Par Jacques Girault
Né le 15 juillet 1893 à Bay-sur-Aube (Haute-Marne), mort le 16 mars 1947 à Cormeilles-en-Parisis (Seine-et-Oise-Val-d’Oise) ; instituteur en Moselle ; militant syndicaliste du SNI ; militant socialiste.
Fils d’un fermier, Fernand Jobard reçut une éducation religieuse mais ne pratiquait plus quand il entra à l’Ecole normale d’instituteurs de Chaumont (Haute-Marne) en 1910. Mobilisé en 1914 comme lieutenant dans un régiment d’aérostiers en tant qu’observateur de première ligne, il fut blessé. Après la guerre, il demanda un poste d’instituteur en Moselle redevenue française et fut nommé en avril 1919 à Lorquin pour enseigner le français dans une maison de santé puis à partir d’octobre 1919 à Trois Fontaines. Il s’investit aussi dans les cours d’adultes dans un contexte parfois hostile. Il entendait aussi lutter pour faire triompher l’école laïque. Instituteur à l’école préparatoire interconfessionnelle de la Chambière à Metz, à partir de 1928, il en devint le directeur en janvier 1939.
Fernand Jobard, membre du bureau de la fédération socialiste SFIO, contribua à la pénétration du syndicalisme dans le corps enseignant mosellan, de culture allemande, tout en ne perdant pas contact avec ses amis haut-marnais dont il fréquentait souvent les assemblées syndicales. Il devint le secrétaire de la section départementale du Syndicat national en 1927 et le resta, dans le Syndicat national des instituteurs, jusqu’à la guerre et le fut à nouveau en 1945-1947. Au congrès de la CGT à Nantes (14-17 novembre 1938), il détenait, avec celui de son syndicat, les mandats des sections départementales SNI du Territoire-de-Belfort, du Doubs, du Haut-Rhin, des syndicats de l’enseignement technique et des agents de lycées de Belfort, de six syndicats du Doubs (agents de lycée, enseignement secondaire, enseignement technique, écoles normales, écoles primaires supérieures), des syndicats des écoles normales de la Marne et de l’enseignement technique de la Moselle. Elu au bureau national du SNI par les membres du conseil national du 23 décembre 1937, par 560 mandats sur 914 exprimés, il en démissionna après la grève du 30 novembre 1938 car il était en désaccord avec l’appel à cette grève. La section de Moselle demanda à la direction du SNI de ne pas accepter cette démission qui « pourrait être exploitée par les adversaires du syndicalisme » et qui « alimenterait la campagne déjà enclenchée dans toute la presse », selon le procès-verbal de la réunion du BN du 12 janvier 1939.
Membre de la Ligue des droits de l’Homme, vice-président de la section de Metz, président de la fédération de Moselle, Jobard devint membre de son comité central en 1938. Initié en 1921, membre de la loge « Saint-Jean de Jérusalem » à Nancy (Grand-Orient de France), il était troisième. Libre-penseur, militant de la Ligue de l’enseignement, il fut délégué de la fédération de Moselle aux assemblées générales à partir de 1935.
Franc-maçon, Jobard se maria exclusivement civilement en janvier 1918 à Saint-Geosmes (Haute-Marne) avec une institutrice, fille d’un garagiste, radical-socialiste, franc-maçon, athée. Le couple eut deux fils.
Membre de la Fédération des officiers de réserve républicains, mobilisé comme officier à la base d’aérostation de Metz, rayé des cadres en janvier 1940 pour raisons de santé, Fernand Jobard, pendant l’exode, se replia, sur décision de l’inspection d’Académie, dans la région toulousaine. Avec son épouse, il reprit son métier d’enseignant. Il participa à la Résistance à partir de 1941. Capitaine FFI dans le maquis de Saint-Lys en Haute-Garonne en 1944, engagé volontaire dans le bataillon Alsace-Lorraine en août 1944, il participa à la libération de la région, de Mulhouse et de Strasbourg. Son fils aîné, engagé volontaire dans l’armée d’Afrique, mourut, en novembre 1944 sur le front d’Alsace.
Redevenu directeur de son école de garçons à Metz à la Libération, il y habitait 10 rue Amable Tastu. Membre du comité départemental de Libération, président de la Fédération des engagés volontaires d’Alsace et de Lorraine, il était le vice-président de la section départementale de la Fédération des officiers de réserve républicains. Il adhérait au Parti socialiste SFIO et était en 1947 le secrétaire adjoint de la fédération mosellane.
Fernand Jobard s’employa à reconstituer l’organisation syndicale tout en étant membre de la commission d’épuration du corps enseignant. Il conseilla le recteur et le préfet sur les questions de l’enseignement. Membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT, secrétaire adjoint de la section départementale de la Fédération générale de l’enseignement puis de la Fédération de l’éducation nationale, il était le trésorier-adjoint de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires de la Moselle. Lors de la réunion du conseil national du SNI à Pâques 1945, il fit partie de la commission chargée de rédiger la motion laïque. Lors de la réunion du conseil national, les 18-19 juillet 1945, il exposa la situation dans son département où, notamment les crucifix, enlevés dans les écoles lors de la nazification, avaient été rétablis par le gouvernement issu de la Résistance, au nom du droit local. Le conseil national, le 30 décembre 1945, le réélit au deuxième tour au bureau national. Lors de la réorganisation de ce dernier, en octobre 1946, il devint membre des commissions « administration et législation », action laïque, finances, affaires coloniales. Le 17 juin 1946, il avait été nommé comme suppléant de Clément Durand* au Conseil national de l’enseignement du premier degré. Ses interventions dans la presse syndicale portaient sur la situation de l’école primaire en Alsace et en Lorraine. Lors de sa dernière participation à une réunion du BN, le 6 mars, il intervint à nouveau, mandaté par les sections du SNI du Nord-Est, sur la question de la laïcisation de l’Alsace et de la Lorraine, associant modération et ouverture. Victime d’un accident vasculaire cérébral dans une station de métro, une heure après la fin de la réunion, il fut transporté à l’hôpital, ayant perdu l’usage de la parole, puis dans sa famille à Cormeilles-en-Parisis où il décéda peu après.
Après avoir annoncé son décès, le 20 mars, L’Ecole libératrice, le 25 juin, publia son article posthume, « La liberté de l’enseignement en Lorraine et en Alsace ». Ses obsèques à Saint-Geosmes (Haute-Marne), le 21 mars, se déroulèrent selon le rite maçonnique en présence d’une « foule considérable » selon la presse locale. Prirent notamment la parole René Cercelet*, secrétaire de la FEN-Moselle, Jean Boudrot*, secrétaire de la section SNI de la Haute-Marne, Jean-Auguste Senèze* du bureau national du SNI et l’Inspecteur d’Académie de la Moselle.
Par Jacques Girault
SOURCES : OURS, fédération SFIO de la Moselle. — Presse syndicale. — Renseignements et documentation fournis par Jean-François Jobard, petit-fils de l’intéressé. — Sources orales. — Notes de Paul Berger.