JOSPIN Robert, Jules, André [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron

Né le 9 juin 1899 à Saint-Quentin (Aisne), mort le 9 mai 1990 à Garches (Hauts-de-Seine) ; professeur, directeur d’établissement de l’enfance délinquante ; militant socialiste, pacifiste et libertaire.

Robert Jospin naquit dans une famille originaire du Nord (Bertry, Roubaix), protestante fort pratiquante. Sa mère était couturière. Son père, Georges Jospin, représentant de commerce sur l’acte de naissance, exerça longtemps les fonctions d’évangéliste. Chaque soir, on lisait la Bible et des prières accompagnaient cette lecture. Mais, socialiste, il fut pressenti, dès le début 1914, pour animer la Fédération du Nord des socialistes chrétiens. La guerre fit avorter le projet.

À l’âge de treize ans, muni du CEP, Robert fut mis au travail. Peu après, c’était la guerre et, en août 1914, les Allemands entrèrent à Saint-Quentin. Ce fut l’arrêt de toute activité industrielle et l’adolescent dut se livrer à des travaux variés pour aider sa famille. Il se laissa aller, selon son témoignage « à des fréquentations discutables » mais, en 1916, sous l’influence de l’entourage d’un pasteur, il rompit certaines relations, et, emporté par une foi renaissante, décida de devenir pasteur. À cette époque, un pasteur lui donna ses premières leçons de latin et de grec. En 1918, sa famille se regroupa dans la région parisienne et Robert entra à l’École préparatoire de théologie des Batignolles, rue Nollet (XVIIe arr.). Après trois ans de travail, il passa avec mention le baccalauréat latin-grec philosophie et entra à la Faculté protestante de Théologie, boulevard Arago (XIVe arr.). Mais, après deux années d’études, il quitta la Faculté, incertain de la nature de sa foi et se maria. Toutefois, il se mit à la disposition du Mouvement de la jeunesse protestante et fut chargé des « Services éducatifs » des Unions chrétiennes et des Commissaires Éclaireurs unionistes de la région parisienne. En 1930, licencié es-Lettres, il entra dans l’enseignement public, et fut professeur de cours complémentaires. Marqué par la guerre et l’occupation en 1914-1918, il devint pacifiste absolu. C’est ainsi qu’il anima, aux côtés de Marcelle Capy, Georges Pioch, René Gérin, Félicien Challaye, de nombreuses conférences, en France et à l’étranger, pour la LICP (Ligue internationale des combattants de la Paix) dont il devint, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le secrétaire général. C’était un remarquable orateur, à la voix puissante et convaincante.

Robert Jospin militait, depuis 1924, au Parti socialiste SFIO et assura, pendant près de dix ans, le secrétariat général de la Fédération de Seine-et-Marne. Il était professeur à Meudon (Seine-et-Oise) quand, aux élections législatives de 1936, la Fédération socialiste de l’Indre le présenta dans l’arrondissement de La Châtre. Sur 17 822 inscrits et 15 522 suffrages exprimés, il obtint 2 215 voix et se désista pour le candidat radical-socialiste Rottinat qui fut élu (en 1931, le parti n’avait obtenu que 600 voix !). En 1937, il fut le porte-drapeau socialiste aux élections pour le conseil général dans le canton de Pont-Sainte-Maxence (Oise) mais il échoua devant le conseiller sortant, le sénateur Decroze.

En avril 1935, Jospin, comme secrétaire du bureau français du mouvement international d’unité, organisa avec le comité central des groupes de jeunes une conférence nationale d’unité du personnel enseignant sous l’égide du Mouvement international d’unité du corps enseignants, contre les réductions, le fascisme et la guerre.

Durant la Seconde Guerre mondiale, son pacifisme le plaça dans la mouvance de la Ligue de la pensée française de René Château. En 1942 il subit une perquisition suivie d’une courte arrestation, sans suite. Son nom apparaît dans le journal de Claude Jamet, Germinal, hebdomadaire de la pensée socialiste française, dont le premier numéro paraît le 28 avril 1944. Toutefois une lettre à Claude Jamet témoigne de sa prise de distance : « J’ai essayé tout ce dimanche de travailler au papier dont nous avions parlé. Je n’ai pas pu. Je ne crois pas la chose convenable, compte tenu de ce qu’ont été nos erreurs et peut-être nos crimes.* (cité par Dominique Jamet, op. cit.). Il accepta d’être nommé par le préfet de Seine-et-Oise, conseiller municipal de Meudon le 27 mai 1944, quelques jours avant le débarquement. Le conseil fut donc très vite remplacé par un comité local de Libération. Mireille Jospin dira plus tard : « Robert a siégé au conseil municipal de Meudon sur le conseil du professeur d’obstétrique Maurice Mayer, résistant et caché chez nous à cette époque, afin de suivre certains dossiers médicaux. »

À partir de 1944, Robert Jospin, rompant avec l’enseignement général, se mit, toujours dans le cadre de l’Éducation nationale, au service de l’enfance délinquante : délégué à la liberté surveillée, collaborateur du juge Rollet, il occupa, jusqu’à sa retraite, divers postes de direction, rue de Madrid à Paris (VIIIe arr.), au Centre d’observation pour mineurs délinquants en instance de jugement, et aussi boulevard Richard-Lenoir, Paris (XIe arr.), au Centre d’études pour adolescents inadaptés. Dès 1950 et jusqu’en fin de carrière, il exerça à Chamigny par La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), à l’école nationale de perfectionnement et au centre de réadaptation et d’apprentissage.

Chef d’établissement jusqu’à sa retraite en 1966, Robert Jospin collabora à de nombreux journaux et revues, notamment à La Démocratie, à la Jeune République de Marc Sangnier, à la Patrie Humaine, au Barrage, à Défense de l’Homme, à La Voie de la Paix, à l’Union Pacifiste, au Libertaire, au Réfractaire. Européen convaincu, il fut, de longues années, président des « Travailleurs européens ».

Jospin adhérait au Parti socialiste SFIO et au congrès fédéral du 26 février 1956 devint le secrétaire-adjoint de la fédération de Seine-et-Marne. Le secrétaire était Arbeltier, alors député. Celui-ci étant passé au Parti socialiste autonome, Jospin devint le secrétaire de la fédération en 1958-1959. Il avait été en 1958 le candidat socialiste SFIO aux élections législatives dans l’Indre.

Il avait épousé, en mai 1923 à Boulogne (Seine) Marie-Laure Massart puis le 2 août 1934, à Meudon, Mireille Aliette Dandieu qui fut sage femme. Robert Jospin, chevalier de la Légion d’honneur et officier des Palmes académiques, était le père de Lionel Jospin, premier secrétaire national du Parti socialiste de 1981 à 1988 et ministre d’État chargé de l’Éducation nationale, de la Recherche et des Sports, dans le gouvernement Rocard, puis premier ministre. À un journaliste de la télévision qui lui demandait, après la mort de François Mitterrand, si celui-ci avait été son père spirituel, Lionel Jospin répondit un peu irrité : « Un père j’en ai eu un avec une forte personnalité, J’ai cependant réussi à me forger ma personnalité. Je n’ai pas besoin d’autre père ». Sa fille Noëlle, épouse de François Chatelet, a fait œuvre littéraire sous le nom de Noëlle Chatelet, un des ses fils, Olivier, fut militant et responsable de l’OCI, mouvement trotskyste ; Lionel lui même fut un temps attiré par les idées trotskystes comme il le reconnu en mai 2001 à la suite de la publication d’articles dans la presse hebdomadaire et quotidienne et d’une question d’actualité au Parlement.

Robert Jospin mourut en mai 1990, quelques jours avant la sortie d’un film de Bernard Baissat, consacré à sa vie. Le même réalisateur a produit en 2001 un film sur Mireille Jospin. http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/01/02/26049754.html

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89780, notice JOSPIN Robert, Jules, André [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, version mise en ligne le 19 octobre 2010, dernière modification le 21 juin 2022.

Par Jean Maitron

SOURCES : Arch. Dép. Indre, 3 MI425 . — OURS, fédération socialiste SFIO de Seine-et-Marne. — Notes de l’intéressé. — Libération, 28 janvier 1985. — Le Monde, 11 mai 1990. — Notes de Jacques Girault et de Claude Pennetier. — Claude Jamet, Un petit parisien, Flammarion, 2000. — Jospin. « Voyage au centre de l’austère », Les dossiers du Canard enchaîné, 2001. — Mémoire de maîtrise d’Histoire de Nicolas Offenstadt sur la LICP, Université de Paris I.— État civil. — Notes de Sylvain Boulouque.

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