LANCELLE Charles, Jules

Par Gilles Morin

Né le 22 janvier 1901 à Paris (Xe arr.), mort le 17 octobre 1983 à Compiègne (Oise) ; militant socialiste de la Seine ; membre de la CAP du PSOP ; résistant ; après la Seconde Guerre mondiale, membre du Comité directeur de la SFIO ; secrétaire fédéral de la Seine puis membre de la CAP du PSA.

Fils d’un comptable à Air Liquide (employé sur l’acte de naissance), Charles Lancelle naquit dans une famille de sept enfants. Après avoir obtenu le Certificat d’études primaires, il travailla dès l’âge de douze ans comme garçon de bureau dans la même entreprise que son père. Il apprit la soudure et la comptabilité. Mais, le 16 février 1918, à dix-sept ans, il décida de s’engager dans l’armée. Blessé le 8 novembre 1918 au genou par un éclat de mine, il fut évacué à l’hôpital du Mans et démobilisé le 27 octobre 1919. Les autorités militaires exigèrent cependant qu’il accomplisse son service militaire sans prendre en compte sa période d’engagement. Son refus l’entraîna devant le conseil de guerre.

Charles Lancelle était devenu antimilitariste. Il reprit ses activités de comptable à Air Liquide et dans un grand hôtel de la porte Maillot, tout en adhérant au Parti socialiste peu de temps avant le congrès de Tours (décembre 1920). Marchand forain avec son épouse, il resta membre de la « vieille maison » et fut un des dirigeants de la XIe section de Paris, par moment même son secrétaire. La Cognée (journal de la XIe section), le présentait en 1936-1937 comme le secrétaire administratif de cette section très populaire et forte de 540 membres. Il y défendait les thèses de la Gauche révolutionnaire. Il redevint secrétaire en janvier 1938. Il se maria en juillet 1933 à Paris (XIe arr.) avec Blanche Meley dont il divorça en 1957.

Dès octobre 1935, Charles Lancelle avait été un des fondateurs de la tendance Gauche révolutionnaire, jouant de fait, grâce à ses déplacements en banlieue, le rôle d’agent de liaison non officiel de la tendance dans la région parisienne. Après le congrès de Royan (juin 1938), il fut un des créateurs du Parti socialiste ouvrier et paysan, membre de sa commission exécutive régionale, de la commission de la presse et surtout de la Commission administrative permanente. C’est lui qui présenta le rapport administratif lors du premier congrès national du PSOP.

Appelé au 212e régiment d’infanterie coloniale le 2 septembre 1939, il fut versé dans la défense passive à la fin du mois puis dans les services auxiliaires en décembre. Il put ainsi rester dans la région parisienne, principalement à Gennevilliers. Aussi, lorsque son parti se divisa entre partisans de l’action légale et partisans de l’action clandestine, il s’inscrivit, avec Maurice Jaquier, au centre et, s’ils demeurèrent après que la Gauche ait été exclue, ils constituèrent leur direction clandestine qui fut vite démantelée par la police. Pour ne pas être déporté en Tunisie, Charles Lancelle se blessa volontairement à la main et, après un séjour à l’hôpital, il essaya de venir en aide à ses amis emprisonnés, Maurice Jaquier, secrétaire administratif, et Jean Rous. N’ayant pu renouer de contacts, il ne tarda pas à entrer dans la clandestinité. Il participa à la création du mouvement de résistance Libération-Nord et du Comité d’action socialiste (CAS), creuset de la reconstruction du Parti socialiste SFIO.

A la Libération, Charles Lancelle fut élu secrétaire fédéral de la Seine et membre du Comité directeur du Parti socialiste SFIO (1946-1947). À la différence de ses camarades lyonnais qui voulaient reconstituer le PSOP, il fut un des rédacteurs de l’appel « Pour un regroupement socialiste » adressé à ses anciens camarades pour les inviter à retourner à la vieille maison. Organisateur de ce regroupement dans la région parisienne, il organisa la réintégration de Marceau Pivert, qui fut adoptée au congrès de 1946, et lui céda ses mandats les plus importants. Son soutien allait à la gauche du parti qui avec Yves Dechezelles et Jean Rous devait contribuer à porter Guy Mollet au secrétariat général du Parti socialiste SFIO Il fut un des signataires de la motion pour le « redressement » du parti et vota contre Daniel Mayer. Lorsqu’André Philip, créateur de Cité soir, devint ministre, la direction du journal lui revint mais cet organe disparut peu de temps après.

Charles Lancelle, qui refusa toujours de briguer un mandat électif, assuma de nombreuses responsabilités jusqu’en 1958 : membre de la commission exécutive de la Fédération de la Seine et responsable de la propagande, secrétaire fédéral adjoint en 1952, membre du conseil d’administration du Populaire de 1947 à 1953 puis de 1955 à 1957. Le Parti socialiste le chargea de l’organisation des obsèques de Léon Blum en 1950. De 1947 à 1958, il participa aux congrès nationaux remplissant souvent les fonctions d’assesseur ou de président du bureau de vote lors des élections aux organismes directeurs du parti.

Mais surtout, avec Pierre Mauriac et Maryse Poireaudeau, Lancelle était du petit groupe d’intimes et de fidèles de Marceau Pivert qui l’aidaient à confectionner ses bulletins : Correspondance socialiste puis Correspondance socialiste internationale. Ils tentaient de regrouper un noyau de militants « socialistes internationalistes » et anticolonialistes cherchant à conserver la tradition de lutte de classes de la SFIO. Tolérés jusqu’en 1956 par la direction du parti, ils perdirent le contrôle de la Fédération de la Seine en avril en défendant l’idée du « fait national algérien ». Charles Lancelle participa alors aux activités de la minorité socialiste qui se constitua contre la politique algérienne du parti. C’est lui qui réussit à empêcher la démission de Marceau Pivert après les événements de Suez en novembre 1956.

Peu de temps après la mort de Pivert, il fut, le 14 septembre 1958, un des fondateurs du Parti socialiste autonome dont il fut membre de la CAP et devint secrétaire adjoint de la Fédération de la Seine. Son état de santé l’empêcha d’exercer ce dernier mandat auquel il dut renoncer au début de 1959. A la fusion du PSA avec l’UGS et Tribune du communisme, en avril 1960, il adhéra au PSU mais n’en resta membre que deux années. De retour au Parti socialiste SFIO en 1964, il reprit des responsabilités dans la 11e section jusqu’en 1967, année de son départ de Paris. Il vendit, à cette époque, le restaurant populaire qu’il tenait, dans le quartier de la Madeleine, avec sa deuxième épouse, Augustine Alazard avec qui il s’était marié en février 1962 à Paris (XIIe arr.). Le couple se retira à Compiègne (Oise) où Charles Lancelle mourut en 1983. Ce vétéran socialiste et pivertiste avait cessé de prendre sa carte en 1970 mais il souscrivait et votait pour les candidats du Parti socialiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89630, notice LANCELLE Charles, Jules par Gilles Morin, version mise en ligne le 8 octobre 2010, dernière modification le 26 décembre 2020.

Par Gilles Morin

SOURCES : Papiers de Charles Lancelle et de Marceau Pivert. — Juin 1936. — La Cognée. — Rapport des congrès du Parti socialiste SFIO. — Jean-Paul Joubert, Révolutionnaires de la SFIO, FNSP, 1977 et Thèse, Le Pivertisme, doctorat de sciences politiques, Grenoble, 1972. — Maurice Jaquier, Simple militant, Denoël, 1974. — État civil.— Arch. OURS, carton Ch. Lancelle.

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