son service militaire en 1924. Il se maria avec Clotilde Baty, et le couple habita 9 rue Madame-de-Sanzillon à Clichy (Seine, Hauts-de-Seine). Sa femme militait au Parti communiste. Chauffeur de taxi, organisé au syndicat des cochers chauffeurs CGT, Raoul Jamin assuma la responsabilité de trésorier jusqu’à la déclaration de guerre en septembre 1939. Une lettre anonyme arriva le 30 août 1939 à la police, le dénonçant comme « sympathisant communiste ». Il combattit avec le 181e Régiment d’artillerie lourde tractée (RALT) en mai et juin 1940, et fut démobilisé dans le Tarn ; à son retour il resta quatre mois au chômage. Il trouva du travail comme manœuvre à la fabrique de poids lourds Willème à Nanterre, puis à la SIPA (Société industrielle pour l’aéronautique), rue du Pont à Neuilly-sur-Seine.
Un camarade de travail, Alfred Bonenfant, dit Lucien, lui proposa d’entrer aux FTP ; Raoul Jamin accepta dans la première quinzaine de décembre 1942 et prit le pseudonyme de Théo. Bonenfant le présenta à Guyot (Claudius Müllembach). Le 18 décembre 1942, Bonenfant fut arrêté. Jamin s’en retrouva coupé de l’organisation. Un mois plus tard, « Guyot » vint le « repêcher » à la sortie de son usine. Ce dernier lui prêta un livret militaire au nom de « Garchery » et lui demanda de louer sous cette identité un local situé 26 rue de la Rochefoucauld à Boulogne pour servir de dépôt. Claudius Müllembach, Raoul Jamin et Constant Le Maitre dit Laurent y transférèrent des armes et des explosifs qui étaient jusqu’alors entreposés à Asnières.
Le 17 février, il prit part avec deux autres résistants à l’incendie de deux baraques de DCA de l’armée allemande à l’aide de poudre sur le quai de Boulogne à Boulogne-Billancourt. L’un des baraquements fut détruit, le plancher de l’autre brûla. Au cours de la première quinzaine de mars 1943, il prit part avec quatre hommes à une expédition contre un garage porte Molitor. Des camions et des automobiles de l’armée allemande y étaient stationnés, l’objectif était de les incendier avec un mélange de goudron et de chlorate de potasse. Un gardien devait ouvrir la porte, mais il n’y avait personne et l’opération échoua. Le 14 mars, Roger Comte devait lancer une grenade contre un poste à essence porte de Saint-Cloud. Raoul Jamin apporta l’engin et Pierre Schlup assura la protection avec un autre homme. L’action se déroula sans incident, ils se replièrent sans être poursuivis. Théo récupéra l’arme de Schlup et la rapporta au dépôt.
Le 20 mars, il participa avec Pierre Schlup et Roger Comte au vol d’une Traction Avant sur la route d’Orléans, au lieu-dit La Vache Noire à Bagneux (Seine, Hauts-de-Seine). Le véhicule devait servir à transporter une équipe jusqu’à Thiais pour y saboter des pylônes à haute tension, à la demande des services spéciaux anglais. Sous la menace d’armes, le propriétaire, un minotier et son passager, stoppèrent, descendirent du véhicule ; l’un tenta de frapper Jamin. Schlup fit feu. Raoul Jamin pilota le véhicule jusqu’au garage de La Rochefoucauld. La Citroën était trop longue, impossible de refermer la porte : il l’abandonna boulevard Flandrin (XVIe arr.).
Le 1er avril vers 19 heures, alors qu’il allait pénétrer dans le dépôt d’armes rue de La Rochefoucauld, Raoul Jamin fut appréhendé par trois inspecteurs de la Brigade spéciale no 2. À l’intérieur du local, les policiers saisirent : une boîte d’allumeurs et trente pétards, des engins destinés à faire sauter des voies ferrées ; une centaine d’engins incendiaires, deux poignards, trois rouleaux de cordons Bickford, une boîte de cartouche calibre 6,35 mm, deux cents cartouches pour des armes de guerre, un distributeur de détonateurs, quatre boîtes de crayons allumeurs, deux grenades Mills, deux détonateurs, huit cônes d’explosifs, un pistolet parabellum, trois chargeurs, des tracts du Parti communiste. Des clés furent trouvées sur Jamin et il lui fallut avouer qu’il logeait tantôt chez le frère de lait de son épouse, M. Lichtenstein, 101 boulevard Marceau à Colombes, tantôt chez une amie, Mme Janicaud, 115 avenue d’Argenteuil également à Colombes.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il y fut interrogé, puis livré aux Allemands et incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Le 5 octobre 1943, il fut condamné à mort pour « activité terroriste » par le tribunal du Gross Paris siégeant rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) et passé par les armes le 23 au Mont-Valérien.
Après la Libération, sa femme Clotilde témoigna le 7 avril 1945 devant la commission d’épuration de la police. Elle déclara que son mari fut victime de sévices, brutalisé et frappé au cours des interrogatoires. Lors de la perquisition de leur domicile par les policiers, un poste de TSF, des draps, des couvertures, de la vaisselle et des chaussures disparurent. Elle déposa plainte.
Le corps de Raoul Jamin fut restitué à la famille le 7 janvier 1945, et inhumé dans le carré des fusillés du cimetière de Clichy. Son nom figure sur la pierre tombale commémorative de la CGT dans le cimetière communal de Levallois-Perret, dédiée à cinquante syndicalistes résistants tombés pendant l’Occupation. La municipalité de Clichy grava son nom sur le monument aux morts.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89397, notice JAMIN Raoul, Henri, Victor [dit Théo] par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 29 septembre 2010, dernière modification le 16 mai 2022.

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Arch. de la CCCP (Notes J.P. Ravery). – Arch. PPo., BA 2117, BA 2299, PCF carton 14, rapports hebdomadaires sur l’activité communiste ; KB 69, KB 105. – DAVCC, Caen, Boîte 5/B VIII dossier 4 (Notes Thomas Pouty). – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Vendôme, archives détruites en juin 1940, acte non reconstitué.

ICONOGRAPHIE : Arch. de la préfecture de police de Paris.

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