JOLY Camille

Par Maurice Moissonnier

Né le 5 mars 1899 à Lyon (IIIe arr., Guillotière), mort le 22 mai 1980 à Malaucène (Vaucluse) ; instituteur ; militant de la FUE-CGTU ; membre de la direction fédérale du Parti communiste dans le Rhône, maire de Villeurbanne (Rhône) (1935-1939)

Les parents de Camille Joly étaient originaires du Massif central. Son père, Jean, naquit dans un village de la Marche et sa mère, née Marie Bernard, avait vu le jour en Haute-Vienne. Le ménage s’installa assez rapidement à Villeurbanne (Rhône). Jean Joly avait appris le métier de fumiste et quitté la ferme familiale, appelé par un cousin (nommé comme lui Jean Joly) qui exploitait une petite entreprise rue du Quatre-Août à Villeurbanne, ville dont il était d’ailleurs conseiller municipal, élu sur une liste de droite. Malgré les liens familiaux qui l’unissaient à son employeur, le paysan déraciné ne tarda pas à prendre conscience de l’exploitation à laquelle il était soumis et il se rapprocha des organisations ouvrières, d’autant que la naissance de six enfants – trois garçons et trois filles – rendait difficile l’existence du ménage.

Grâce au sacrifice de ses frères et sœurs, le jeune Camille Joly, qui avait fait de bonnes études primaires, put entrer en 1915 à l’École normale d’instituteurs de Lyon. Il côtoya un de ses futurs adversaires politiques, Léon Émery, de la promotion 1913. En 1918, il fut appelé sous les drapeaux en Alsace. La guerre prit fin, alors que sa promotion allait être envoyée au front. Libéré au mois d’avril 1921, il fut nommé instituteur à l’école du cours Émile-Zola à Villeurbanne, puis détaché au cours complémentaire. Sous l’influence de son ami, Marc Villon, mort précocement, il adhéra dès 1922 au syndicat unitaire des instituteurs alors dirigé par Paul Moulin. Élu au conseil syndical, responsable du groupe des Jeunes de l’enseignement, il devint immédiatement l’un des secrétaires adjoints du syndicat du Rhône. Il aurait adhéré au Parti communiste dès 1923. Mais selon les archives de la section française conservées à Moscou, l’année de l’adhésion était 1927.

Le 19 juillet 1924 à Lyon (IIIe arr.), Camille Joly se maria avec Isabelle Hugot dont il eut trois filles (octobre 1924, février 1928, novembre 1930). Il habitait alors à Lyon, place Voltaire et fut affecté en 1925 à la cellule de la place des Maisons-Neuves, assez éloignée de son domicile. En 1928, il s’installa à Villeurbanne et, au sous-rayon communiste de Villeurbanne, il devint secrétaire aux séances, chargé de tenir à jour le cahier de procès-verbaux.

Il milita en outre, à partir de 1932, au mouvement Amsterdam-Pleyel contre le fascisme et pour la paix. Le 12 février 1934, il prit part aux graves échauffourées du parc Bonneterre et de la rue du Quatre-Août qui opposèrent manifestants antifascistes et police. Ces événements eurent une influence certaine sur l’orientation du vote des Villeurbannais aux élections municipales suivantes. Camille Joly était très lié à Jules Grandclément qui contribua à sa formation politique. À la mort de ce leader, le 15 mars 1935, peu de temps avant les élections, il fut naturellement choisi pour le remplacer et conduire la liste communiste aux élections municipales. Au premier tour, les candidats communistes recueillirent 4 314 voix, devançant pour la première fois depuis 1922 les socialistes du docteur Lazare Goujon qui n’avaient réuni que 3 561 voix. Des négociations s’engagèrent en vue de la formation d’une liste commune au second tour, facilitées par l’action du professeur à la Martinière de Lyon, Lucien Lequertier, dirigeant socialiste unitaire, dont la femme était la collègue de Camille Joly au cours complémentaire de la rue Émile-Zola. Le docteur Goujon se montra intraitable, refusant de céder la tête de liste et de laisser aux communistes la place qui leur revenait en rapport avec les résultats du premier tour. Il constitua une liste avec des socialistes en rupture de discipline et des radicaux mais fut battu par la liste communiste de Joly par 6 508 voix contre 4 428.

Une autre élection fut cependant nécessaire pour confirmer cette victoire : Camille Joly fut en effet invalidé, sous prétexte qu’il n’avait pas demandé de congé pour convenance personnelle et qu’il se présentait en tant qu’instituteur en exercice. Le 29 mars 1936, il fut réélu par 5 577 suffrages et confirmé dans ses fonctions de maire.

La grande question qui agitait alors l’opinion villeurbannaise était celui de la SUV (Société villeurbannaise d’urbanisme), organisme auquel le Docteur Goujon, maire socialiste sortant, avait confié d’importants travaux dans la ville, dont le coût, extrêmement lourd, avait obéré gravement les finances municipales. La SUV réunissait des chefs d’entreprises de la région sous la direction de Georges Villiers, responsable du patronat et avec l’appui de la banque Morin-Pons ; la ville avait accordé sa garantie totale à cet organisme et sacrifié l’activité de l’Office d’habitations à bon marché susceptible d’assurer à meilleur marché des réalisations comparables.

La nouvelle municipalité consacra ses efforts à rétablir les finances de la ville et à obtenir des concours de la préfecture et du ministère des Finances (détenu en 1936 par Vincent Auriol) pour faire face à ses échéances. Camille Joly et ses adjoints, en particulier Antoine Dutriévoz et Dutartre, étaient à compter parmi les artisans de l’idée alors novatrice des subventions d’État pour l’équilibre des budgets communaux. Le nouveau conseil municipal se préoccupa d’élaborer un plan de constructions scolaires et de créer des colonies de vacances à Chazay (Rhône) et Dortan (Ain). Il fut en outre l’initiateur d’une Université populaire.

Secrétaire du rayon communiste de Villeurbanne en 1935, Camille Joly fut élu, à la conférence régionale d’Oullins (décembre 1937), membre du comité régional du Parti communiste, fonction dans laquelle il fut confirmé à la conférence régionale de novembre 1938, préparatoire à la conférence nationale de Gennevilliers. Dès novembre 1936, il fit partie du comité de développement de La Voix du Peuple, organe régional communiste. Il assista en janvier 1936 au congrès national de Villeurbanne dont il présida la première séance et, en décembre 1937, au congrès d’Arles. Il assuma en outre des responsabilités dans l’organisation des élus communistes.

Rappelé sous les drapeaux pour une période, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Joly fut d’abord affecté au centre mobilisateur de Toulon, poste dont il fut écarté en raison de son activité politique. Affecté à la défense côtière près de La Seyne, il renoua des contacts avec le Parti communiste clandestin par l’intermédiaire de Georges Lévy et [Gabriel Vallier dit Brunet]. Il fut ensuite, après l’entrée en guerre de l’Italie, envoyé dans une unité combattante du 4e régiment de tirailleurs sénégalais en position près de Menton et Monte-Carlo puis replié sur La Turbie. Le dernier jour de la guerre, son détachement fut chargé de repousser les Italiens dans les faubourgs de Menton et cette opération fit l’objet du dernier communiqué de la guerre 1939-1940.

Démobilisé à la fin de juillet 1940, Joly rentra à Villeurbanne. L’inspecteur d’académie refusa de maintenir sa nomination au cours complémentaire de la ville, d’autant qu’entre juillet et octobre, par deux fois, avec des succès divers, au Marché aux puces et cours Émile Zola, le Parti communiste clandestin organisa des manifestations d’attachement à la municipalité déchue par Vichy.

Finalement, Joly fut envoyé en résidence surveillée à Taninges (Haute-Savoie) où on lui confia malgré tout un poste d’instituteur. Sa situation délicate le contraignit à une activité réduite. Il hébergea exceptionnellement quelques militants et des courriers de la Résistance, fut mis en contact avec les FTPF (Francs-tireurs et partisans français) par l’intermédiaire de Jean Vittoz. En 1944, au moment de la Libération, il fut renvoyé à Villeurbanne où le Parti communiste avait besoin de lui pour occuper la fonction d’adjoint au maire de la municipalité provisoire, Georges Lévy. Il conserva cette fonction jusqu’aux élections municipales de 1945, remportées par la liste socialiste conduite de nouveau par le docteur Lazare Goujon. En 1947 et jusqu’en 1959, il demeura conseiller municipal de Villeurbanne. Il fut ensuite nommé directeur du groupe scolaire technique de la rue Frédéric-Faÿs à Villeurbanne, jusqu’à sa retraite en 1962.

Retiré à Malaucène (Vaucluse) où il avait fat construire « une petite maison », Joly continua à militer dans les rangs du Parti communiste français jusqu’à sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89586, notice JOLY Camille par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 6 octobre 2010, dernière modification le 1er novembre 2021.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : RGASPI, 517 1 1893, 1908. — Arch. Dép. Rhône, série M, élections municipales 1935. — Presse locale : Le Progrès, Lyon-Républicain, La voix du Peuple — Interview du militant (janvier 1978). — Notes de Jacques Girault.

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