THOMAS Georges, Louis, Jules

Par Annie Pennetier, Claude Pennetier

Né le 8 décembre 1883 à Luant (Indre), mort le 30 mai 1970 à Châteauroux ; instituteur ; syndicaliste révolutionnaire de l’Indre ; communiste libertaire.

Fils d’un boulanger et d’une cabaretière, Georges Thomas fréquenta les milieux anarchistes et collabora à la revue Temps nouveaux de 1910 à 1914. En mars 1911, il fut l’un des fondateurs du Syndicat des instituteurs de l’Indre et le représenta en maints congrès. Secrétaire adjoint de mars 1911 au 24 mai 1913 (Bouyéra en étant le secrétaire), il en devint le secrétaire du 24 mai 1919 au 16 juin 1921, sa femme assurant l’intérim pendant son séjour aux armées. Il exerça à Lye, puis à Baudres en 1913, et à Niherne après la Première Guerre mondiale.
Georges Thomas fut mobilisé comme sergent au 90e régiment d’infanterie et affecté à l’hôpital auxiliaire n° 2 de Tours (Indre-et-Loire) en juin 1916. Il fut muté quelques mois plus tard au 10e régiment d’infanterie à Auxonne (Côte-d’Or). Il se disait alors socialiste libertaire et entretint une correspondance suivie avec l’anarchiste Charles Benoît* en 1917 et 1918. La police saisit, le 3 décembre 1917, une lettre témoignant de son enthousiasme à l’annonce de la Révolution d’octobre : « Qu’ils sont magnifiques, ces révolutionnaires russes qu’on avait trop tendance à prendre pour des rêveurs, des mystiques de la révolution. » Thomas était un lecteur et un collaborateur régulier de la revue l’Avenir international publiée par Benoît à partir de janvier 1918.

Dès sa démobilisation, Georges Thomas tenta d’utiliser le pacifisme des ouvriers et des ruraux pour modifier leur comportement politique. Il fonda l’Association ouvrière et paysanne des victimes de la guerre du département de l’Indre — dont il assura le secrétariat en 1920 — et adhéra à la Fédération socialiste. Ses articles, publiés dans le journal Le Progrès social, étaient surtout consacrés à la Russie bolchevique et à la question agraire. Il pensait pouvoir rallier au socialisme les petits paysans, mais ses tentatives n’eurent guère de succès. En rejoignant le Parti socialiste, l’ancien militant libertaire n’avait pas renié ses idées. Ainsi, au cours d’une réunion fédérale en octobre 1920, il déclara « n’étant pas marxiste », vouloir « s’exprimer suivant ses conceptions du communisme libertaire » et ajouta « la situation est révolutionnaire mais les individus ne le sont pas ». Gardant son franc-parler, il critiqua les professions de foi des candidats socialistes de l’Indre aux élections législatives de novembre 1919 en affirmant : « Je vous mets au défi de me citer un seul de ses paragraphes qu’un bourgeois républicain bon teint refuserait de signer. » Il ajouta le 14 mars 1920 : « Le Parti aura à ses côtés les éléments libertaires le jour où il commencera à faire du vrai socialisme. »

Georges Thomas soutint l’adhésion à la IIIe Internationale et rejoignit le Parti communiste. Secrétaire de la section de Saint-Plantaire en 1923, il combattit la droite du parti ce qui lui valut le surnom de « Souvarine de l’Indre » mais ses idées le rapprochaient plutôt des syndicalistes révolutionnaires. Nous ignorons la date de son départ du PC ; elle se situe vraisemblablement vers 1924-1925. François Venault*, militant communiste de l’Indre , prit à partie Thomas dans L’Émancipateur du 18 août 1929 : « Ce camarade était un des plus fougueux militants de notre parti communiste ; oui Thomas fut comme qui dirait un Boris Souvarine local [...] toutes les semaines Thomas nous assénait de ses articles virulents, ma foi très bien rédigés [...] Eh bien, Thomas comme beaucoup d’intellectuels ne fut communiste que de titre au moment où le communisme se « portait » et que ça vous donnait l’air d’être quelqu’un [...] juste à l’époque où le PC demandait à ses membres de mettre en pratique leur fougueuse combativité, Thomas s’est empressé de mettre les bouts et de rallier la bourgeoisie bien pensante de la Ligue des droits de l’Homme [...]. Il est devenu l’homme le plus fougueux des pourfendeurs du communisme que les fascistes à la Coty sont très heureux d’incorporer dans leur cohue contre-révolutionnaire. »

En février 1921, Georges Thomas était secrétaire de la Fédération ouvrière et paysanne de l’Indre des associations de mutilés, réformés, veuves et orphelins de guerre mais l’essentiel de son activité fut consacré au syndicalisme. Son organisation d’instituteurs progressait : les effectifs passèrent de cinquante à cent vingt-cinq en un an, d’après une lettre de Thomas à Gaston Beauvois* (du Cher) datée 4 juillet 1920. Il était avec Paul Cadeau* l’animateur des Comités syndicalistes révolutionnaires dans l’Indre. Thomas fut membre du conseil départemental de l’enseignement primaire de 1923 à 1926. Il assura le secrétariat du Cartel départemental unique des fonctionnaires et des ouvriers des services publics de l’Indre du 21 novembre 1920 à mars 1928, puis du Cartel unitaire de mars 1928 à juin 1932.

Si l’influence de Georges Thomas déclina dans le Parti communiste, elle resta forte dans le mouvement syndical et c’est sur son initiative que se constitua, le 8 novembre 1924, l’Union départementale mixte de l’Indre groupant les syndicats confédérés, unitaires et autonomes. Au sein de la CGTU, il appuya le courant minoritaire. En 1926, son syndicat protesta contre l’introduction de la « dictature du prolétariat » dans le préambule des statuts de la Confédération. Redevenu secrétaire du syndicat de l’enseignement laïque de l’Indre du 11 janvier 1926 au 12 janvier 1928 puis du 3 mars 1932 au 30 juin de la même année, il émit des doutes sur la volonté unitaire de la CGTU. Il écrivait en février 1926 : « S’il y a scission de la part de la CGT dans la constitution de l’UD confédérée, il y a également tentative de scission de la part de la CGTU. » En novembre 1930, il mena une active campagne pour l’unité syndicale sur la base de la plate-forme des 22 et fut secrétaire du comité départemental pour l’unité fondé en juin 1931. Les rapports entre majoritaires et minoritaires s’avéraient de plus en plus difficiles. L’Émancipateur du 17 août 1930 publia un article intitulé « Mœurs de minoritaires » accusant Georges Thomas d’avoir menacé de gifler Pierre Gaultier* au congrès de l’Union locale unitaire de Châteauroux. Ne croyant plus à un possible redressement de la CGTU, Thomas quitta la Fédération unitaire de l’enseignement avec la tendance de la Ligue syndicaliste, en 1932.

Les deux syndicats d’instituteurs de l’Indre (Syndicat national et Fédération de l’Enseignement) fusionnèrent et choisirent Georges Thomas pour secrétaire, du 8 décembre 1932 à octobre 1937. Il assura également le secrétariat du Cartel confédéré des fonctionnaires et ouvriers des services publics de l’Indre d’octobre 1932 à janvier 1936 et enfin du Cartel unique reconstitué de janvier 1936 à septembre 1939.

Georges Thomas fut sanctionné à plusieurs reprises par l’administration pour son action syndicale : signataire du manifeste des instituteurs syndiqués après le congrès de Chambéry, il avait été blâmé en 1912 et menacé de révocation en 1913. Sommé de dissoudre son syndicat en 1921, il brava les menaces de l’administration et fut condamné à 100 F d’amende avec deux de ses camarades, le 2 février 1921, par le tribunal correctionnel de Châteauroux. La cour d’appel de Bourges confirma la condamnation le 24 mars 1921. Il fut aussi censuré en septembre 1934 pour un discours prononcé au congrès de Nice du SNI (août 1934). Le Parti communiste prit alors sa défense en rappelant que Thomas « avait aussi dans ce congrès dénoncé la politique syndicale confédérée de collaboration préconisée par le leader Jouhaux » et annonça pour le 28 octobre 1934, à Châteauroux, un grand meeting avec Julien Racamond* et J. Duclos. En fait, ce dernier se fit remplacer par Jean Grandel*. L’ampleur de la protestation s’explique par la période et par le rôle joué par Georges Thomas après le 6 février 1934. Il avait été l’organisateur et le seul orateur du rassemblement du 12 février 1934 à Châteauroux, groupant deux mille manifestants. Il constitua avec les socialistes et les confédérés un comité de vigilance antifasciste concurrent du comité local de lutte contre le fascisme et la guerre, d’inspiration communiste. Après la réunion de protestation du 28 octobre 1934, Thomas décida d’adhérer au Secours rouge international. Cette initiative fut immédiatement rendue publique par le journal communiste L’Émancipateur dans un article intitulé « Socialistes et communistes s’unissent dans le SR » ; l’instituteur n’était cependant pas membre du Parti socialiste.

Le départ à la retraite de Georges Thomas fut salué par le congrès national du SNI réuni les 3-4 et 5 août 1937. Il prit aussitôt le secrétariat de la section départementale de la Fédération générale des retraités et donna des cours au Collège du travail de Châteauroux. L’Union départementale CGT lui confia la fonction de trésorier du 30 mars 1938 au 25 juin 1939, il fut membre du bureau clandestin du syndicat de l’enseignement à partir de 1943.
Georges Thomas adhéra au Parti socialiste SFIO en 1945, acceptant — pour la première fois — d’être candidat aux élections cantonales de septembre à Châteauroux contre le communiste Pierre Gaultier. Il fut élu conseiller municipal de Châteauroux en 1947. Orateur, journaliste, animateur, pédagogue, Georges Thomas tint à compléter une vie militante intense en se faisant, sur ses vieux jours, l’historien du mouvement ouvrier dans l’Indre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89833, notice THOMAS Georges, Louis, Jules par Annie Pennetier, Claude Pennetier, version mise en ligne le 23 octobre 2010, dernière modification le 30 avril 2020.

Par Annie Pennetier, Claude Pennetier

ŒUVRE : G. Thomas a collaboré aux périodiques suivants : Les Temps Nouveaux (1910-1914) ; l’Avenir international (1918-1920) ; L’École émancipée (1911-1928), l’Action syndicaliste (1926-1936), Le Progrès social (1919-1921), Travail (janvier 1922-septembre 1923), Ralliement (mai 1945-février 1946), Le Populaire de l’Indre (février-octobre 1946), l’Actualité de l’histoire (décembre 1957) un article intitulé : « Le Socialisme et le syndicalisme dans l’Indre des origines à 1920-1922 ». Collaboration au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Son importante bibliothèque a été remise par sa fille au CRHMSS (actuel Centre d’histoire sociale du XXe siècle CNRS/Paris 1).

SOURCES : Arch. Nat. F7/12991, 13604, 13744, 13749. — Arch. PPo., Ba/1562 (cité par Annie Kriegel, Communismes au miroir français, Gallimard, 1974, p. 45). — Arch. des syndicats de l’Enseignement du Cher. — L’Émancipation, n° 10, 1913. — Le Progrès social, 1920. — L’Émancipateur, 1923-1924. — La Dépêche du Berry, 12 février 1934. — Le Syndiqué du Centre, 1926-1930. — La Vie ouvrière, juillet 1930. — Les Cahiers du bolchevisme, janvier 1930. — La Révolution prolétarienne, novembre 1955. — Rens. fournis par G. Thomas.

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