BOUDOUX Francis ou BOUDOUX François ou J.S. BOUDOUX, dit Jean le Vieux, de son vrai nom SELLENET Jules

Par Jean Maitron

Né le 18 juillet 1881 à Saint-Étienne (Loire) ; mort le 17 mars 1941 à Argenteuil (Seine-et-Oise) ; ouvrier forgeron ; anarchiste ; syndicaliste.

Arrestation de Boudoux en 1905
Arrestation de Boudoux en 1905

Sellenet fut signalé pour la première fois lorsqu’il quitta Tullins (Isère) le 28 août 1901 ; puis, peu après, à Coursan (Aude) où il épousa Doumen Joséphine, Pauline. Il fut alors incorporé au 157e régiment d’infanterie dans les Basses-Alpes puis, en raison de ses opinions anarchistes, affecté au 100e régiment d’infanterie à Narbonne.

Le 2 août 1904, Sellenet désertait et se cachait à Marseille (il avait « emprunté » les papiers d’identité d’un de ses camarades parisiens, le ferblantier Boudoux et c’est sous ce nom qu’il militera).

Secrétaire de l’Union des syndicats de Longwy (Meurthe-et-Moselle), il prit grande part aux grèves de Lunéville (avril-mai) et de Longwy (août 1905). Puis il prit la fuite, mais « sur les indications fournies par la direction de la Sûreté générale, il fut appréhendé comme déserteur », à Auxerre, le 4 octobre 1905. Il fut alors traduit devant le conseil de guerre de Montpellier et condamné, le 7 novembre 1905, à deux mois de prison avec sursis et dirigé sur le 12e régiment d’infanterie, puis amnistié. Il appartenait à l’Association internationale antimilitariste (AIA). Voir Mariatte Eug.*

On le retrouve à Nancy en 1906 où il fut condamné à plusieurs reprises pour son action militante. Il vivait seul, ayant abandonné femme et enfants. Le 29 mars 1906, il encourut à Nancy quatre mois de prison pour « entraves à la liberté du travail, port d’arme et infraction à la loi sur le casier judiciaire » ; le 6 juin suivant, toujours à Nancy, un mois de prison pour entraves à la liberté du travail ; un an plus tard, le 29 mai, à Nancy encore, quinze jours de prison pour coups. En juillet, il joua un rôle important dans la grève de Raon-l’Étape (Vosges). Arrêté le 23 août pour avoir frappé un « jaune », il fut condamné en novembre, par le tribunal correctionnel de Saint-Dié, à six mois de prison et 100 F d’amende « pour provocation au meurtre des non-grévistes ». Peine confirmée en appel à Nancy le 28 novembre. Il fut libéré le 21 février 1908. Le 4 mars, il était élu secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de Meurthe-et-Moselle et fondait la Voix sociale pour remplacer le Cri populaire. Il assista alors comme délégué au XVIe congrès national corporatif — 10e de la CGT — Marseille, 5-12 octobre 1908.

Il écrivait fréquemment dans Le Réveil, Le Syndicaliste, La Vie sociale de Meurthe-et-Moselle, sans parler des journaux parisiens.

Mais l’action de Boudoux, si elle inquiétait le patronat, inquiétait aussi certains militants syndicalistes et, en 1910, l’homme fut dénoncé comme agent provocateur à la solde des de Wendel par le syndicat des ouvriers métallurgistes d’Auboué (Meurthe-et-Moselle) dont il était secrétaire, l’Union des syndicats de Meurthe-et-Moselle, le journal Le Travailleur socialiste (cf. 11 février 1911) ; il fit l’objet d’une mesure d’exclusion avec appel à la direction de la CGT, pour trancher le cas nationalement.

Cependant, Boudoux avait quitté la région et, en avril 1909, il s’était fixé à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) où il s’était déjà rendu l’année précédente, en novembre. Il voulut adhérer au syndicat des mineurs, mais les dirigeants du syndicat s’y opposèrent « parce qu’on le croit ou un indicateur de police ou à la solde des réactionnaires » (note de police).

En septembre 1912, Boudoux réussit cependant à se faire déléguer au XVIIIe congrès national des syndicats — 12e de la CGT.

Pendant la Première Guerre mondiale, Boudoux fut mobilisé au 17e régiment d’infanterie et fit campagne pendant vingt mois environ. Il obtint la croix de guerre avec très élogieuse citation pour avoir sauvé la vie à son officier. Il était sergent-fourrier lorsque, vers août 1916, il fut mis en sursis d’appel et affecté à la maison Alix et Laute, fabrique d’aéroplanes à Courbevoie (Seine).

Rendu à la vie civile, Boudoux reprit aussitôt ses activités anarchistes et syndicales : il était en rapports avec Sébastien Faure et membre actif du Comité de défense syndicaliste fondé en janvier 1916 et dont il fut un temps le secrétaire ; il était également secrétaire du syndicat des charpentiers en fer de la Seine (cf. CQFD, 24 février 1917).

Mais la question de son exclusion, soulevée en 1910-1911 par les syndicats de Meurthe-et-Moselle, allait être reprise et tranchée par la direction de la CGT. Une circulaire, signée Léon Jouhaux, datée Paris, 10 avril 1919, et adressée aux syndicats confédérés, annonçait que le cas Sellenet dit Boudoux avait été examiné par le CCN, en session du 23 au 25 mars 1919. Vu la plainte élevée par l’Union départementale de Meurthe-et-Moselle, considérant que Boudoux « alors qu’il était secrétaire du syndicat des ouvriers métallurgistes d’Auboué, s’est fait l’agent de M. de Wendel, Maître de Forges dans la région, qu’ainsi il apparaît à travers les événements de l’époque (1909-1910) comme un agent patronal provocateur, qu’il a, d’autre part, en Meurthe-et-Moselle, pour ne parler que de cette région, fait de multiples dupes et victimes », Boudoux n’ayant jamais fait appel et s’étant refusé à comparaître, le CCN déclarait qu’il y avait lieu de généraliser la mesure d’exclusion prise par le syndicat d’Auboué, l’UD de Meurthe-et-Moselle et la fédération des Métaux et il était décidé : « Boudoux ne pourra plus exercer, où que ce soit, aucun mandat syndical » (Cf. Arch. Nat. F7/13 576, rapport du 22 avril 1919.)

Collaborateur du Libertaire à cette époque, Boudoux ne répondit guère que par des insultes (cf. n° du 30 avril 1919).

Les mêmes accusations à l’encontre de Boudoux allaient reprendre à propos des affrontements communistes-anarchistes dans la CGTU. Boudoux militait alors activement à l’Union anarchiste puisqu’il participa aux congrès que cette organisation tint à Paris les 12-13 août 1923 et 1er-3 novembre 1924. Le 11 janvier 1924, au cours d’une bagarre survenue à la Grange-aux-Belles et qui fit deux morts, Boudoux lui-même fut légèrement blessé. Monmousseau, dix ans plus tard, évoquant cette affaire (cf. l’Humanité, 13 novembre 1935), accusa Boudoux qui répondit dans Terre libre de décembre, sans qu’une certitude soit apportée dans un sens ou dans l’autre.

Boudoux appartint ensuite au syndicat unique du Bâtiment de Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise), détaché de la CGTU, puis exerça les fonctions de secrétaire du SUB de Paris en 1925-1926 en même temps qu’il militait au groupe anarchiste de Bezons.

En 1926, Jules Sellenet était secrétaire de la Fédération nationale autonome du Bâtiment. Il fit adopter, le 18 juillet 1926, la motion Jouve-Barthes-Boudoux qui visait à regrouper toutes les forces du syndicalisme autonome en une troisième centrale syndicale. Membre fondateur de la CGT-SR, il devint secrétaire de la Fédération CGT-SR du Bâtiment. Domicilié à Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise) il se présenta, par principe, comme candidat anarchiste aux élections législatives de 1936 dans la première circonscription de Versailles. Après avoir appartenu à la colonne Durruti pendant la guerre civile espagnole (où il ne trouva pas la mort comme l’indiqua par erreur le Libertairedu 23 octobre 1936, le confondant avec Rémy Boudou), il assista au VIe congrès de la CGT-SR, en 1937.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Sellenet était chargé de la propagande à la Fédération CGT-SR du Bâtiment. Il était charpentier en fer et habitait Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise) lorsqu’il mourut à Argenteuil en 1941.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89825, notice BOUDOUX Francis ou BOUDOUX François ou J.S. BOUDOUX, dit Jean le Vieux, de son vrai nom SELLENET Jules par Jean Maitron, version mise en ligne le 22 octobre 2010, dernière modification le 1er mai 2020.

Par Jean Maitron

Arrestation de Boudoux en 1905
Arrestation de Boudoux en 1905

SOURCES : Arch. Nat. F7/13 569, rapport du 25 mars 1917 ; F7/13 576, rapport du 22 avril 1919 ; F7/13 608, F7/13 617, rapport du 23 décembre 1916. — Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle. — État-civil de Saint-Étienne. — La Voix du Peuple, 15-22 mars 1908. — Comptes rendus des congrès. — Journaux cités ci-dessus. — Arch. PPo. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 11/26. — La Voix du travail, août 1926. — S. Jospin, M.M., op. cit. — Jean-Louis Robert, Les ouvriers, la Patrie et la Révolution. Paris 1914-1919, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1995. — Note de Marianne Enckell.

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